La CFDT Santé-sociaux a été présente auprès des agent·es qui étaient en première ligne pour soigner les malades atteint·es par l'épidémie du Covid-19. Évelyne Rescanières détaille les actions menées et marque la continuité des revendications CFDT dans ces secteurs de la santé et du social.
La CFDT Santé-sociaux s’est retrouvée au cœur de la crise sanitaire, engagée au plus près des personnels de ses champs de syndicalisation, qu’il·elle·s soient militant·e·s ou simples adhérent·e·s, voire non-adhérent·e·s. Cet entretien a paru dans le dossier « Déconfinement : le combat continue » du no 275 (mars-avril-mai 2020) de Profession Éducation, le magazine du Sgen-CFDT.
Quels personnels représente la CFDT Santé-sociaux ?
Les champs professionnels sont vastes et les métiers très variés. Il y a d’abord tout le secteur hospitalier constitué des hôpitaux publics, privés et associatifs. Y travaillent bien sûr des soignants, mais aussi des personnels administratifs, techniques… Des cuisiniers, des économes, parfois même des jardiniers qui entretiennent les espaces verts, bref tous les métiers peu visibles mais qui sont absolument nécessaires au bon fonctionnement de l’hôpital. Certains CHU comptent 12 000 à 15 000 agents, ce sont de vraies petites villes.
Nous représentons aussi les pharmacies d’officine, les crèches associatives, les laboratoires d’analyses. S’ajoutent les secteurs de la petite enfance, de la protection sociale, la protection de l’enfance, le maintien à domicile. On y trouve les métiers de l’animation, mais aussi des éducateurs, des psychologues, des ergothérapeutes, tout ce qui a trait à l’accompagnement.
Les champs professionnels sont vastes et les métiers très variés.
Comment caractériseriez-vous cette crise en un mot ?
C’est inédit. Y compris pour nos métiers. La mort n’effraie pas les soignants, elle fait partie de leur quotidien. En revanche, voir disparaître dix patients par jour, sans pouvoir les accompagner, eux et leur famille, c’est cela qui est inédit et traumatisant. D’autant plus qu’on part travailler en sachant que cela ne va pas bien se passer. Depuis des années, on dénonce le manque de moyens et d’effectifs à l’hôpital. Aujourd’hui, on fait face, mais au prix de quels sacrifices ? Il y a une part de culpabilité qui ne nous incombe pas, mais que nous portons.
[C’est] inédit et traumatisant. (…) Il y a une part de culpabilité qui ne nous incombe pas, mais que nous portons.
Quels retours avez-vous eu des personnels en première ligne ?
Le risque est grand d’une crise des vocations. Ce sont des métiers qui, en temps normal, demandent beaucoup d’engagement. Des élèves disent qu’ils ne termineront pas leurs études ou qu’ils ne travailleront pas à l’hôpital ou en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), parce qu’ils ne veulent pas revivre ça.
Le risque est grand d’une crise des vocations.
Au regard de la grogne sociale de l’automne et l’hiver derniers, lors des fortes mobilisations pour le secteur public de santé, le gouvernement aura la lourde tâche de réparer un lien qui s’est encore distendu durant ces deux derniers mois, puis avec la question de la prime, et qui s’amplifiera à la reprise d’activités, car la crise sanitaire a quasiment tout absorbé, aux détriments de l’accueil des malades ayant d’autres pathologies. Il faut faire revenir ces personnes à l’hôpital.
le gouvernement aura la lourde tâche de réparer un lien qui s’est encore distendu…
Les hospitaliers redoutent une deuxième vague et ils seront exposés sûrement jusqu’à la fin de l’année 2020. Ils veulent un peu de répit, qu’on les laisse « digérer » cet épisode. Ils ont besoin de reconstruire leurs liens familiaux. Il faut imaginer ce que c’est que de rentrer chez soi, ne pas pouvoir embrasser ses enfants, savoir que son conjoint craint que vous soyez contaminé et contaminant, et porter vous-même cette peur…
[Les hospitaliers] veulent un peu de répit, qu’on les laisse ″digérer″ cet épisode. Ils ont besoin de reconstruire leurs liens familiaux.
Comment avez-vous pu les accompagner ?
Notre première partie de gestion de crise a porté sur les matériels de protection, pour que tous les personnels, y compris ceux du maintien à domicile et du social, soient équipés.
Bien sûr, nous avons fait valoir les droits en matière d’organisation du travail, de temps de travail et de rémunérations.
Enfin, nous avons remonté des situations anormales auprès du ministère de la Santé. La collecte minutieuse d’informations a demandé du temps et a permis, aussi, de débloquer certaines situations dans les établissements.
Quelles seront les actions prioritaires de la CFDT Santé-sociaux à la sortie de crise ?
Le plan B de la CFDT pour la fonction publique hospitalière a été déposé en décembre 2019. Il était issu du constat qu’il manquait un cahier revendicatif complet pour ce secteur. Trois mois après, le ministère dit qu’il va falloir construire l’hôpital de demain… La CFDT a donc de l’avance !
Reste à voir quelle sera la feuille de route du ministère pour l’après-crise, mais certains éléments dans les premiers échanges sont encourageants, comme la revalorisation des carrières, la formation. Par exemple, quand il faut des infirmières en réanimation, celles qu’on va chercher dans d’autres services ne sont pas d’emblée opérationnelles. Il faut donc développer la formation continue. La question de la compétence est primordiale. Il y a aussi la formation des faisant-fonction : si on regarde ce qui s’est passé dans les Ehpad, il ne faut pas culpabiliser ces agents qui n’ont pas reçu la formation nécessaire pour affronter ce genre de crise.
Le plan B de la CFDT a posé toutes ces exigences : la formation de la qualification, le déroulement des carrières, les passerelles, le travail entre le sanitaire et le médico-social… Une porte s’est ouverte – ce qui est sans précédent – et nous allons œuvrer pour qu’elle ne se referme pas.
Le plan B a posé toutes ces exigences : la formation de la qualification, le déroulement des carrières, les passerelles, le travail entre le sanitaire et le médico-social… Une porte s’est ouverte – ce qui est sans précédent – et nous allons œuvrer pour qu’elle ne se referme pas. Reviendra-t-on à une logique budgétaire ? C’est la grande inconnue. Si on n’accepte pas d’investir dans l’hôpital public, on risque de ne pas pouvoir affronter une nouvelle fois ce genre de choc. • Entretien réalisé par Aline Noël
Illustrations
Évelyne Rescanières © Georges Gomez
© fernandozhiminaicela / Pixabay
2020 © GDJ / Pixabay