Ce Bac 2020 sera évidemment un « cru » particulier, surtout en voie générale : non seulement, c’est la dernière session des séries S/ES/L mais en plus toutes les épreuves écrites et orales de l’année de terminale ont été « neutralisées ».
Déclaration liminaire Sgen-CFDT au Conseil supérieur de l’Education du 9 juillet
Après avoir déclenché une multitude de conjectures, les résultats du Bac sont enfin en passe d’être « consolidés » et ont commencé à faire l’objet de commentaires. On peut déjà dire qu’ils seront globalement en hausse par rapport à la moyenne des années précédentes.
Le retour des marronniers de la déploration
Deux éléments sont souvent mis en avant (par les médias) pour dénigrer cette session très particulière :
- Un « niveau » qui baisse avec en corollaire, les procès en suspicion d’un effet négatif pour les élèves les plus fragiles « leurrés » sur leurs aptitudes, même si on se demande bien comment un bac extrêmement codifié et fondé sur des standards du XXème siècle n’avantagerait pas au contraire une partie des élèves ayant déjà ces codes…
- Une inégalité entre candidats qui reposerait sur la prise en compte du seul contrôle continu, porteur en soi d’une rupture d’égalité.
Le premier argument d’un niveau du bac qui baisse est avancé systématiquement tous les ans, et ce depuis des décennies. Il s’agit en fait de remettre en cause la démocratisation scolaire. La situation très étrange, inconfortable et parfois difficile qu’ont vécue les lycéens cette année justifie une bienveillance accrue dans la délivrance du diplôme, et ce ne sont pas quelques points, voire dixièmes de points de réussite supplémentaires qui changeront fondamentalement le paysage.
Si le baccalauréat se jouait jusqu’ici sur une dizaine d’épreuves terminales (avec le stress et le bachotage liés), il valide en réalité aussi l’ensemble d’une scolarité, et plus particulièrement les deux ans d’un cycle terminal organisé jusqu’ici en séries hiérarchisées entre elles.
L’arrêt de l’année scolaire « en présentiel » au mois de mars, ne peut compromettre 11 ans de scolarité : faisons confiance à nos élèves, ayons confiance en la jeunesse ! Elle saura s’adapter, et devra le faire, puisqu’il lui faudra répondre aux défis qui l’attendent, et on sait qu’ils sont nombreux.
Le contrôle continu ne s’improvise pas
Sur le 2ème argument du contrôle continu facteur de rupture d’égalité, lui aussi habituel, deux remarques.
Il convient d’une part de rappeler que le baccalauréat n’est pas un concours, et que l’orientation dans le post-bac est déjà jouée au moment des examens… sur des notes délivrées tout au long de l’année.
Il convient d’autre part de souligner que les conditions de délivrance du bac 2020 ont dû être improvisées en urgence face à la crise sanitaire. Ce qui se préparait d’ordinaire en un an a dû l’être en deux mois, ce qui n’a pas empêché la transformation d’une idée simple (utiliser les notes des bulletins scolaires pour délivrer le bac), en un casse-tête procédural.
L’avalanche des directives et des notes de service n’ a pu corriger des situations initiales hétérogènes, d’abord et avant tout parce que l’évaluation des élèves reste un angle mort des politiques d’établissement.
Et pour cause : les épreuves finales identiques pour tous font « foi » : chacun peut donc continuer de faire ce qu’il veut ou ce qu’il peut en classe non seulement dans ses modalités pédagogiques mais aussi dans ses modalités d’évaluation. Cela laisse surtout l’enseignant très seul face à cette problématique, et les élèves et leurs familles parfois bien perplexes. Cela a été flagrant cette année, or pour le moins, c’est un écueil qui pourrait être levé … pour le Bac 2021 qui nous occupe aujourd’hui.
Bac 2021 : des avancées très limitées
Les aménagements proposés ici pour les épreuves de contrôle continu, nous semblent très en deça des enjeux attachés au nouveau Bac : le simplifier et rendre compte de façon plus nuancée du parcours d’un élève.
Proposer à ce stade un changement de nom sans redonner complètement la main aux équipes est une position d’équilibre instable, qui n’aura pas forcément les résultats attendus, en tout cas pas ceux d’un choc de simplification des procédures qui pèsent sur le travail des personnels.
A ce stade seule la suppression complète des épreuves de contrôle continu (ou évaluations communes) imposées pour 30 % du bac le permettrait, en démontrant au passage la confiance accordée par l’institution à ses personnels. Supprimer uniquement la première session de ces épreuves entérinerait la situation actuelle d’une absence de politique d’évaluation au sein des établissements, en recréant un bac en deux ans pour les lycéens, sans possibilité de validation intermédiaire et progressive de contenus et de compétences.
Le contrôle continu, s’il devait être pris en compte réellement pour 40 % favoriserait une réflexion, non seulement individuelle, mais collective à différents niveaux de l’institution, ce qui n’a pas été le cas cette année. Il amènerait des harmonisations en amont, par discipline, par établissement et à des regards croisés, notamment celui des IA-IPR dont l’expertise n’a guère été sollicitée durant cette période.
Le contrôle continu amènerait à « faire alliance » entre tous les acteurs pour construire collectivement et en responsabilité une politique d’évaluation au service de la réussite des élèves.
Aujourd’hui, la juxtaposition de pratiques individuelles souvent performantes prises séparément, mais qui peuvent se révéler contre-productives parce qu’elles ne font pas système, sont une source d’incompréhension et parfois de méfiance envers la « première ligne éducative »
La proposition d’un aménagement de calendrier, d’une plus grande souplesse de mise en œuvre des temps communs d’évaluation pourrait être un premier pas de cette transformation profonde d’un baccalauréat à bout de souffle, mais ce seront bien les équipes sur le terrain qui en feront ou non un élément porteur de sens.
Pour que cette évolution amène un allègement de la charge de travail de tous et limite le stress des élèves, ce ne sont pas des notes de service interminables qui sont attendues, mais un accompagnement humain réel des équipes, dans un souci de « faire ensemble » qui manque tant au système actuellement.
Un accompagnement en responsabilité des acteurs, considérés, respectés comme des professionnels qu’ils sont et non un contrôle tatillon de pratiques mesurées à l’aune des réputations et des renommées dans un souci de classement des établissements et donc des élèves.