Déclaration liminaire du Sgen-CFDT au CTMEN du 13 octobre 2021 : hommage à Samuel Paty, système éducatif fragile.
Hommage à Samuel Paty, un système éducatif fragile
Déclaration liminaire du Sgen-CFDT au CTMEN du 13 octobre 2021
Hommage à Samuel Paty
Il y a presque un an, nous apprenions, sidéré.e.s, que Samuel Paty, notre collègue, avait été sauvagement assassiné.
Assassiné parce qu’il enseignait, il enseignait l’histoire et la géographie, il contribuait à l’enseignement moral et civique, il enseignait la liberté d’expression, la responsabilité, les valeurs et principes au fondement de notre République.
C’était il y a un an, et pour toutes et tous c’était hier. La mémoire de notre collègue, le souvenir de l’effroi, les émotions qui nous ont saisis quand nous avons découvert au fil des semaines et des mois quelle cabale numérique avait sans doute galvanisé un homme à armer sa haine et sa radicalisation religieuse contre un des nôtres.
Une nouvelle fois, nous adressons notre soutien, notre amitié aux collègues et aux proches de Samuel Paty.
Un système éducatif fragile
La précédente réunion du comité technique ministériel était consacrée à un point sur la rentrée scolaire 2021.
Un mois et demi après la rentrée, les constats que nous faisons avec les collègues sont inquiétants sur l’état de fragilité du système éducatif. Les alertes que nous vous avions transmises sur les académies de Créteil et de Versailles s’avèrent en partie plus générales.
Le recours aux enseignantes et enseignants contractuel.le.s dès le début de l’année se renforce et s’étend à de nouvelles académies, aussi bien dans le premier que dans le second degré.
Dans le premier degré, les situations dans lesquelles les élèves seront répartis dans les autres classes risquent de se multiplier dans un contexte sanitaire qui reste sensible.
Garantir les décharges des directeurs et directrices et permettre le départ en formation continue des professeur.e.s des écoles risque de devenir impossible dans plusieurs départements.
La pénurie de personnel effacera les améliorations que le ministère souhaite conduire.
Dans le même temps, le refus de reconduire tôt des enseignant.e.s en CDD aboutit à rendre impossible les remplacements dans plusieurs territoires.
Lorsque des remplacements dans le second degré ne durent pas jusque mi novembre ou début décembre dans l’académie de Versailles, jusque fin décembre dans l’académie de Créteil, ils ne sont tout simplement pas assurés.
Des élèves restent sans enseignement pendant de longues semaines.
On en vient maintenant à demander aux autres professeur.e.s d’ajouter des heures supplémentaires aux heures supplémentaires, à des assistant.e.s d’éducation de pallier le manque de personnels pour assurer le service public d’éducation.
Nous vous le disions le 20 septembre dernier, bloquer le renouvellement d’enseignant.e.s en CDD c’est nier le travail des inspecteurs et inspectrices, des formateurs et formatrices, des personnels administratifs qui année après année recrutent, forment, accompagnent, affectent. Nos collègues sont démotivés par cette situation, conscient.e.s que c’est le service public et les élèves qui en pâtissent. Conscient.e.s que l’on se prive ainsi de compétences puisque nos collègues non titulaires iront chercher du travail ailleurs et ne seront plus disponibles quand enfin le blocage qui semble être celui de la règle à calcul budgétaire sera levé.
Nous observons aussi, dans de nombreuses académies, des difficultés inédites à recruter des assistant.e.s d’éducation, des démissions d’accompagnant.e.s d’élèves en situation de handicap.
Ces difficultés importantes à pourvoir les postes, le fait que des personnels en viennent à démissionner, cela souligne à quel point le système éducatif est aujourd’hui fragile.
Pour attirer des collègues, leur donner envie de faire une partie de leur carrière professionnelle à l’Éducation nationale, les premières marches d’amélioration des rémunérations sont utiles mais pas suffisantes.
C’est d’une revalorisation significative des carrières dont nous avons besoin. C’est aussi d’amélioration réelle des conditions de travail, de l’organisation du travail.
L’ambition affichée d’une RH de proximité, de contribuer au bien-être au travail des personnels se heurte jusqu’à présent aux réalités qu’ils et elles vivent au quotidien.
Dans plusieurs académies, les salaires de septembre n’ont pas été versés aux agents contractuels, y compris en CDI.
Ils et elles ont reçu une “avance” début octobre correspondant à 70-80% de leur rémunération.
Des personnels AESH et AED ont eu à attendre plusieurs jours leur paie, ce phénomène tend à se répéter trop régulièrement.
Dans plusieurs académies, les effets financiers des promotions (y compris les avancements désormais automatiques) en termes de rémunération attendront la paie de janvier 2022.
La déception est encore plus sensible pour les néotitulaires qui espéraient bénéficier d’une rémunération à l’échelon 2 avec la prime d’attractivité… et qui se retrouvent avec un salaire identique à leur 1er mois de stagiaire, c’est particulièrement rude.
Pour le Sgen-CFDT, il ne fait aucun doute que la sous-administration de notre ministère, accentuée par les suppressions de postes administratifs en début de quinquennat, est l’une des causes de ces dysfonctionnements.
Les services gestionnaires et les services en charge de la paye ne sont pas assez étoffés pour faire face à la charge de travail, mettre en œuvre les réformes, déployer les nouveaux outils et logiciels, sans compter qu’ils attendent peut être des validations, des réponses y compris de la DGFIP.
Cette situation met en insécurité les non-titulaires qui s’interrogent sur la nature de leur contrat, efface dans l’esprit des collègues l’intérêt de réforme qui pourtant vise l’amélioration de leurs carrières et de leurs rémunérations.
Dans ce contexte, le projet de loi de finances 2022, pour ce que nous en connaissons, n’est pas à la hauteur puisque les suppressions d’emplois d’enseignants dans le 2nd degré vont se poursuivre, que 50 créations d’emplois administratifs ne suffiront pas à améliorer les conditions de travail dans les services.
Dans les services administratifs, le maintien via leur contractualisation de personnels actuellement vacataires permettrait que des renforts conçus comme trop temporaires, soient plus durables.
Au-delà, c’est bien d’une programmation pluriannuelle des emplois dont le service public d’éducation a besoin.