Le ministre de l’Éducation nationale était présent au conseil supérieur de l’Éducation du 12 octobre 2023.
La confédération CFDT et les deux fédérations de l’éducation, Sgen-CFDT et FEP-CFDT, l’ont interpelé sur sa politique éducative. Retrouvez nos déclarations liminaires lues à l’ouverture du CSE.
Déclaration de la CFDT : mixité sociale, pédagogies coopératives, effectivité du droit à l’éducation
Monsieur le ministre,
Mesdames et Messieurs les membres du conseil supérieur de l’Éducation
Pour la CFDT, l’École est le creuset du vivre ensemble, à la fois par les enseignements dispensés, mais aussi par la pratique car elle est le lieu des premières expériences de la démocratie par et pour la compréhension de l’Autre.
Pour mieux jouer ce rôle, pour que la société ait encore plus confiance dans son École, il faut sortir les personnels de l’Éducation d’une situation de travail empêché, de grand écart entre travail réel et travail prescrit. Pour la CFDT, cela appelle des choix forts accompagnés de financements et d’une gouvernance du système éducatif adaptée.
Nous voulons aujourd’hui évoquer trois orientations qui nous paraissent prioritaires et transversales à l’ensemble du système éducatif.
Tout d’abord, pour que notre École soit plus et mieux le creuset du vivre ensemble, nous ne pouvons accepter le faible degré de mixité sociale et scolaire de trop d’écoles, collèges et lycées. Nous attendons un suivi précis des effets des décisions prises l’an dernier par le gouvernement, nous voulons des engagements plus forts sur cet enjeu majeur pour l’École et pour notre démocratie. Sans attendre que la mixité sociale progresse et qu’on sorte d’une situation dans laquelle les établissements sont socialement polarisés, il convient de renforcer, soutenir tous les moyens financiers, humains et pédagogiques qui permettent de faire reculer les inégalités actuelles. Il en va de la politique d’éducation prioritaire, mais aussi de l’attention portée aux élèves les plus fragiles dans leurs apprentissages, ou issus de milieux défavorisés, en se gardant des dispositifs stigmatisants. Autant que possible, l’École doit être son propre recours.
La coopération devrait aussi être au cœur de l’Éducation. Les pédagogies de la coopération, la recherche le montre, permettent à la fois une plus grande adaptation aux enfants à besoins éducatifs particuliers, et le développement des compétences psychosociales et donc la compréhension de l’Autre. Cela pourrait contribuer à des objectifs que vous affirmez fortement, par exemple la prévention du harcèlement, mais aussi la construction d’une École plus inclusive. Cela ne se fera pas en quelques semaines, il faut donc s’en donner le temps, se donner le temps de la formation des personnels. C’est aussi un enjeu sociétal clé pour l’avenir du pays et qui dépasse le seul cadre scolaire : la transformation écologique, les innovations (technologique, organisationnelle, conceptuelle) nécessitent de sortir des raisonnements et fonctionnements en silos.
Enfin, depuis le début de l’année scolaire, le monde associatif alerte sur l’effectivité du droit à l’éducation pour tous les enfants sur le territoire national. La CFDT souhaite savoir ce qu’il en est des mesures prises pour assurer la scolarisation de tous les enfants à la rue ou mal logés. Nous souhaitons un renforcement et une meilleure structuration de la coordination entre les services de l’État et les collectivités locales afin qu’aucun enfant ne soit privé d’école et que chacun bénéficie de bonnes conditions d’accueil.
Déclaration du Sgen-CFDT : le sujet rémunérations n’est pas clos, éviter le grand recul en matière de formation initiale et continue
Monsieur le Ministre, mesdames, messieurs les membres du CSE,
Un peu plus d’un mois après la rentrée, il n’est plus possible de camoufler la réalité sur le manque de personnel d’enseignement, d’éducation, d’orientation, le manque de personnels administratifs, de personnels santé-sociaux. Il n’a jamais été aussi urgent de restaurer l’attractivité de nos métiers.
Pour le Sgen-CFDT et la Fep-CFDT, le premier levier à activer reste la rémunération. Considérer que le sujet rémunération est clos est une injure aux personnels.
À la veille d’une journée de mobilisation interprofessionnelle, intersyndicale et européenne, contre l’austérité et pour l’augmentation des salaires, nos attentes sont fortes. La pseudo-revalorisation de cette année aura juste compensé l’inflation. Ce n’est pas suffisant pour espérer relancer l’attractivité des métiers. Nous continuons de revendiquer le triplement de l’ISAE-ISOE en 2024 pour reconnaître pleinement les missions qui se sont ajoutées depuis des années à toutes et tous. Nous revendiquons des salaires décents pour tous les personnels. Si les grilles de catégories C sont repassés au-dessus du SMIC cet été, l’espoir de progrès au cours de la carrière reste limité. Nous revendiquons toujours un statut de fonctionnaire catégorie B pour les AESH. Nous revendiquons l’égalité professionnelle femmes-hommes, et la réduction de l’écart de rémunération actuellement de 28 à 14% selon les corps.
Votre réponse à court terme pour résoudre l’attractivité, monsieur le Ministre, est le recrutement massif de contractuels. Ce sont des personnels précaires, mal rémunérés, peu ou pas formés à qui vous demandez d’être opérationnels dès la prise de poste. Est-ce ainsi que vous pensez améliorer le service public d’éducation ?
Votre réponse à moyen terme, Monsieur le Ministre, est « l’école normale du XXIᵉ siècle ». Pour le Sgen-CFDT, on ne recrutera pas les enseignant⋅e⋅s du futur avec des recettes du passé. Un décrochage du recrutement des enseignant⋅e⋅s du premier degré n’est pas acceptable et ferait revenir la situation des professeur⋅e⋅s des écoles 30 ans en arrière. D’une façon plus générale, le Sgen-CFDT revendique toujours le maintien du même schéma de recrutement, de formation initiale et de rémunération pour tous les corps d’enseignement et d’éducation afin d’ancrer une égale dignité et une égale reconnaissance de ces personnels.
Mais la formation initiale a elle seule ne peut suffire, elle doit nécessairement être articulée avec la formation continue. Or votre volonté de ne plus voir d’heures d’enseignement supprimées dans les emplois du temps des élèves vient mettre à mal la formation continue de l’ensemble des enseignantes et enseignants ainsi que l’organisation des missions des formatrices et formateurs qui voient leur travail méprisé. Vous arrivez même, monsieur le Ministre à dégrader la situation pourtant déjà catastrophique dans le premier degré avec des formations à caractère obligatoire sur le temps des congés scolaires. Pour le Sgen-CFDT, la formation continue est impérative si l’on veut améliorer les apprentissages des élèves, changer les programmes ne suffira pas.
Déclaration de la FEP-CFDT : l’Éducation a besoin de cohérence et du respect du temps éducatif, qui n’est pas celui de l’agitation
Monsieur le ministre,
Votre personnel est en souffrance, car mal considéré par la société depuis des années, mal rémunéré eu égard à la masse de travail et aux responsabilités qui lui incombent.
Votre personnel est en souffrance car toutes vos annonces renforcent un climat d’instabilité, sans vision cohérente d’ensemble.
Votre personnel est en souffrance, car il n’est pas entendu, alors qu’il a besoin que son expertise du métier et ses propositions soient prises en compte et reconnues.
Votre personnel est en souffrance, car en surcharge de travail, de stress, de fatigue, et la réponse par une rémunération pour un travail supplémentaire accentue le mal être.
Votre personnel est en souffrance car les conditions d’entrée dans le métier sont désastreuses avec des contractuels, des AESH, des maîtres délégués dans une précarité inquiétante, ayant des bas salaires quand ils les touchent et des formations insuffisantes lorsqu’ils en ont.
Votre personnel est en souffrance car le système n’offre que peu de perspective professionnelle
spécialement dans le privé où les mobilités sont impossibles avec l’interdiction de certains concours de l’Éducation nationale comme l’agrégation interne, les concours d’inspecteur, les concours des personnels de direction. Il en est de même avec l’impossibilité d’être en détachement.
Enfin, monsieur le ministre, certes votre personnel est en souffrance, dans le privé comme dans le public, mais nous sommes encore beaucoup à être motivés pour que le service public de l’éducation fonctionne et s’améliore dans l’intérêt des élèves et de la République. Il est urgent que les pouvoirs publics prennent enfin leur responsabilité sur ce sujet.
Monsieur le ministre,
Une politique éducative ne peut pas se concevoir comme ruisselante depuis le sommet de la pyramide hiérarchique. Donner leur juste place aux personnels, aux partenaires sociaux et à la société civile est un engagement qui honore notre République. La CFDT, à nouveau, revendique qu’ils soient tous reconnus et associés aux décisions prises. Le Conseil Supérieur de l’Éducation s’inscrit dans cette perspective. Plus que jamais, le C.S.E. est le lieu du débat et de la réflexion, pour prendre le temps de construire ensemble l’École de demain. C’est le lieu par excellence où la parole de tous les acteurs circulent et où elle doit être prise en compte.
En matière de politique éducative, la rafale de mesures annoncées par le président et vous-même,
généralement par médias interposés, montre que la copie du dialogue social est à revoir puisqu’elle passe outre les instances conçues à cet effet. Sur le fond, elle n’offre qu’une vision passéiste du système, en dehors des réalités et des attentes que l’on peut avoir pour améliorer le service public de l’Éducation.
Monsieur le ministre,
Agir vite, c’est être sûr de laisser sa trace, certes. Mais agir bien, c’est nécessairement agir dans la concertation, la prise en considération de tous les personnels de terrain.