Discours prononcé par Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT, à l'occasion de l'ouverture des Journées de réflexion et de débats organisées par le Sgen-CFDT et la CFDT les 26 et 27 janvier 2017 sur le thème "Gouvernance et Dialogue social dans l'Enseignement supérieur et la Recherche".
Je vous souhaite la bienvenue dans les locaux de la CFDT, pour vivre ensemble ces deux journées de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche. Après le succès et les attentes suscitées par la première édition l’année dernière, le SGEN a souhaité reconduire ce temps de réflexion et d’échanges.
Je les en remercie. Toute la CFDT s’associe à cette démarche, car nous partageons la conviction que l’Enseignement Supérieur et la Recherche sont des sujets majeurs. Ce sont des atouts sur lesquels notre pays doit miser, afin qu’il relève les défis auquel il fait face, et qu’il s’engage dans la voie d’un modèle de développement de qualité.
A la CFDT nous croyons que l’avenir peut être meilleur. Nous avons confiance dans l’intelligence et dans l’action collective : nous sommes des militants du Progrès. Or, qu’il s’agisse d’égalité des chances, de performance économique et d’emplois, de qualité démocratique : l’ESR apparait toujours comme un levier et une réponse pertinente, pour peu qu’elle soit mise en œuvre de façon ambitieuse.
L’ESR est un atout pour ne pas subir les transformations du monde, mais au contraire les maitriser…
L’ESR est une réponse pour lutter contre le fléau du chômage, assurer la montée en qualification de la population et l’acquisition des compétences nécessaires aux métiers de demain. Un grand service public de l’enseignement supérieur et de la recherche est indispensable pour construire une société inclusive, où chacun, quel que soit son milieu d’origine, a accès au savoir et peut développer ses potentialités.
L’ESR est aussi un atout pour ne pas subir les transformations du monde, mais au contraire les maitriser, réussir les transitions numérique et écologique de nos sociétés. Confrontés à de nouvelles contraintes, ainsi qu’à de nouvelles opportunités, il nous faut investir et innover ; rendre nos modèles productifs plus résilients, plus sobres ; répondre aux besoins sociaux ; créer des emplois de qualité.
Si nous voulons tirer profit de nos atouts, l’heure est à la coopération entre les différents acteurs !
Ce potentiel d’innovation se trouve de plus en plus sur les territoires. C’est donc à cette échelle qu’il convient de mobiliser toutes les énergies : établissements d’enseignement supérieur public et privé, organismes de recherche, entreprises, financeurs, État et collectivités…Sortons des fonctionnements en silo, de la verticalité, des concurrences stériles : si nous voulons tirer profit de nos atouts, l’heure est à la coopération entre les différents acteurs ! C’est vrai dans de nombreux domaines, mais sans doute plus encore dans celui de l’ESR.
Enfin, l’ESR peut-être une arme. Notre démocratie est vulnérable ; pour certains nous serions entrés dans l’ère de « post vérité ».
Aux discours populistes qui gagnent en audience,aux mensonges et à l’obscurantisme, nous devons opposer le savoir, la recherche, l’enseignement des sciences humaines et sociales. Il nous appartient de développer, sur le long terme, tout ce qui est nécessaire à la compréhension du monde, à la curiosité et à l’émancipation. La recherche fondamentale, dans ce cadre, est un atout précieux.
L’enseignement supérieur et la recherche sont un enjeu de société, un projet économique, social, démocratique : une priorité politique.
Pour toutes ces raisons, l’enseignement supérieur et la recherche sont un enjeu de société, un projet économique, social, démocratique : une priorité politique.
Aussi la CFDT interpellera les candidats à l’élection présidentielle sur la nécessité de porter, pour l’enseignement supérieur et la recherche, une vision et une stratégie à la hauteur des enjeux.
Ce message, la CFDT est déterminée à le porter pendant les élections présidentielles. C’est notre rôle, en tant qu’organisation syndicale, de contribuer à ce que ce moment important de notre vie démocratique soit un temps de qualité, qui permette d’aborder les vrais sujets, de poser les bonnes options et de faire des choix collectifs.
Aussi la CFDT interpellera les candidats à l’élection présidentielle sur la nécessité de porter, pour l’enseignement supérieur et la recherche, une vision et une stratégie à la hauteur des enjeux.
La puissance publique doit assumer ses responsabilités en matière d’impulsion, de soutien et de financement.
Car si le développement de l’ESR nécessite l’engagement et la coopération entre de multiples acteurs, il revient en premier lieu à la puissance publique d’assumer ses responsabilités en matière d’impulsion, de soutien et de financement.
L’enjeu, nous le connaissons : accueillir toujours mieux un nombre toujours plus élevé d’étudiants, et les conduire vers la réussite éducative. Les enseignants et les personnels sont en première ligne. L’Etat doit reconnaitre l’importance de leur rôle ; leur donner le cadre et les moyens nécessaires pour réussir cette ambition ; et leur faire confiance.
L’université est un ensemble, formé tant d’enseignants et de chercheurs, que de personnels administratifs et techniques : tous, ils jouent un rôle essentiel. Tous, ils ont besoin de reconnaissance et de marge de manœuvre pour remplir leurs missions de service public dans les meilleures conditions.
La stigmatisation des fonctionnaires est insupportable…
C’est notre rôle, à la CFDT, et au SGEN plus particulièrement, de représenter et de défendre l’ensemble des personnels de l’enseignement et de la recherche. En tenant compte des spécificités de chaque métier, mais en se battant pour l’égalité de traitement. Et toujours, au service d’une ambition commune.
La reconnaissance et le respect sont les premiers des droits. Le travail fait par les professionnels de l’enseignement est indispensable à la société ; tout comme l’est celui des professionnels de santé ou de la sécurité ; ainsi que celui des agents qui s’engagent pour rendre des services aux publics sur les territoires.
La stigmatisation des fonctionnaires est donc insupportable. Insupportable de considérer comme un « coût » ce qui est en fait une richesse et un investissement au service de notre qualité de vie à tous. Insupportable de considérer comme des « nantis » des agents qui se battent au quotidien pour bien faire leur travail, alors même qu’ils en ont de moins en moins les moyens. Pour la CFDT, une chose est certaine : tous ceux qui voudront faire reculer les droits des agents ou casser les services publics, trouveront notre organisation en travers de leur chemin.
Le cœur de notre projet syndical, c’est de rendre visible le travail quotidien, celui qu’on oublie, qu’on caricature ou qu’on bride, alors même qu’il crée de la richesse et du lien.
La reconnaissance passe aussi par la valorisation salariale et la possibilité d’avoir un déroulement de carrière. A ce sujet je tiens à saluer la belle victoire du SGEN qui a beaucoup œuvré à la déclinaison du protocole Parcours Professionnels Carrières et Rémunérations (PPCR) dans votre secteur. Un plan de 130 millions d’euros de revalorisation des salaires et des carrières va être engagé. Parce que le SGEN a mené une discussion exigeante avec le Ministère, alors que d’autres organisations préféraient claquer la porte, des avancées significatives ont pu être obtenues.
C’est un exemple parmi d’autres de ce que peut l’action syndicale, quand elle refuse le confort du « commentaire », et qu’elle choisit la responsabilité et l’engagement, au plus près des personnels et des salariés.
Le cœur de notre projet syndical, c’est de rendre visible le travail quotidien, celui qu’on oublie, qu’on caricature ou qu’on bride, alors même qu’il crée de la richesse et du lien. Pour redonner toute sa valeur au travail, il faut d’abord donner la parole à ceux qui le vivent, entendre ce qu’ils disent de leurs besoins et leurs aspirations. C’est l’objet de la grande enquête Parlons travail, lancée par la CFDT à la fin de l’année 2016. Plus de 200 000 personnes y ont participé. Nous disposons désormais d’un matériau précieux pour mieux comprendre le travail, et affiner nos revendications. Une journée de restitution des résultats sera organisée dans cette même salle le 16 mars, en présence de tous les candidats à l’élection présidentielle. L’occasion pour nous de les interpeller sur ce thème du travail, afin qu’il soit au cœur des débats qui précèdent l’élection.
A la CFDT, nous nous battons pour que tous les salariés et les agents retrouvent des marges de manœuvre et de l’autonomie pour bien faire leur travail au quotidien.
Le travail, ce sont les travailleurs qui en parlent le mieux. Ce sont eux qui sont les mieux placés pour savoir comment il doit s’organiser, dans l’entreprise, dans l’administration, dans les universités. Il n’est plus à démontrer que qualité de vie au travail et efficacité sont étroitement liées. Le travail de qualité, c’est celui que le travailleur a pu s’approprier, qu’il est libre d’organiser selon ce qu’il sait être le mieux, pour lui, pour les usagers, pour l’ambition qu’il a pour son métier. A la CFDT, nous nous battons pour que tous les salariés et les agents retrouvent des marges de manœuvre et de l’autonomie pour bien faire leur travail au quotidien.
C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous avons défendu la loi travail : pour que sur les sujets relatifs à l’organisation du travail, ce ne soit pas la loi qui décide de tout, ni l’employeur qui décide seul. C’est par la négociation collective, et le dialogue social, que les salariés peuvent participer concrètement aux décisions qui les concernent.
L’université, par son mode de gouvernance, devrait favoriser la participation de tous les acteurs impliqués à la définition des choix stratégiques.
Nous portons la même ambition pour les agents. Malheureusement, l’administration est à la traine pour les associer réellement à la prise des décisions. La CFDT a souvent eu l’occasion de déplorer le manque de négociation de proximité et les archaïsmes du dialogue social dans les administrations publiques.
L’université, par son mode de gouvernance, devrait pourtant favoriser cette participation de tous les acteurs impliqués à la définition des choix stratégiques. Mais les statuts ne coïncident pas toujours avec la réalité des pratiques. C’est un combat syndical à mener, pour que les directeurs, élus par leurs pairs, continuent à s’appuyer sur leur communauté de travail pour organiser la vie de leur établissement. Et que la collégialité ne dispense pas d’établir un véritable dialogue social au sein des universités, entre la direction et les personnels.
Réfléchir à la gouvernance et à la démocratie sociale dans les établissements de l’ESR, c’est justement l’objet de ces deux journées et des tables rondes qui vont suivre.
…nous avons la responsabilité de construire des majorités afin de faire avancer nos revendications.
La CFDT est la première organisation au CNESER. Le bloc réformiste est majoritaire au comité technique interministériel. Ces bons résultats nous donnent le poids et la légitimité nécessaires pour défendre notre ambition pour l’Enseignement supérieur et de la Recherche (ESR).
Mais nous ne pouvons pas tout faire seul. Au contraire, nous avons la responsabilité de construire des majorités afin de faire avancer nos revendications. Il nous faut être ouverts, accepter parfois de nous remettre en question, travailler avec d’autres.
Les alliances ou partenariats que nous avons su nouer ont d’ailleurs souvent été couronnés de succès. Je pense à la qualité de notre travail avec les organisations de jeunesse, et notamment la FAGE, que je tiens à saluer.
Pour avancer sur ces sujets, il est fondamental de décloisonner notre approche et de nous rassembler.
Car l’ESR, à l’image de la CFDT, a une dimension transversale : à la fois interprofessionnelle, inter-catégorielle, territoriale, publique et privée. Si le SGEN fournit le plus gros contingent, d’autres fédérations syndiquent aussi les métiers de la Recherche et de l’Enseignement supérieur.
Pour amplifier les coopérations, travailler en transversalité et irriguer l’ensemble de la CFDT, nous avons souhaité relancer un groupe FD-URI « Enseignement supérieur et recherche » C’est d’ailleurs à lui que reviendra le pilotage et l’organisation des prochaines éditions de ces journées de l’ESR.
Pour conclure, j’aimerais remercier chacun de vous pour son engagement professionnel et militant, et pour sa contribution à la réflexion collective dans le cadre de ces journées.