Le budget du programme 150 que la DGESIP a soumis le 17 décembre à l’avis de la représentation nationale de l’enseignement supérieur et de la recherche serait tout simplement ridicule, si les temps n’étaient pas si tragiques.
Un budget ESR en trompe-l’oeil
Alerté pourtant dès la rentrée de septembre par l’écrasante majorité des organisations représentatives des personnels et des étudiants sur l’urgence à faire face à une situation de plus en plus dégradée dans les établissements, le ministère revient cependant une fois encore devant le CNESER avec un budget ESR en trompe-l’œil.
Alors que la quasi-totalité des acteurs de l’enseignement supérieur et de la recherche chiffrent à plusieurs centaines de millions d’euros, voire à plus d’un milliard le besoin supplémentaire pour 2016, le ministère nous présente un budget en “augmentation”, dit-il, de 165 petits millions d’euros !
Qu’en est-il vraiment de cette augmentation ? 60 millions sont affectés à la création d’emplois, ces fameux “1000 postes” par an dont tout le monde sait bien qu’il s’agit pour une large part de postes fantômes et que la dotation qui devrait servir à les créer ne suffit pas, dans bien des cas, à simplement couvrir la hausse mécanique de la masse salariale État dans les établissements qui ont la “chance” de s’en voir affectés.
Quant aux autres 100 Millions, le ministère a la remarquable audace de nous avouer qu’il s’agit en fait tout simplement de remettre au niveau de 2014 des dotations qu’il avait allègrement ponctionné l’an dernier lors du hold-up sur les fonds de roulement.
Une réponse inadaptée aux contraintes et aux ambitions affichées
65000 nouveaux étudiants cette année, un GVT qui se creuse dans bon nombre d’établissements et une grande ambition politique consiste uniquement à rattraper 2014 ?! Belle “augmentation”, en effet.
Face à une telle dérision, on aurait presque des scrupules à mentionner les autres travers habituels du programme 150 : un système SYMPA dont on ne nous annonce même plus la réforme (en vue d’une plus équitable répartition des moyens et de la prise en compte des différentiels de GVT entre établissements), une compensation a minima des charges nouvelles que le gouvernement a créées, un prolongement apparemment non financé du dispositif Sauvadet, une réserve de précaution à nouveau portée à un niveau considérable…
N’en jetons plus, la coupe est pleine, et même elle déborde.
Le Sgen-CFDT hésite aujourd’hui à blâmer le secrétaire d’État, on en serait presque à le plaindre : de toute évidence, année après année, le secrétariat d’état à l’ESR subit une déroute en rase campagne face aux services de Bercy.
Investir dans l’enseignement supérieur c’est investir dans l’avenir
Lieux de culture, lieux de partage, lieux d’apaisements, les universités, les écoles sont autant de boucliers naturels contre la barbarie, le fanatisme et l’extrémisme. Et pourtant, année après année, les arbitrages politiques en font des lieux de pénurie, de compression budgétaire, de précarité.
Alors que l’OCDE vient de démontrer qu’un diplômé de l’enseignement supérieur est un investissement très rentable pour une nation, les offres de formation sont réduites, comme les moyens alloués à la recherche. La précarité de l’emploi est organisée, notamment dans les filières BIATSS.
Ce sont les conditions d’études et de travail dans les établissements qui en font les frais.
Le Sgen-CFDT a voté contre un projet aussi lamentable. Il est difficile aussi d’imaginer que la communauté de l’enseignement supérieur et de la recherche puisse rester stoïque demain face à une telle pénurie de moyens, encore aggravée cette année. D’aucuns disent parfois que la seule chose que redoute vraiment ce gouvernement, c’est un soulèvement des universités. Pourtant, il en prépare cette année encore toutes les conditions.