À la fin des années 70, l’autonomie des établissements s’inscrit dans la recherche d’une démocratie plus participative où les acteurs prennent directement part aux décisions relatives à l’organisation de leur travail. Mais, avec le développement du courant ultra libéral et la crise économique, s’impose la logique de rendre plus efficaces et moins couteuses, les politiques publiques. Les systèmes éducatifs européens n’échapperont pas à cette logique. Dès lors, le modèle de gouvernance va se modifier et introduire la notion de performance.
Où en est-on aujourd’hui ? Qu’en pense le Sgen-CFDT ? Autonomie de quoi parle-t-on ? Au moment où les candidats à l’élection présidentielle en campagne utilisent le terme d’autonomie sans le définir exactement, rappelons celle que revendique le Sgen-CFDT.
Pour bien comprendre...
- Gouvernance et autonomie dans le système scolaire, l'enseignement supérieur et la recherche
- Nouvelles formes de gouvernance
- Participation des acteurs et co-construction des projets
- Place des usagers
- Que revendique la CFDT ?
PARLER DE GOUVERNANCE dans le système d’éducation, d’enseignement supérieur et de recherche, c’est s’intéresser à l’autonomie des écoles et des établissements.
Ce débat n’est pas neutre, les candidats à la présidentielle se prononçant soit pour élargir, soit pour limiter, voire pour supprimer l’autonomie. Or, nous savons que l’autonomie des établissements, telle que pensée par l’OCDE en particulier, visait une plus grande efficacité des politiques publiques tout en réduisant les dépenses dans un contexte de difficultés budgétaires, et donc de remise en cause d’un État providence.
Cette autonomie est-elle celle que la CFDT revendique ? Quelles sont ses conséquences sur les modes de gouvernance des établissements ? Où en sommes-nous aujourd’hui, et quelles évolutions propose la CFDT ?
Pour en savoir plus :
- Autonomie : de quoi parle-t-on ? Quelles sont les revendications du Sgen-CFDT ?
- Autonomie des établissements du second degré
État des lieux
Un premier degré sans autonomie
Dans le premier degré, les écoles (qui ne sont pas des établissements publics) n’ont juridiquement aucune autonomie : le directeur est soumis à la double tutelle de l’inspecteur de l’Éducation nationale (IEN) et du maire ; la commune étant propriétaire des locaux, elle en assume l’entretien et l’équipement.
Seule l’organisation des services des personnels est laissée à la charge du directeur, mais l’IEN peut la modifier. Quant au projet pédagogique, s’il est normalement construit par l’équipe et adopté en conseil d’école, l’institution, via l’IEN, garde jalousement le pouvoir de le valider.
Le directeur d’école se retrouve donc entre le marteau et l’enclume.
Pour aller plus loin : Premier degré : École, l’autonomie impossible ?
La situation dans le second degré
Dans le second degré, les collèges et lycées sont des établissements publics locaux d’enseignement (EPLE). Ce statut, officialisé par le décret de 1985 issu des lois de décentralisation, a élargi les compétences du conseil d’administration que préside le chef d’établissement.
Celui- ci peut mettre en œuvre les politiques éducatives de l’État avec les moyens dont il dispose, dans le cadre d’un projet d’établissement et d’un contrat d’objectifs (élaboré par l’ensemble des acteurs, personnels, usagers, collectivités) qui doivent prendre en compte les réalités du territoire et du public scolaire pour mieux répondre aux directives nationales. Comme les écoles, les collèges et lycées ne recrutent pas leurs personnels et ne gèrent pas la masse salariale correspondante, missions qui incombent au recteur.
Pour aller plus loin : La gouvernance dans le second degré : enjeu crucial pour la réussite des élèves ?
Les questions posées par l’autonomie dans l’enseignement supérieur
Dans l’Enseignement supérieur et la Recherche, le mouvement d’autonomie s’est accéléré avec la loi Libertés et responsabilités des universités (LRU) et surtout lors du passage aux responsabilités et compétences élargies.
Avec ces différentes mesures, l’université est devenue un établissement autonome qui perçoit des fonds de l’État, peut recruter certains de ses agents et surtout gère directement la masse salariale affectée par l’État. L’établissement doit donc élaborer sa propre politique, y compris en matière de recrutement.
L’autonomie des établissements impose de fait de nouveaux modèles à tous les niveaux.
En effet, l’autonomie entend l’existence d’un État stratège qui définit les grandes orientations en matière d’enseignement supérieur et de recherche, afin de répondre aux enjeux de société et aux priorités fixées en matière de formation, de développement économique, etc. ; l’existence, également, de chefs d’établissement (principaux, proviseurs, présidents d’université, directeurs d’organisme de recherche…) capables de construire une stratégie globale pour réaliser ces grandes orientations avec les moyens alloués par l’État.
Pour développer leurs missions, ils doivent encore avoir une vision territoriale (régionale, nationale et internationale).
Ces nouveaux stratèges doivent donc être formés à l’exercice des missions organisationnelles et à la construction de véritables perspectives.
Pour aller plus loin :
- « Nos revendications visent à associer étroitement tous les acteurs » – Interview de Franck Loureiro – Secrétaire général adjoint du Sgen-CFDT en charge du dossier Enseignement supérieur et Recherche
- Universités : une capacité décisionnelle croissante ?
Être à la tête d’un établissement public, c’est savoir s’entourer…
Être aujourd’hui à la tête d’un établissement public, c’est de plus en plus savoir s’entourer des personnes capables d’aider à construire ces stratégies.
L’existence ou non de ce que certains nomment le « sommet stratégique » est une des caractéristiques du bon ou mauvais fonctionnement d’un établissement. Mais s’il est indispensable, il n’est pas suffisant. Il doit aussi s’accompagner d’un dialogue programmatique avec l’ensemble des acteurs – un minimum pour obtenir l’adhésion de l’ensemble de la communauté : professionnels, usagers et partenaires extérieurs au projet de l’établissement. Ce dialogue permet une remise en cause permanente des pratiques et des schémas de pensée pour anticiper les changements – qu’ils soient sociaux, économiques ou pédagogiques –, et sortir des routines organisationnelles afin d’être mieux à même de créer et d’innover. Ce faisant, il contribue – et c’est peut-être le plus important – à faire passer les identités individuelles de simples membres d’une communauté à acteurs stratèges.
C’est ainsi qu’il devient possible de développer au sein de la communauté de nouvelles postures où chacun peut intervenir et agir sur les décisions qui le concernent et donc agir sur son travail dans un intérêt général compris, car co-construit. On retrouve bien là le projet d’émancipation porté par la CFDT, héritage du mouvement autogestionnaire.
La gouvernance d’établissements publics, ce n’est donc pas l’indépendance des chefs d’établissement.
Pour le Sgen-CFDT, de la maternelle à l’université, l’autonomie doit être l’occasion d’inventer de nouvelles formes de gouvernance. Elle doit être l’occasion de donner aux acteurs la possibilité de construire des projets pédagogiques et organisationnels pour répondre aux besoins de l’établissement et de sa population sans oublier toutes les ressources externes de proximité, qu’elles soient humaines, sociales, économiques…
Enfin, elle doit être l’occasion pour les agents d’agir eux-mêmes sur leurs conditions de travail et leur qualité de vie au travail.
La place des usagers
Fédération des Conseils de Parents d’élèves – FCPE
Être un interlocuteur privilégié et un acteur de la vie politique locale…
Quel est le rôle des parents d’élèves ?
Les lois d’orientation ont défini leur place dans la communauté éducative, une avancée quant à la reconnaissance de notre implication dans le système éducatif ; nous revendiquons néanmoins un véritable statut du représentant de parent fédéré qui, au-delà du Code de l’éducation, soit inscrit dans le Code du travail et le Code civil et bénéficie de moyens pour assurer ses missions.
Nous réaffirmons la nécessité des associations de parents d’élèves fédérées à l’échelon national et œuvrant pour une réelle participation des parents d’élèves dans la communauté éducative. Il appartient à notre Fédération d’occuper pleinement sa place. Elle ne doit pas se contenter du rôle que l’Institution veut bien lui concéder. La FCPE se veut une force d’information, de formation, de réflexion, de représentation et de propositions. Elle exerce un rôle de médiation. Elle est un interlocuteur privilégié et un acteur de la vie politique locale pour tous les aspects ayant un impact sur la scolarité des enfants (contrats éducatifs locaux, projets de réussite éducative…).
Syndicat Général des Lycéens – SGL
Monter le plus haut possible dans les instances pour se faire entendre…
La jeunesse, dont on dit qu’elle est l’avenir, est l’esclave de décisions arbitraires au sein d’un lieu qui devrait être le sien : le lycée. Les lycéens ont pourtant la capacité et le recul nécessaire pour prendre des décisions qui affectent leur propre cursus. Mais si on essaie de nous faire croire à un pouvoir donné par le conseil de vie lycéenne (CVL), le conseil d’administration, les délégués de classe, les commissions en tout genre, nous ne sommes pas dupes.
La réelle volonté est d’étouffer notre colère et notre amertume d’un monde qui part en friche. Il devient nécessaire, pour se faire entendre, de monter le plus haut possible dans les instances, parfois même utiliser la voix d’un mégaphone syndical. Des solutions sont pourtant à notre portée.
Le SGL prône une augmentation du pouvoir des instances et notamment du CVL, par exemple, en lui accordant un droit de véto sur des projets qui lui paraitraient nuisibles aux lycéens. L’accès des lycéens au conseil pédagogique leur permettrait de réellement prendre part aux décisions. La création d’une assemblée avec les délégués, leur donnerait la possibilité de discuter et de trouver des solutions adaptées à chaque problème. Enfin, la solution ultime serait l’autogestion par les élèves eux-mêmes, qui disposeraient des cartes nécessaires de l’autonomie et de la citoyenneté.
Fédération des associations générales étudiantes – FAGE
La place des étudiants dans la gouvernance des universités est un enjeu majeur de la démocratisation.
Pour la Fage, la place des étudiants dans la gouvernance des universités est un enjeu majeur de la démocratisation. Elle revendique pour cela la création du statut de l’élu étudiant. Toute convocation à un conseil ou à une autre instance doit être considérée comme un justificatif autorisant l’absence. Les étudiants élus doivent donc pouvoir rattraper les cours ou les examens manqués selon des modalités efficaces et peu contraignantes.
L’élu étudiant doit également pouvoir être formé et donc pouvoir bénéficier d’autorisations d’absences exceptionnelles. Enfin, l’engagement étudiant doit être valorisé. Pour cela, plusieurs moyens sont possibles. L’annexe descriptive au diplôme est un moyen évident, mais des unités d’enseignement libre peuvent également être créées. Ces dispositifs permettent à l’élu de valider un certain nombre de crédits selon le système européen de transfert et d’accumulation de crédits (ECTS), sur présentation d’un travail (mémoire, rapport), et selon son assiduité dans les différentes instances ou fonction de ses différentes actions dans le cadre de son mandat.
CVC, CVL, des inventions du Sgen-CFDT
Disposer d’un véritable outil d’apprentissage des compétences civiques et citoyennes du socle commun…
L’implication des élèves dans le fonctionnement des établissements est un objectif historique du Sgen-CFDT. L’apprentissage de la citoyenneté doit, en effet, se faire dans l’action. C’est le sens de notre revendication d’un conseil de la vie collégienne (CVC), votée par le congrès de Mons en 2007 et précisée au congrès de Décines en 2011 : « [Il doit] permettre de disposer d’un véritable outil d’apprentissage des compétences civiques et citoyennes du socle commun et de favoriser le développement de relations de confiance et de respect mutuel entre personnels et élèves, entre jeunes et adultes… »
Pour nous, il est important de créer des espaces possibles pour que les élèves réfléchissent et agissent sur leur quotidien, de permettre des actions que les élèves proposent ou ont envie de mener, de faciliter l’échange entre les représentants des élèves et quelques adultes pour prendre rapidement des décisions d’amélioration de la vie des établissements.
En fait, il s’agit bien de développer l’engagement des élèves dans des projets qui ont prise avec leur quotidien et leur degré d’autonomie. Les conseils de la vie collégienne et de la vie lycéenne (CVL) n’ont de sens que s’ils sont réellement investis par tous les membres de la communauté éducative. Ainsi, ils permettent de développer l’esprit de concertation et de mise en projet au sein du collège ou du lycée.