Revue de presse
« La situation sociale de CentraleSupélec est extrêmement tendue », estime le Sgen-CFDT dans une lettre ouverte
« La situation sociale de l’établissement est extrêmement tendue. Pour le Sgen-CFDT, des changements dans les pratiques de gouvernance sont indispensables, pour plus de respect des personnels et de leur travail », écrit le syndicat dans une lettre ouverte à Thierry Mandon, le 30 mars 2016, à propos de CentraleSupélec. « Il n’est pas acceptable, par exemple, que le CHSCT n’ait pas été réuni une seule fois en 2015 alors que les besoins sont importants au terme d’un processus de fusion que les personnels ne souhaitaient pas. » Le Sgen-CFDT demande au secrétaire d’État d’ajouter un volet RH à la mission que doit effectuer l’IGAENR sur l’état des finances de l’école, et « qu’un expert soit nommé, qui se centrerait spécifiquement sur les questions relatives à la qualité de vie au travail de l’ensemble des salariés ». Pour Francis Trélin, élu au CT, « une crise sociale majeure est possible ».
Un peu plus d’un an après la fusion effective entre Centrale et Supélec, au 1er janvier 2015, des inquiétudes importantes des personnels du nouvel établissement, CentraleSupélec, sont rendues publiques par le Sgen-CFDT, au travers d’une lettre ouverte à Thierry Mandon datée du 30 mars 2016. Dans ce courrier, le syndicat évoque une « situation sociale extrêmement tendue » et formule deux requêtes :
- d’une part, une audience entre les représentants des personnels Sgen-CFDT et les inspecteurs IGAENR chargés de réaliser un diagnostic financier de l’établissement, pour « leur permettre d’exposer leur vision de l’état actuel du dialogue social dans l’établissement » et de « rendre compte des processus d’harmonisation gestionnaire en cours entre les anciennes écoles Centrale et Supélec, de l’impact de la fusion dans les campus de province, ou encore du statut précaire des personnels contractuels qui sont les laissés-pour-compte de cette fusion » ;
- d’autre part, « d’insérer un volet ressources humaines dans la mission de l’IGAENR » et pour cela, « qu’un expert soit nommé », qui « se centrerait spécifiquement sur les questions relatives à la qualité de vie au travail de l’ensemble des salariés, condition de l’amélioration de leur créativité et de leur motivation professionnelle ».
FRANCIS TRÉLIN (CFDT) : « POUR MOI, CENTRALESUPÉLEC, C’EST LE TITANIC »
Contacté par AEF, Francis Trélin, secrétaire de section CFDT à CentraleSupélec et élu des personnels techniques au CT, expose les raisons des inquiétudes relayées dans la lettre. Selon lui, plusieurs problèmes se cumulent, sur fond de malaise dû à un sentiment « d’absorption d’une école (Supélec) par l’autre (Centrale) » : de grandes difficultés financières, des incertitudes sur l’avenir des campus de Rennes et Metz, un chantier d’harmonisation de la gestion des personnels aux statuts divers à peine entamé alors qu’il doit aboutir au 1er janvier 2017, et le début de la réforme du cursus ingénieur.
Une absorption « brutale » de Supélec par Centrale, dénonce le Sgen-CFDT
« Les trois quarts de l’organigramme de CentraleSupélec, ce sont des Centraliens », pointe du doigt Francis Trélin, ingénieur de recherche venu de Supélec. « On nous a expliqué que nous, personnels de Supélec, ne connaissions pas les règles du public. Le cadres administratifs ont donc été remplacés par des gens venus de Centrale, sans licenciements bien sûr, mais avec des mises au placard. L’absorption a été nette et brutale. Nous sommes dans la problématique des risques psychosociaux. Tous les jours, j’entends une histoire nouvelle, alors même que beaucoup ont honte et peur de parler de leur situation. »
CentraleSupélec serait en déficit. « Le problème fondamental est que CentraleSupélec est en grande difficulté sur le plan financier, et qu’Hervé Biausser [directeur général] a annoncé lors d’une réunion préparatoire au prochain CA que l’école est en déficit pour l’année 2015″, indique d’abord Francis Trélin. « Le projet de fusion reposait sur une logique de 1+1 = 3, mais la réalité est tout autre. Il y a eu des pertes en ligne, car Supélec étant passée sous statut public, elle a perdu certains avantages, comme l’éligibilité au CIR et le passage des contrats de recherche auparavant financés aux coûts complets au système du coût marginal. Il y a eu aussi la réforme de la taxe d’apprentissage. Au final, il n’y a aucune marge de manœuvre pour harmoniser les salaires, ni pour assurer aux contractuels un système de revalorisation des salaires comparable à celui des fonctionnaires. »
Le choc des cultures privé/public. Ce chantier RH, complexe, doit être bouclé au 1er janvier 2017 mais il « commence seulement maintenant », explique l’élu CFDT. « L’administration de CentraleSupélec, fortement centralienne, ne sait pas négocier et n’a jamais voulu le faire. Le cadre de gestion des contractuels commence à peine à être discuté, sur la base d’un référentiel conçu par le cabinet Deloitte sur lequel nous n’avons aucune vue, alors que nous le réclamons depuis deux ans ! » Francis Trélin rappelle que « la culture de Centrale, école publique, est radicalement différente de celle de Supélec, école privée », et que les personnels de Supélec ne s’y retrouvent pas. « En moyenne, chaque année, nous avions tous plus ou moins le même avancement, ouvriers comme enseignants. Mais dans la fonction publique, il y a une différence extraordinaire dans l’évolution des courbes selon les catégories : quand certains ouvriers voient leur salaire augmenter de 0,4 % par an sur 20 ans, la hausse peut-être de 4 ou 5 % pour certains maîtres de conférences et professeurs ! »
Le devenir des campus de Metz et de Rennes. Autre sujet d’inquiétude, qui a précipité la prise de conscience chez les personnels concernés : la stratégie de la direction pour les campus délocalisés de l’ancienne Supélec à Metz et à Rennes. « En janvier, lors de ses vœux, Hervé Biausser a annoncé qu’il n’y aurait plus d’élèves primo-entrants affectés sur ces campus. Cela va à l’encontre de la politique volontariste menée par Supélec dans ces régions et déstabilise beaucoup les personnels. Cela fera une centaine d’étudiants en moins sur chaque campus, que la direction propose de remplacer par des étudiants étrangers dans des cursus de masters spécialisés plus rentables. Mais c’est un échec programmé, car les étrangers ne connaissent ni Metz, ni Rennes ! »
La réforme du cursus ingénieur. « Pour l’instant, ce sont les personnels techniques et administratifs qui ont souffert de la fusion, car les enseignants, eux, n’ont pas vu leurs conditions de travail changer. Mais avec la construction du nouveau cursus CentraleSupélec, conçu selon une vision typiquement centralienne, ils vont être eux aussi impactés », prévoit Francis Trélin, qui n’exclut pas alors « une crise sociale majeure ». « Pour moi, CentraleSupélec, c’est le Titanic », dit-il.
31 mars
Adhérent de la section UBO-ENIB du Sgen-CFDT depuis 2007, Matthieu Gallou est appelé en 2012 à siéger comme représentant de l’enseignement supérieur et de la recherche au sein du conseil syndical régional du Sgen-CFDT Bretagne. Depuis 2014, il est secrétaire fédéral « enseignement supérieur et recherche » au sein de la fédération nationale des Syndicats Sgen-CFDT. Il siège à ce titre au Comité national ministériel de suivi de la licence-licence pro et au Comité national ministériel de suivi du master. En juin dernier, il est élu au Cneser et siège depuis juillet à la commission permanente. Il s’est engagé à abandonner l’ensemble de ces mandats en cas d’élection à la présidence de l’UBO.
« Les sections CNU doivent se saisir du suivi de carrière. Sinon, tôt ou tard, d’autres s’en empareront ! », déclare le Sgen-CFDT après l’annonce par la CP-CNU d’un nouveau moratoire sur la généralisation du suivi de carrière prévue par le décret du 2 septembre 2014. « Préfère-t-on que ce suivi soit assuré par les présidents d’université, ou par un corps d’inspection créé de toutes pièces ? L’histoire est pleine d’exemples de ce type, où ceux qui s’opposaient à des mesures les réclament ensuite quand des dispositifs moins favorables se mettent en place. » Pour le syndicat, « la contestation du suivi de carrière s’est nourrie de l’incapacité du ministère à piloter politiquement le dossier ».
« L’évaluation des agents est une règle de la fonction publique qui a pour objectif de vérifier le bon accomplissement des missions de service public confiées à chacun. Le respect des règles de la fonction publique est aussi à voir comme une garantie de notre appartenance à cette même fonction publique. Vouloir s’en extraire pourrait laisser penser que nous pourrions ne plus en être », écrit le Sgen-CFDT qui s’inscrit clairement contre les motions votées dans une quarantaine de sections du CNU et contre la pétition lancée et soutenue notamment par l’Ases (Association des sociologues enseignant·e·s du supérieur), le Snesup-FSU ou encore la Ferc-Sup-CGT.
Le Sgen-CFDT rappelle que l’évaluation individuelle prévue dans le décret de 2009 a laissé la place à un « suivi de carrière mené par les pairs et assuré au niveau national par les sections CNU », lequel « n’a pas pour objectif de procéder à un classement ou à une notation ». « Les recommandations éventuelles émises par les pairs lors de l’étude des rapports d’activité n’ont pour objectif que d’accompagner les enseignants-chercheurs dans l’accomplissement de l’ensemble de leurs missions dans les meilleures conditions possibles. On le sait : il est difficile pour les enseignants-chercheurs de concilier enseignement, recherche et responsabilités collectives sans sacrifier leur vie personnelle et familiale. Le suivi de carrière est aussi, dans ce contexte, un droit au conseil et à l’accompagnement qu’il serait injuste de leur dénier. »
DE NOMBREUSES QUESTIONS SANS RÉPONSE DE LA PART DU MENESR
Le Sgen-CFDT réfute l’argument selon lequel « la charge de travail engendrée par le suivi de carrière n’est pas absorbable par les sections du CNU ». Il y oppose le fait que « les membres suppléants peuvent maintenant contribuer aux travaux des sections » et que « la force de travail disponible est donc potentiellement doublée ».
Il reproche en revanche au MENESR de ne « pas avoir agi à temps pour permettre au suivi de carrière de se mettre en place sereinement ». « De nombreuses questions restent sans réponse : pourquoi la circulaire faisant obligation aux sections CNU de publier, avant le lancement de la procédure, les critères qu’elles appliqueront n’a-t-elle pas été appliquée ? Quel doit être le contenu des ‘avis’ des établissements qui seront joints au rapport d’activité de leurs enseignants-chercheurs ? Quel usage feront-ils des retours du CNU ? Pourquoi, enfin, n’a-t-on pas profité de la circonstance pour mettre en place un dossier unique d’activité, évitant les multiples saisies sur les différentes applications informatiques de la ‘galaxie de l’enseignement supérieur’ ? », interroge le syndicat.
Concernant l’Education et la recherche, Frédéric Seve (SGEN) a dénoncé « une contradiction entre les déclarations très politiques et le ressenti des personnels sur le terrain » et le « manque d’attractivité des métiers » ainsi que de « reconnaissance des compétences ».
« De simples mesures salariales ne suffisent pas à solder le malaise », a-t-il ajouté, dénonçant « la précarité » de nombreux personnels enseignants et « le manque de volonté (politique) pour avancer sur les dossiers en souffrance comme la parité salariale entre professeurs des écoles et second degré ». Il a rappelé que « certains établissements comptent 50% de contractuels et n’ont pas eu de prof de maths titulaire depuis dix ans ».