La gouvernance de l'établissement est un élément majeur pour dynamiser les initiatives en faveur de la réussite de tous les élèves.
Interview de Philippe Del Médico, principal du collège Marcelin Berthelot de Montreuil, Seine Saint-Denis.
Modifier la gouvernance des établissements pour développer l’autonomie des enseignants
Quelle relation fais-tu entre gouvernance de l’établissement et pilotage pédagogique ?
Parler de gouvernance – le terme ne m’a jamais séduit – c’est déjà et surtout parler d’autonomie. Cela revient à assumer le pilotage pédagogique de son établissement davantage que sa simple administration même si celle-ci pèse bien plus qu’on ne le voudrait au quotidien !
Permettre et développer l’autonomie des équipes pédagogiques rendent légitimes les porteurs de projets. Leur légitimité est bien plus évidente lorsqu’elle trouve son origine dans le projet d’établissement. Ce dernier doit donc être largement diffusé et, idéalement, élaboré par le plus grand nombre. Alors il est possible de fédérer.
Quelles sont les marges de manœuvre que tu utilises dans ton établissement ?
Avec 24 divisions et une ULIS, je peux m’appuyer sur une autonomie “réglementaire” de 74h (3h/division et 2h pour l’Ulis). On se situe donc au-delà des horaires planchers et de l’obligatoire. En isolant clairement cette marge lors des différentes phases du dialogue de préparation de rentrée, j’incite les équipes à s’en emparer. On arrive ainsi à accompagner et à libérer l’imagination pédagogique des enseignants. Il faut identifier les moyens disponibles pour mieux les oublier ensuite. Car avant même les moyens, il faut partir des projets des équipes. L’autonomie c’est d’abord dire : pensez vos projets car vous savez que des moyens sont là qui pourront leur donner corps.
A titre d’exemple, peux-tu nous décrire une action de ton établissement ?
La mise en œuvre des EPI est une bonne illustration de cette démarche. Pour le niveau 5°, nous sommes partis des thèmes à notre disposition “ transition écologique et développement durable et “, “corps, santé bien être et sécurité”. Les équipes disciplinaires désireuses de travailler “autrement” que dans le face-à-face classique professeur-élèves se sont ensuite agrégées. Là où le programme aurait pu être traité de façon isolée, l’interdisciplinarité a été recherchée et lorsqu’il s’est agi de mettre en œuvre ces enseignements, la marge horaire a permis de favoriser les temps de co-animation. Deux projets ont vu le jour : un sur “l’eau” l’autre “l’énergie” avec des associations de différentes disciplines et une production finale concrétisée par un séjour en pleine nature (Ardèche et atlantique).
Quelles difficultés dans la modification de la gouvernance et le développement de l’autonomie as-tu observées ? Pour les enseignants, l’équipe de direction, l’institution ?
Ce qui me vient en premier à l’esprit c’est le manque de confiance en soi.
Sortir du cadre rassurant de l’obligatoire c’est s’approprier un nouvel espace et s’exposer à la critique parce qu’on avance en tâtonnant et en expérimentant.
La deuxième difficulté, c’est le manque de temps de concertation. L’apparition des IMP n’a pas tout résolu. Reconnaître le temps de concertation reste difficile. Ces IMP ne sont pas là “en plus” mais “à la place de”. Les enveloppes globales n’ont pas augmenté. Les porteurs de projets les plus dynamiques terminent souvent l’année scolaire à bout de forces.
Le manque de visibilité est également un frein. Les démarches de ce type demandent beaucoup d’investissement. Sans certitudes de pouvoir poursuivre sur plusieurs années, certains hésitent à s’engager sans même parler de la stabilité des équipes.
Ce mode de pilotage oblige à choisir et peut donner parfois le sentiment que l’on oppose les matières les unes aux autres.
Enfin, l’institution doit faire évoluer ce qu’on appelle le dialogue de gestion afin qu’il devienne un vrai moment de négociation. Le dialogue doit permettre de faire évoluer, au-delà de l’autonomie règlementaire, la dotation horaire en fonction des projets à mettre en œuvre pour les besoins identifiés des élèves.
La dotation horaire doit être attribuée en fonction des besoins locaux.
Quels effets de ce pilotage mesures-tu sur la réussite des élèves ?
Il est difficile de mesurer les effets d’une telle démarche. En premier lieu parce que l’établissement que je dirige est marqué par une forte hétérogénéité du public et que ce qui va convenir à certains ne conviendra pas de la même manière aux autres. Ensuite parce que parler de réussite des élèves c’est souvent parler de performance et donc d’indicateurs (réussite au DNB, taux d’orientation vers le lycée). Or, il faut considérer la globalité : à côté des performances des élèves, les effets sur le climat scolaire sont, à mes yeux, presque plus importants.
Les établissements qui sont dans des démarches de projet se portent souvent mieux que les autres.
La réussite des élèves passe par ce préalable, au collège Berthelot comme ailleurs.