Témoignage de professionnels sur la période de déconfinement (mai-juin 2020), une période déstabilisante pour les personnels de l'Éducation nationale. Laurent Calmon professeur- formateur de technologie dans l'Indre répond aux questions du Sgen-CFDT.
Professeur-Formateur en Technologie, affecté au Collège Les Capucins à Châteauroux, Laurent Calmon enseigne dans un établissement de 16 classes pour environ 425 élèves. Dans sa discipline, les mesures sanitaires strictes mises en oeuvre au retour des élèves à l’issue du confinement rendaient la manipulation impossible. Il a dû réinventer son métier, sa pédagogie. Si le travail collectif a permis de relever le défi de la reprise, les annonces contradictoires ont mis à mal le fonctionnement de l’établissement.
Après la période de confinement qui a demandé de complètement se réinventer au prix de nombreuses heures de travail à domicile, j’ai vu arriver le déconfinement avec soulagement et inquiétude. Avec soulagement, car le confinement commençait à être long à vivre, personnellement et professionnellement, notamment depuis le retour des vacances de printemps. Avec inquiétude, car le cadre du déconfinement était très mouvant et flou, tant sur le protocole national que dans son application locale.
J’ai vu arriver le déconfinement avec soulagement et inquiétude…
Le retour dans l’établissement s’est concrétisé le 18 mai par une réunion plénière (1 jour avant l’arrivée des élèves) destinée à présenter les nouvelles règles à l’équipe éducative dans le respect des « gestes barrières ».
Paradoxalement, l’inquiétude du retour au collège s’est muée en une inquiétude du retour dans la rue à la fin de chaque journée. En effet, le protocole extrêmement strict appliqué « dans les murs » contrastait grandement avec une sorte de « laisser-aller post-confinement » dans l’espace public, les magasins… Finalement le protocole sanitaire instituait un cadre très sécurisant pour retourner travailler.
D’un point de vue pédagogique, l’application du (des) protocole(s) a cependant constitué un vrai casse-tête. Tout d’abord, avec une salle dédiée à chaque classe, il ne nous était (et il nous est toujours) impossible de faire cours dans les salles de Technologie, de Sciences et d’Arts-Plastiques. Cela procède d’un choix de l’équipe de direction, mais cela rend quasiment impossible l’enseignement de ces disciplines, dans lesquelles l’expérimentation, la manipulation, la coopération, sont au cœur des programmes.
Et s’il n’y avait eu qu’un seul protocole !
Mais non, il nous a fallu réinventer nos cours, nos progressions et notre pédagogie toutes les trois semaines, au fil des différentes étapes du déconfinement, des annonces politiques, et des prises de position « anti-profs ». Mais nous l’avons fait, avec lassitude et au prix d’une grande fatigue.
Les élèves qui sont revenus ont bien compris l’intérêt du protocole sanitaire et leur intérêt à être présents en cours. La plupart était plutôt heureux de revenir en classe et de retrouver une partie de leurs camarades. Nous avons d’ailleurs retrouvé, avec satisfaction, certains élèves en difficultés qui ont pu profiter d’un enseignement plus personnalisé qu’à l’habitude. Mais il faut aussi dire que nous n’avons pas du tout revu certains élèves de troisième.
Le 18 mai, la direction nous a proposé une organisation inacceptable : accueillir à temps plein les 10 ou 15 élèves de chaque classe de retour en présentiel, en faisant fi du travail à distance nécessaire pour la « continuité pédagogique » de tous ceux qui avaient fait le choix de rester chez eux.
Nous avons proposé un fonctionnement hybride avec alternance hebdomadaire.
Nous avons immédiatement proposé une réflexion collective afin d’imaginer un fonctionnement hybride, avec une alternance hebdomadaire. Malheureusement, nous avons dû attendre quinze jours pour appliquer cette solution de compromis. Le temps de la mettre en place pendant deux semaines et M. Macron annonçait le retour de tous les élèves en classe le 2 juin. Fatiguant, on vous dit !
Innovation, Solidarité, Lassitude, Epuisement