À Jeunesse et Sports, Jean-Marc Grimont a longtemps et efficacement porté la flamme orange de notre syndicalisme CFDT. À la veille de son départ en retraite, nous souhaitions recueillir son témoignage sur son parcours militant et ses recommandations pour l'avenir.
C’est un militant bien connu de Jeunesse et Sports, particulièrement investi dans les questions de conditions de travail et de droits des travailleur·se·s…
Rencontre avec , secrétaire fédéral de la CFDT Éducation Formation Recherche publiques.
Une version courte de cet entretien a paru dans le no 296 – Mai-juin-juillet 2024 de Profession Éducation, le magazine de la CFDT Éducation Formation Recherches publiques.
Le syndicalisme certains tombent dedans tout petit. Toi, pas vraiment. Raconte-nous ton parcours militant…
J’ai adhéré au Sgen tardivement, à 48 ans, une fois titularisé (dans le corps des ingénieurs et personnels techniques de recherche et de formation-ITRF, NDLR). Auparavant j’ai été longtemps précaire, les syndicats catégoriels présents dans mon établissement ne me parlaient pas. J’avais pourtant déjà croisé la route de la CFDT – j’ai vécu 20 ans avec la fille d’un des fondateurs de la CFDT, elle-même institutrice militante au Sgen du Val d’Oise. Il y avait souvent des réunions chez moi qui me laissaient penser que le Sgen n’était qu’un syndicat d’instits et de profs… Aussi grande a été ma surprise de voir débarquer en 2006, à l’Insep (Institut national du sport, de l’expertise et de la performance), pour une réunion syndicale de campagne électorale, Gilbert Heitz, un secrétaire fédéral Sgen-CFDT ouvrier de métier, pour nous parler de revendications concrètes pour améliorer les conditions de travail, d’emploi, de rémunération de TOUS les personnels ! Ça a été le déclic, j’ai fait campagne pour le Sgen, qui a obtenu pour la première fois un siège au comité technique paritaire de l’Insep, et à peine devenu représentant, sans la moindre expérience j’ai tout de suite été plongé dans la marmite. Le Sgen n’ayant alors aucun militant au ministère des Sports, du jour au lendemain je me suis retrouvé en bilatérale face au ministre, meneur d’une grève des personnels de l’Inspe, interviewé par Le Monde !
Qu’est-ce que l’on met de soi dans cet engagement militant ?
Surtout, pour quelqu’un comme moi qui est chroniquement très très lent, assez peu organisé, le militantisme syndical avec toute la passion qu’on y met peut être extrêmement chronophage. Le risque est alors d’en arriver à sacrifier son temps personnel, sa vie de famille, à force de vouloir à tout prix s’occuper le dimanche de la liste des choses à faire qui nous obsèdent depuis le vendredi soir.
Que doit-on préserver ?
En plus de parvenir à bien articuler vie personnelle et vie professionnelle, il faut être vigilant, tout en respectant la logique du fonctionnement démocratique, à toujours cultiver son esprit critique et sa liberté de pensée au sein de l’organisation. C’est un peu mon côté anarchiste qui parle. Même au Sgen-CFDT, certainement la moins dogmatique des organisations syndicales, en bon militant on peut parfois se sentir obligé, pour être « corporate », comme on dit dans les entreprises, de soutenir des positions auxquelles on n’aurait pas forcément adhéré en dehors de l’organisation. Il faut alors être capable de faire la part des choses, et d’assumer avec lucidité ces compromis avec ses convictions.
il faut être vigilant, tout en respectant la logique du fonctionnement démocratique, à toujours cultiver son esprit critique et sa liberté de pensée au sein de l’organisation.
Le syndicalisme a-t-il changé ?
J’ai l’impression qu’il a beaucoup évolué, du fait notamment de l’omniprésence des réseaux sociaux. Les syndicats investissent de plus en plus de temps militant dans la communication au moyen de ces nouveaux outils, c’est sans doute indispensable mais cela ne pourra jamais remplacer la présence sur le terrain. Il faut plus que jamais aller à la rencontre des personnels, ne serait-ce que pour entendre ce qu’ils ont à nous dire et ne pas se déconnecter de la réalité de ce qu’ils vivent au travail.
Il faut plus que jamais aller à la rencontre des personnels (…)
De manière générale, quels conseils donnerais-tu aux militantes et militants qui vont reprendre le flambeau ? Quels seront les défis majeurs qu’ils et elles devront relever ?
Continuer à porter les valeurs du syndicalisme général face à des syndicats catégoriels qui, à Jeunesse et Sports notamment, incarnent une forme de syndicalisme très conservateur.
Être à l’écoute des personnels pour mieux porter des revendications en phase avec leurs attentes, sans dogmatisme, dans un contexte où les lignes font fortement bouger (cf. le projet de suppression des catégories, de prise en compte accrue du mérite individuel dans la rémunération…).
Parvenir à conjuguer communication numérique et présence sur le terrain.
Se former à la pratique de la négociation d’accords majoritaires locaux, dans la perspective d’une (r)évolution annoncée par la loi de transformation de la fonction publique.
Anticiper la montée en charge d’un besoin accru d’accompagnement individuel des agent·e·s victimes d’atteintes à leur santé au travail ou victimes de violences sexuelles et sexistes, de harcèlement, de discriminations, qui va nécessairement impliquer plus de réactivité, de disponibilité et le développement de compétences juridiques au sein des équipes syndicales.
Détecter et former les représentant·e·s de demain, obtenir que leur engagement soit mieux reconnu et valorisé par l’administration, garantir leur protection en tant que lanceur·se·s d’alerte.