L'intervention d'Alexis Torchet lors du débat d'actualité revendicative.
La constance et la cohérence des positions confédérales a porté ses fruits :
– le recul du vote FN chez nos sympathisants (de 12 à 7 % entre 2012 et 2017 d’après les sondages) est une vraie satisfaction qui montre que l’appartenance à un collectif CFDT protège des idées d’extrême-droite.
– la structuration du discours CFDT sur le FN a permis d’être clair et audible sur la nécessité de voter Macron au second tour de l’élection présidentielle ET sur le fait qu’il ne s’agit pas d’un chèque en blanc, comme l’ont montré les différentes prises de positions confédérales depuis le second tour. Le Sgen-CFDT a relayé cette position dans son champ professionnel par des mass mailings aux personnels et le message est semble-t-il passé puis qu’il a amené très peu de réactions négatives et au contraire même des demandes d’adhésion, y compris de collègues issus d’autres syndicats.
rien n’est gagné, chacun en a bien conscience
La CFDT s’est donné les moyens de peser pour avoir un interlocuteur dans le cadre de la démocratie sociale à laquelle elle est attachée.
Pour autant rien n’est gagné, chacun en a bien conscience.
Il est impératif de continuer à agir face aux populismes. Si la France a résisté à la vague mondiale de droitisation et d’autoritarisme, c’est parce qu’il existe dans notre pays deux versions antagonistes et irréconciliables de souverainisme populiste. L’une, qui est arrivée au second tour, incarne un extrémisme nationaliste, raciste et xénophobe. L’autre incarne une radicalité ni raciste ni xénophobe mais non moins souverainiste et antieuropéenne qui prouve que la France reste réceptive à un discours post-communiste. En tout, c’est plus de 40 % des électeurs qui ont opté pour l’une ou l’autre de ces radicalités irréconciliables. Elles ont en commun de nier notre conception des corps intermédiaires porteurs de la complexité de notre société. Elles entendent seules représenter le peuple, et savoir ce qui est bon pour lui. La brutalité des propos, des expressions et des positions est également partagé.
Face à cette double menace l’enjeu est bien de continuer à former politiquement les militants sur ces questions et leur permettre d’agir en proximité des salariés.
L’enjeu est aussi de continuer à parler d’Europe : la victoire du candidat républicain peut ouvrir une fenêtre de tir pour relancer l’Union Européenne, il ne faut pas la rater.
Les résultats de l’élection présidentielle amènent à s’interroger sur notre rapport au politique. Nous venions juste d’abandonner le slogan « ni neutre, ni partisan », et c’était bien vu puisque justement les scores enregistrés par les candidats issus de LR et du Parti Socialiste amènent à s’interroger sur leur pérennité. L’ancien premier ministre italien Enrico Letta, qui était intervenu au dernier CNC, a publié la semaine dernière une tribune dans le Monde où il explique voir dans le succès d’En marche ! une victoire des mouvements politiques et la disparition, à terme, des partis traditionnels. Je me permets de le citer :
« Le monde politique vit un véritable séisme. Le rôle de l’Internet et des réseaux sociaux change la politique de l’intérieur. Il s’agit de phénomènes intenses, imprévisibles et soudains. On était habitué à étudier les systèmes politiques en sachant qu’il y avait des séquences et des conséquences. Qu’il y avait une certaine rationalité qui conduisait aux résultats obtenus. Les grands partis traditionnels étaient là pour gérer ces dynamiques très facilement prévisibles. Aujourd’hui, c’est le niveau d’intensité des phénomènes qui a changé, ainsi que leur imprévisibilité. Tout est rapide et nécessite une réactivité quasi immédiate, faute de quoi on se retrouve tout de suite hors jeu. »
repenser les modalités de dialogue avec le politique
Le succès des formes politiques non traditionnelles n’est pas anodin pour nous et doit nous interroger à deux titres.
D’abord parce qu’il doit nous amener à analyser notre fonctionnement en tant qu’institution. Les partis politiques sont nés à peu près au même moment que les syndicats. Si les premiers sont mortels, les seconds le sont aussi. La CFDT avait bien fait ce diagnostic. Ces résultats valident à la fois le chantier confédéral sur la plate-forme participative mais aussi notre démarche réformiste qui consiste à obtenir des résultats concrets pour les salariés.
Ensuite, parce que l’émergence de ces mouvements perçus comme porteurs d’une politique non professionnelle et de l’engagement citoyen pourrait amener à repenser les modalités de dialogue avec le politique, s’il n’y a plus d’interlocuteur durable ou clairement identifié par exemple.
Nous avons été face à cette problématique dans notre champ professionnel durant toute la campagne, mais ce n’était pas spécifique semble-t-il à l’éducation. Situation transitoire liée à l’immaturité ou travers structurel, il est un peu tôt pour le dire, néanmoins le Sgen s’est positionné depuis le 7 mai pour demander que les contours du projet éducatif du nouveau président soient précisés et aillent au-delà de slogans ciblant des segments de l’électorat.
le temps de l’éducation est un temps long
Ce qui est sûr, c’est que sur les questions éducatives la loi de Refondation de l’école de 2013 a ouvert de nombreux chantiers pour permettre la réussite de tous les élèves. Or le temps de l’éducation est un temps long et rien ne serait plus préjudiciable au système éducatif que leur remise en cause complète et brutale. C’est le cas par exemple de la réforme des rythmes : il n’y aurait rien de pire que de commencer ce mandat en ne prenant pas le temps d’une évaluation concertée. La question des rythmes est avant tout une question liée aux apprentissages et au climat scolaire. La matinée supplémentaire s’avère, selon les collègues, profitable aux élèves, en particulier en éducation prioritaire. Beaucoup d’ailleurs se sont saisis de ce temps supplémentaire pour modifier leur pédagogie.
Les collectivités territoriales ont une autonomie légitime qu’il ne s’agit pas de remettre en question. En revanche, sur ce dossier en particulier, un minimum de cadrage et de cohérence est nécessaire. Cela exige pour cette question et pour d’autres la mise en place d’un véritable statut juridique d’établissement public local pour les écoles. C’est cet établissement qui doit être le lieu adapté aux nécessaires échanges, propositions et mise en œuvre de projets locaux d’éducation : c’est l’intérêt partagé des personnels comme des usagers.