Stéphanie Benoist est secrétaire fédérale du Sgen-CFDT et enseignante-chercheuse en Linguistique allemande à l'université de Bourgogne. Elle nous parle de son engagement militant à l'université et dans le cadre de la COMUE.
Peux-tu nous parler de ton choix de militer au Sgen-CFDT dans le cadre de l’université de l’UB et de la COMUE qui lui est associée ?
Cela s’est fait naturellement. J’ai rejoint le Sgen-CFDT par adhésion aux valeurs de la CFDT en 2007. De fil en aiguille, la section syndicale s’est reconstruite, nous avons déposé des listes pour les élections professionnelles. J’ai choisi de m’engager parce qu’il y a une nécessité à l’UB de faire entendre un discours autre que les poncifs de la CGT et de la FSU.
La COMUE a besoin d’élu.es qui croient à la nécessité d’ancrer l’ESR dans les territoires.
Notre présence au sein des instances de la COMUE Bourgogne-Franche Comté s’imposait. Nous étions les seuls à avoir soutenu la construction de cette instance de coopération entre les établissements d’enseignement supérieur dans nos régions. La COMUE a besoin d’élu.es qui croient à la nécessité d’ancrer l’ESR dans les territoires, et qui refusent de la réduire à un instrument de gestion du projet d’initiative d’excellence ISITE. Nous ne souhaitons pas une COMUE de « l’excellence », mais une COMUE du service public, qui offre aux jeunes de nos régions un large panel de formations de qualité et la garantie d’une bonne insertion professionnelle.
Le niveau licence a lui aussi besoin d’être coordonné et pensé au niveau de la grande région.
Peux-tu nous en dire plus sur cette communauté d’établissements ?
Les statuts de la COMUE Bourgogne-Franche Comté ont été rédigés par des équipes obnubilées par l’excellence et qui pensent que les établissements de Bourgogne-Franche Comté figureront en bonne place dans les classements internationaux en 2050. Elles ont créé la COMUE en même temps qu’elles ont candidaté à l’appel à projet ISITE. C’est pourquoi le projet n’est pas visible pour les agents dont l’activité n’est pas en lien avec les écoles doctorales ou avec la recherche financée par ISITE. C’est regrettable, car le niveau licence a lui aussi besoin d’être coordonné et pensé au niveau de la grande région. C’est un des messages que porte le Sgen-CFDT, qui doit s’organiser en réseau pour s’exprimer dans les conseils. Nous souhaitons aussi pouvoir nous adresser à l’ensemble des électeurs de la COMUE.
Les sections syndicales de nos établissements bénéficient d’un accompagnement de la fédération des Sgen-CFDT afin par exemple de construire une synergie et d’élaborer des revendications spécifiques à nos territoires. La coopération avec l’union régionale CFDT et le CESER nous aidera à mieux connaître les réalités socio-économiques et politiques de cette grande région que peu d’élus connaissent vraiment. Les COMUEs contraignent en effet les établissements à se confronter à des problématiques jusqu’à présent négligées et imposent aux élus une montée en compétences qu’il faut saluer.
Comment concilier activité syndicale, enseignement et recherche ?
Le temps d’enseignement et de préparation de mes cours n’est pas impacté par les activités syndicales, en revanche, l’activité militante empiète largement sur le temps que je devrais consacrer à la recherche. Difficile de ne pas répondre à une invitation de l’administration à un groupe de travail, ou à la demande d’un.e collègue en difficulté.
Nous offrons également un gros de travail de veille pour que le collectif puisse se tenir au courant des dossiers, de la législation, et participer à l’élaboration de notre corpus revendicatif… En même temps, je me laisse plus facilement happer par des questions politiques ou syndicales ou encore par l’aide à apporter à un collègue, parce que ce serait à moi de créer l’urgence de rédaction d’un article ou d’un projet d’HDR et que je ne le fais pas.
Beaucoup de frustration chez les enseignants-chercheurs.
Quelles sont les attentes des enseignants-chercheurs et plus largement de tous les agents ?
Les problématiques du métier d’enseignant-chercheur sont diverses : nous exerçons notre métier dans des contextes que la discipline et l’affectation peuvent rendre très différents. Il y a également des profils psychologiques très différents, certain.es étant plus intéressé.es par l’enseignement et la pédagogie, d’autres par la recherche. Il y a cependant beaucoup de frustration chez les enseignants-chercheurs. Celle-ci est liée au décalage qu’il peut y avoir entre les exigences à remplir pour trouver un poste et les conditions d’exercice de notre métier.
La massification du public étudiant, non accompagnée de moyens d’encadrement pédagogique supplémentaires, le manque de postes administratifs et techniques qui nous oblige à accomplir un grand nombre de tâches de secrétariat, la pression exercée sur l’activité de recherche, … tout cela représente une source de stress au quotidien. Les personnes les plus dévouées au bon fonctionnement pédagogique ou administratif souffrent d’un manque de reconnaissance professionnelle : c’est en effet la recherche qui reste la principale activité évaluée. A cela s’ajoute un manque de reconnaissance financière mais aussi sociale qui est, je pense, général.
Plus largement, aujourd’hui les agents de l’université Bourgogne sont très préoccupés par les difficultés financières de l’établissement, qui sont récentes et inédites. Il nous faut identifier précisément les attentes de tous les personnels et sortir des discours simples ou clientélistes.