"L'établissement, premier lieu de développement, de reconnaissance et de bien-être professionnel.". Retrour sur la Table Ronde avec Benoît Becquart, responsable des relations institutionnelles chez SynLab.
avait choisi cet angle pour intervenir lors de la table-ronde « Travailler mieux collectivement : bienveillance, responsabilité, efficacité » figurant au programme de la matinée de réflexions et de débats organisée pendant l’assemblée générale des Sgen-CFDT, qui s’était réunie à l’université de Bourgogne, à Dijon, du 23 au 25 février dernier.
Un extrait de son intervention a paru dans le no 284 – Mars-avril 2022 de Profession Éducation, le magazine du Sgen-CFDT.
En guise d’introduction
Quelques mots, d’abord, pour me présenter : je suis ici aujourd’hui, au nom de l’association SynLab, qui porte les deux , que j’ai rejointe depuis septembre 2021. Auparavant, j’étais inspecteur en charge d’une circonscription dans le département du Pas-de-Calais. C’est à ces deux titres que je m’adresse à vous, mais dans un premier temps avec peut-être davantage mon ancienne casquette professionnelle d’inspecteur car en écoutant les différentes interventions des tables-rondes, en particulier le bilan du système éducatif présenté par , j’ai eu envie de modifier légèrement mon propos en guise d’introduction.
En effet, dans le tableau qu’Éric Charbonnier dresse de l’École, chiffres à l’appui, et bien qu’il commence en présentant des éléments positifs, aucun corps de métiers (enseignant, personnel de direction, inspection) n’est épargné car en forçant un peu le trait, ce qu’on retient c’est que rien ne va, qu’il faut tout changer parce que le système éducatif en France accroît les inégalités. Dès lors, la question qui se pose, c’est comment peut-on changer, comment conduire le changement ?
Éric Charbonnier a signalé, bien qu’en la tempérant, la forte résistance au changement constatée chez les acteur·trice·s de l’École en France, et cela m’a donné envie de partager une expérience personnelle en commençant par vous raconter comment j’ai raté le changement, l’accompagnement des équipes des enseignant·e·s et des directeur·trice·s d’école, comment j’ai réussi à générer de la résistance.
L’établissement et la conduite du changement
Je remonte huit années en arrière, quand je me retrouve jeune inspecteur, après avoir été formateur et avoir beaucoup travaillé sur les questions de climat scolaire. Ainsi, avec quelques collègues inspecteurs, nous voici en train de nous dire qu’il fallait vraiment aider les enseignant·e·s et les directeur·trice·s d’école à trouver des solutions pour améliorer ce climat scolaire qui est la clé d’une amélioration du système éducatif au service des élèves. Nous investissons donc dans ce travail énergie, force, motivation, en nous convaincant que nous allions trouver un levier pour aider celles et ceux qui font l’École au quotidien, c’est-à-dire les enseignant·e·s. Je passe les détails des deux ans de conception du projet… Finalement, en 2015-2016, nous sommes en mesure de tester une expérience qu’on intitule : « Démarche d’engagement : mon école est bienveillante et exigeante ». Or les résultats ne s’avèrent pas concluants.
Au bout d’un an, nous réunissons les participant·e·s à l’expérimentation et nous leur donnons la parole : c’est à ce moment-là que j’ai pris une énorme gifle en comprenant que notre démarche, dans son titre même, comportait tout ce qu’il fallait pour rater l’accompagnement des équipes. Pour ce qui est des marques d’engagement d’abord, les enseignant·e·s ont remarqué qu’en utilisant ce terme, implicitement, nous leur disions ne pas les trouver suffisamment engagé·e·s ; et le ressenti était le même s’agissant de l’expression « mon école est bienveillante et exigeante ».
il n’y a que celles et ceux qui font l’École au quotidien qui peuvent la transformer s’il y a besoin
En fait, nous avions tout réuni pour installer une résistance au changement. Il n’est pas possible de s’adresser à des enseignant·e·s en leur disant qu’il·elle·s ne sont pas assez engagé·e·s, bienveillant·e·s, exigeant·e·s, et qu’on va leur proposer des choses. Ce jour-là j’ai compris qu’il n’y a que celles et ceux qui font l’École au quotidien qui peuvent la transformer s’il y a besoin ; ce sont les enseignant·e·s en premier lieu, puis les directeurs et directrices d’école, les chef·fe·s d’établissement et l’ensemble des personnels qui accompagnent la vie des élèves. Cela m’a profondément transformé, a participé à ma transition professionnelle et c’est aussi pour cette raison que je me suis rapproché de l’association SynLab.
Reconnaître l’expertise et faire confiance
Il y a néanmoins des apprentissages plus profonds à cette malheureuse expérience.
D’abord, la conscience qu’il faut commencer par reconnaître le travail et l’expertise professionnelle des enseignant·e·s au sein de l’établissement scolaire – et cette reconnaissance, nous en avons parlé, ne passe pas uniquement par la revalorisation du salaire.
Deuxième point – qui en est un peu la conséquence –, cela implique comme postulat le fait que les enseignant·e·s sont des praticien·ne·s compétent·e·s et, comme n’importe quel artisan sait le faire, il faut leur permettre de se réunir pour des échanges de pratiques, pour partager les savoirs et savoir-faire professionnels qu’il·elle·s mettent en œuvre pour aider les élèves à réussir.
Un tel postulat suppose de faire confiance, et je voudrais citer
qui disait : « dès que les professeurs commencèrent à le traiter en bon élève, il le devint véritablement : pour que les gens méritent notre confiance, il faut commencer par la leur donner ». Je pense qu’il faut commencer par là si l’on veut changer et transformer le système éducatif. Et changer le système éducatif, ça veut dire toucher aux pratiques pédagogiques, il n’y a pas de secret, si on veut faire mieux réussir les élèves, c’est en classe que ça se passe majoritairement. Si on veut faire ça, il faut faire confiance à celles et ceux qui en ont la mission. C’est-à-dire les enseignant·e·s.Marcel Pagnol (…) disait : « dès que les professeurs commencèrent à le traiter en bon élève, il le devint véritablement : pour que les gens méritent notre confiance, il faut commencer par la leur donner ». Je pense qu’il faut commencer par là si l’on veut changer et transformer le système éducatif.
La confiance doit se donner sans contrepartie, et c’est assez facile à comprendre : personne ici n’accepterait d’accompagner quelqu’un en qui il·elle n’a pas confiance sur un chemin inconnu de randonnée. Si je ne vous connais pas, si je ne vous fais pas confiance, je ne vous suivrai pas. Pour vous suivre sur un chemin qui ne m’est pas connu, sur lequel il y aura peut-être des dangers, j’ai vraiment besoin de vous faire confiance. En fait, le développement professionnel continu tout au long de la vie, comme tout ce qui relève d’une formation, d’un apprentissage, c’est une mise en danger. Apprendre est une mise en danger par définition, c’est sauter dans le vide vers un inconnu, vers un ailleurs inconnu.
il y a un lien très fort entre le travail collaboratif et le bien-être professionnel.
Enfin, il y a une autre question, toujours en lien avec le propos d’Éric Charbonnier : il nous invitait à développer les pratiques collaboratives en établissement, pointant même que les chef·fe·s d’établissement étaient très éloignés de leurs équipes. Pour conclure, je remarquerai qu’il y a un lien très fort entre le travail collaboratif et le bien-être professionnel.