Un comité d'experts en sciences sociales a été lancé par la CFDT, associée à la Fondation Jean Jaurès, le 26 novembre 2021 pour tirer les enseignements d’une crise sanitaire totalement inédite, une façon de passer de l’épreuve (sociale, psychique…) à l’expérience.
Ce comité d’experts en sciences sociales a pour maître d’œuvre Profession Éducation, le magazine du Sgen-CFDT.
, ancien secrétaire général du Sgen-CFDT et secrétaire national de la confédération. Nous l’avons interviewé sur la genèse de ce projet pour le no 283 – Janvier-février 2022 dePourquoi, aujourd’hui, ce comité d’experts, en sciences sociales, et quel sera son rôle auprès de la CFDT ?
En mars 2020, quand le gouvernement s’est adjoint un comité pour gérer la crise sanitaire, la CFDT a avancé l’idée d’inclure dans ce Conseil scientifique Covid-19 des chercheurs en sciences sociales pour réfléchir aux situations sociales émergeant d’une telle crise. Malgré l’insistance de la CFDT, le gouvernement n’a pas repris cette idée.
Le rôle du comité d’experts auprès de la CFDT est d’enrichir le débat public en diffusant les connaissances des sciences sociales qui sont utiles pour mener des politiques publiques.
Un an plus tard, nous restions convaincus de l’urgence d’interroger de manière scientifique la vie quotidienne des travailleurs en temps de pandémie et d’en analyser les répercussions – de nombreux chercheurs en sciences sociales ont d’ailleurs mené des travaux, notamment à l’occasion des confinements. Avec la Fondation Jean Jaurès, nous avons donc décidé de monter un comité d’experts en sciences sociales afin de faire connaitre ces travaux et d’en tirer matière pour constituer la mémoire de cette crise, pour tirer de cette expérience grandeur nature des enseignements sur le fonctionnement de la société.
Le rôle du comité d’experts auprès de la CFDT est d’enrichir le débat public en diffusant les connaissances des sciences sociales qui peuvent aussi contribuer à construire les politiques publiques. Notre organisation va également s’inspirer des travaux du comité pour affiner sa compréhension des faits sociaux, et partant, ses propositions. Et réciproquement, les experts du comité sont intéressés à mener certains sujets en dialogue avec la CFDT qui dispose d’une expérience proprement syndicale pour tout ce qui concerne le monde du travail.
Avec la Fondation Jean Jaurès, nous avons […] décidé de monter un comité d’experts en sciences sociales […] pour constituer la mémoire de cette crise, pour tirer de cette expérience grandeur nature des enseignements sur le fonctionnement de la société.
Pourquoi ces douze chercheurs et chercheuses ? Le groupe a-t-il vocation à évoluer ?
Équilibrer les domaines de recherche au sein d’un comité relativement resserré nous a contraints à faire des choix. Nous avons constitué un comité paritaire (cf. ci-dessous la liste de ses membres) incluant l’anthropologie, le droit, l’économie, l’éthique médicale, l’histoire, la philosophie, la psychiatrie, la sociologie.
Ce groupe d’experts, bien sûr, pourra évoluer, et il est d’ores et déjà prévu de faire appel à d’autres chercheurs pour rédiger les notes.
Comment seront choisis les sujets, et pourquoi cette première thématique de la « société fatiguée » ?
Il n’y a pas de programme préétabli des thèmes. L’objectif est de relayer ce que les chercheurs ont produit, d’en faire une synthèse et d’être un pont entre la recherche et le débat public. Les notes ne seront pas des articles scientifiques commandés par la CFDT, mais cela n’empêchera pas une réflexion originale, fondée sur la pluridisciplinarité et les échanges avec les militants.
L’objectif est de relayer ce que les chercheurs ont produit, d’en faire une synthèse et d’être un pont entre la recherche et le débat public.
Patrick Boucheron a proposé la « société fatiguée » pour structurer le travail. En juin 2021, la revue Esprit avait publié un dossier, « Une épidémie de fatigue » – c’était donc dans l’air du temps et cela parlait à la CFDT dont les militantes et les militants percevaient une certaine fatigue vis-à-vis de l’état du monde, de la société.
Cette thématique de lancement permettait donc de réunir fatigues militantes, fatigue des personnes, expressions de fatigue liée à la pandémie mais aussi aux contraintes sanitaires… Il y avait là assurément un fil rouge, flou dans son énoncé spontané, mais intéressant à suivre pour la variété des réalités qu’il reliait.
une société fatiguée peut aussi désigner une fatigue collectivement éprouvée, voire contagieuse, ou une fatigue des individus à l’égard du collectif.
Il est vrai que d’autres termes auraient pu être choisis pour qualifier cette sorte d’épuisement, d’affaiblissement du fonctionnement de la société, du modèle démocratique. Il ne faut pas non plus trop s’enfermer dans cette expression : une société fatiguée peut aussi désigner une fatigue collectivement éprouvée, voire contagieuse, ou une fatigue des individus à l’égard du collectif. • Propos recueillis par Aline Noël
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Pour retrouver leur biographie, c’est ici.