Catherine Massaloux est fondée de pouvoir dans une agence comptable scolaire. En période de confinement, la continuité administrative s'impose. Quelles sont les conditions de travail actuelles pour ce métier, primordial dans le fonctionnement des établissements publics locaux d'enseignement ?
CATHERINE MASSALOUX est attachée principale d’administration de l’État. Elle exerce dans l’agence comptable d’un lycée de Limoges. Militante au Sgen-CFDT, Catherine est élue au Comité technique académique et au Conseil académique de l’Éducation nationale.
POUVEZ-VOUS NOUS DIRE QUELQUES MOTS SUR VOTRE MÉTIER ET SUR L’AGENCE COMPTABLE OÙ VOUS EXERCEZ ?
Je travaille au sein de l’agence comptable du lycée Raoul Dautry de Limoges, qui gère neuf établissements : trois lycées et six collèges. J’exerce en tant que fondée de pouvoir, donc je suis l’adjointe de l’agent comptable.
Je suis plutôt en charge de la comptabilité générale, mais je participe aussi au pilotage de l’agence, au contrôle interne comptable, etc. Le fondé de pouvoir peut être amené à remplacer l’agent comptable, et il a délégation des signatures notamment pour le paiement des mandatements.
COMMENT TRAVAILLEZ-VOUS ACTUELLEMENT ?
Depuis le confinement, je fais très peu de télétravail parce que nos logiciels ne sont pas adaptés. Ne pas pouvoir faire mon travail depuis chez moi rend la situation plus difficile car je suis obligée de me déplacer au lycée pour procéder au paiement de ce qui est le plus urgent : les bourses pour les familles et les factures pour les fournisseurs.
Dans l’académie de Limoges (…), la mise en place du télétravail pour les personnels administratifs en établissements scolaires a commencé en janvier 2020. Elle est donc encore en phase d’expérimentation
Malheureusement, aucun des logiciels que nous utilisons à l’intendance ne sont accessibles en ligne. Il est vrai aussi que les collègues qui utilisent GFE (gestion financière des élèves) pourraient, pour les droits constatés, travailler avec des clés OTP (One Time Password). Mais pour l’instant, le rectorat en fournit seulement aux chefs d’établissement.
Dans l’académie de Limoges, contrairement aux agents des services informatiques du rectorat qui peuvent travailler à distance depuis plusieurs années, la mise en place du télétravail pour les personnels administratifs en établissements scolaires a commencé en janvier 2020. Elle est donc encore en phase d’expérimentation, et j’espère qu’elle se développera après le « déconfinement » !
CONCRÈTEMENT, COMMENT ORGANISEZ-VOUS VOTRE TRAVAIL PUISQUE VOUS ÊTES CONTRAINTE DE VOUS RENDRE SUR PLACE ?
Comme nous sommes trois dans ce cas, nous essayons d’organiser le service de manière à ne pas être sur place en même temps. Nous nous mettons d’accord par téléphone ou par mail pour alterner entre les matinées et les après-midis selon les contraintes de chacune. Nous effectuons le travail le plus urgent. Dans ce cadre, et en fonctionnant principalement en scannant les documents et par mail, pour éviter les déplacements, nous avons évidemment des contacts avec les établissements rattachés pour payer les factures d’une part, et d’autre part pour rembourser les familles quand il y a eu des voyages scolaires annulés du fait de la fermeture des collèges et des lycées.
QU’EST-CE QUI VOUS A PARU DIFFICILE ?
J’ai trouvé difficile d’avoir beaucoup de travail et de ne pas être en mesure de le mener à bien car ne disposant pas de logiciels accessibles en ligne, notamment le logiciel comptable. À cause du confinement, j’essaie de limiter mes déplacements et je ne peux pas avancer comme je le souhaiterais…
QU’EST-CE QUI EST IMPORTANT DANS CE CONTEXTE ?
Pour moi, ce qui prime, c’est la santé et la protection des personnes. Dans un tel contexte, on se rend compte que c’est important et que, parfois, on est peu de chose sur Terre !
ce qui prime, c’est la santé et la protection des personnes.
QU’EST-CE QUI VOUS A SURPRIS DANS LES CONDITIONS DE TRAVAIL ACTUELLES ?
D’abord, la rapidité de la mise en place du confinement : il a été difficile d’organiser le travail à la maison du personnel puisque nous n’avions pas de recul. Ensuite, l’attitude de certains chefs d’établissement n’a pas été appropriée. Des collègues ont dû faire face à des comportements incorrects de la part de chefs d’établissement qui n’avaient pas tout saisi de ce qu’impliquait la situation de confinement. Ils tenaient à ce que le personnel continue de travailler sur place, par exemple…
AVEC VOS COLLÈGUES, VOUS ASSUREZ LA CONTINUITÉ DE FONCTIONNEMENT DE L’AGENCE COMPTABLE. VOUS ÊTES-VOUS SENTIS RECONNUS DANS VOTRE TRAVAIL ?
(…) nous ne sommes pas assez valorisés.
Avant d’être fondée de pouvoir dans une agence comptable, j’ai été professeure pendant plus de vingt ans ! Il est vrai qu’on a beaucoup entendu parlé des enseignants et très peu du personnel administratif. Je trouve que nous ne sommes pas assez valorisés.
AVEZ-VOUS APPRIS QUELQUE CHOSE DE CETTE SITUATION ?
(…) il faudrait accélérer la modernisation des outils à l’Éducation nationale.
Comme je le disais, la possibilité de travailler à distance avec des logiciels accessibles de chez soi est en préparation dans notre académie. Un nouveau logiciel comptable – Op@le – devrait être en ligne sur Internet dans environ deux ans. Je pense qu’il faudrait accélérer la modernisation des outils à l’Éducation nationale.
Sinon, la situation apprend à relativiser, à voir qu’il y a des choses plus importantes. Confrontée à des dispositions exceptionnelles, j’ai aussi appris à travailler différemment !
EN TANT QU’ÉLUE SGEN-CFDT, PAR QUI ET POUR QUOI AVEZ-VOUS ÉTÉ SOLLICITÉE DURANT CES PREMIÈRES SEMAINES DE CONFINEMENT ?
J’ai rappelé quels étaient les droits et quelques règles de fonctionnement…
Quand le confinement a été décidé, des personnes m’ont appelé pour des questions précises. Une collègue avec une enfant en bas âge, par exemple, s’est renseignée sur ses droits à une autorisation d’absence pour garde d’enfant car son chef voulait qu’elle aille absolument au travail, pour faire les paies du personnel. Il lui avait parlé de réquisition et elle se demandait si c’était normal. J’ai rappelé quels étaient les droits et quelques règles de fonctionnement, notamment que la réquisition était du ressort du préfet…
Par la suite, j’ai surtout eu des questions sur la façon de travailler dans les différents établissements scolaires. C’était davantage des échanges de conseils. Des collègues étaient inquiets parce qu’ils se souciaient de réussir à accomplir leurs tâches mais n’avaient pas les outils pour travailler correctement. Par exemple, le rectorat a prêté des d’ordinateurs, mais cela n’a pas suffi à couvrir les besoins de l’ensemble des personnels…
POUR VOUS, QUEL EST LE RÔLE DU SYNDICAT DANS CE CONTEXTE ?
L’aide et l’échange, en priorité.
Au début, on a été confronté à des difficultés de mise en place. Il y avait aussi un peu la peur de l’inconnu… Mais maintenant, on va dire que ça roule ! Après quinze jours de confinement, c’est plus facile.
VOUS ÊTES ÉLUE AU COMITÉ TECHNIQUE ACADÉMIQUE (CTA). Y A-T-IL EU UNE CONVOCATION EXCEPTIONNELLE DE L’INSTANCE ?
Il y a eu des groupes de travail en visioconférence, mais qui ne portaient pas sur cette question ; si on a pu poser des questions à la rectrice et obtenir des réponses, ce n’était pas l’objet des réunions. En revanche, les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail-CHSCT (auxquels je ne participe pas car je ne suis pas élue), eux, ont travaillé sur la gestion de la crise.
Crédits illustrations
Portrait (c) Catherine Massaloux
Visuels (c) Pixabay