Le 12ème volume du Dictionnaire biographique, mouvement ouvrier, mouvement social (1940-1968), communément appelé le Maitron, est paru en décembre 2016. L'occasion d'interroger Franck Georgi (maitre de conférences à l'université Paris I) sur les contenus et l'intérêt de cette encyclopédie...
Le colloque international qui s’est tenu les 6 et 7 décembre 2016 à Paris autour de la parution du douzième volume du Dictionnaire biographique, mouvement ouvrier, mouvement social (1940-1968), a été l’occasion pour nous de rappeler l’histoire de cette encyclopédie qui fait des émules à l’étranger, et d’interroger l’un des invités, Frank Georgi, qui est l’historien de référence de la CFDT et de l’autogestion. À l’occasion de l’anniversaire de la CFDT, il a publié : CFDT : l’identité en questions. Regards sur un demi-siècle (1964-2014), Arbre bleu éditions, Nancy, 2014.
Frank Georgi : “Le Maitron met en lumière une vraie diversité des parcours et des formations.”
Qui rédige les notices biographiques ?
Les rédacteurs sont des historiens ou des militants, parfois les deux en binôme, et ce travail en collaboration est très positif.
Quelle est la place des militants cédétistes dans le Maitron ?
Actuellement, ce sont plus de 4 500 notices qui concernent des militants de la CFTC-CFDT dans un corpus intitulé « militants chrétiens » ou « d’origine chrétienne ».
Contrairement à une idée souvent répandue, ils sont assez bien traités (voire surreprésentés) dans Le Maitron, au regard de leur poids réel, réduit mais croissant, dans le mouvement syndical de 1919 jusqu’en 1968.
Quel est, pour l’historien, l’intérêt de ce travail de mémoire ?
Bien sûr, il y a un intérêt patrimonial à recueillir ces biographies.
C’est un instrument extraordinaire pour suivre et comprendre la vie des organisations, et se rappeler qu’elles sont aussi composées d’êtres de chair et de sang. On peut ainsi suivre des itinéraires, mieux comprendre les chemins d’engagement et éclairer les choix. En complément, la sociobiographie nous aide à comprendre les évolutions collectives, à caractériser les familles militantes et repérer les engagements pluriels. Bref, on fait de l’histoire sociale.
Qu’apprend-on sur les militants de la CFDT ?
Dans un avenir proche, les évolutions en cours de l’outil informatique vont nous permettre de mieux exploiter cette formidable base de données sur le militantisme. Pour l’instant, Le Maitron ne fait pas surgir d’idées révolutionnaires mais confirme nos intuitions.
Sur la période des Trente Glorieuses, il révèle l’importance de la formation et des engagements chrétiens, ce qui distingue les militants CFDT de leurs homologues CGT et encore plus FO. Pour autant, si l’influence chrétienne est une caractéristique majeure, elle n’est pas exclusive. Le Maitron met en lumière une vraie diversité des parcours et des formations. Beaucoup de responsables ont un héritage familial qui les rattache au mouvement ouvrier traditionnel, plus socialiste et laïque. Et on comprend mieux pourquoi ils ont voulu dépasser le clivage entre militant chrétien et mouvement ouvrier, et unifier leur personnalité.
Le Maitron, la mémoire des engagé·es
Le Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français a un titre explicite mais un peu long. Il a été surnommé Le Maitron, du nom de l’historien Jean Maitron (1910-1987), fondateur de cette véritable encyclopédie.
Organisé par périodes comprenant chacune plusieurs tomes alphabétiques, Le Maitron compte aujourd’hui 164 000 notices biographiques de militants politiques, associatifs, et surtout syndicaux.
Chaque année, des centaines de contributeurs enrichissent Le Maitron…
Paru en novembre 2016, le volume 12 clôture la cinquième période (1940-1968), qui a vu s’élargir la notion de mouvement ouvrier. Il s’est ouvert aux autres mobilisations sociales (engagements associatifs pour le logement, les migrants, les femmes…) dans lesquels les militants CFTC, puis CFDT, furent particulièrement actifs.
Le Maitron s’est également adapté au numérique. Ainsi, les volumes papier s’accompagnent-ils d’un cédérom et de l’accès à un site dédié (voir ci-dessous) où la totalité des notices biographiques sont non seulement consultables, mais aussi actualisées.
Chacun peut participer à leur écriture en intégrant des groupes de travail, locaux ou thématiques. Chaque année, des centaines de contributeurs enrichissent Le Maitron, encadrés par l’équipe de Claude Pennetier.
Pour aller plus loin :
- Le Maitron : Dictionnaire biographique, mouvement ouvrier, mouvement social, de 1940 à mai 1968, volume 12, Tc-Z, Ivry-sur-Seine, Éditions de l’Atelier, novembre 2016.