Ukraine : une exposition de photographies montée par la Maison des journalistes sur une idée de l'Institut polonais à Paris, en partenariat également avec le Centre culturel ukrainien et la Communauté des Bélarusses à Paris.
L’Ukraine à l’honneur à la Maison des journalistes (MDJ)
«
», tel est le titre de l’exposition d’une dizaine de photographies réalisées par , installée sur la façade de la Maison des journalistes, rue Cauchy, à Paris. L’inauguration a eu lieu le 3 mai dernier, dans le cadre de la Journée mondiale de la liberté de la presse.À partir d’aujourd’hui, mardi 10 mai, une version plus développée de cette exposition est visible sur les grilles de l’Hôtel de Ville de Paris, rue de Rivoli.
L’Ukraine, à la croisée de dates historiques
Dans les discours prononcés à l’occasion du vernissage de cette exposition – une sélection de clichés pris par Justyna Mielnikiewicz, photojournaliste polonaise qui documente la vie quotidienne en Ukraine depuis 2004 – ont résonné plusieurs dates : le 24 février 2022 (agression de l’Ukraine par la Russie) ; le 7 octobre 2006 (assassinat de la journaliste russe
C’est peu dire que le retour sur des dates symboliques de notre histoire, évoquées au sein de la Maison des journalistes, association créée pour venir en aide aux professionnel·le·s des médias contraint·e·s de s’exiler parce qu’empêché·e·s de faire leur métier dans leur pays d’origine, prend une ampleur particulière dans les circonstances actuelles !
L’Ukraine photographiée par Justyna Mielnikiewicz : une exposition solidaire
En ouverture de cette journée du 3 mai dédiée à la liberté de la presse, la directrice de la Maison des journalistes,
a souligné que cette exposition répondait à deux objectifs : exprimer la solidarité avec la population ukrainienne et saluer le travail des professionnel·le·s des médias qui risquent leur vie pour relayer les faits.Le travail réalisé par Justyna Mielnikiewicz, a-t-elle précisé, fait écho à celui de la plupart des journalistes que nous accueillons à la Maison des Journalistes. Comme celle de Justyna Mielnikiewicz, leur démarche est de documenter le monde, nos sociétés, leurs évolutions et leurs régressions.
La Maison des journalistes, d’un conflit à l’autre
Le journaliste
, président de la Maison des journalistes, a inscrit cette initiative dans un cycle d’expositions de même format, avec « » (9 septembre-21 octobre 2021) ou encore, en mai 2015, « », exposition de photographies du Syrien (alors résident de la MDJ)… En sorte, que la Maison des journalistes « est un peu le reflet des conflits dans le monde ».Conflits qui en chassent d’autres dans l’actualité sans que les situations humanitaires soient pour autant réglées positivement dans les pays touchés par ces crises. Ainsi, depuis le déclenchement de la guerre en 2011, une trentaine de journalistes syriens sont passés par la MDJ, et depuis le retour des talibans au pouvoir en août 2021, dix journalistes afghans y sont résidents ou domiciliés.
Pour eux, comme pour la plupart des journalistes qui demandent le statut de réfugié, un retour dans leur pays d’origine à court ou moyen terme est totalement inenvisageable.
En revanche, il n’y a eu aucune demande d’asile ou d’hébergement à la MDJ de la part de journalistes ukrainiens : ceux-ci restent dans leur pays pour couvrir la guerre au péril de leur vie (cinq d’entre eux ont été tués dès le premier mois de conflit). Cependant, la MDJ (lire ci-dessous, La MDJ a 20 ans) est consultée par différents partenaires pour son expertise en matière d’hébergement de journalistes réfugié·e·s, journalistes ukrainien·ne·s mais aussi russes.
Eux, pour le coup, ne peuvent plus du tout exercer librement leur métier dans leur pays où employer le terme de guerre peut les conduire directement en prison ou les rend passibles de très fortes amendes. Il y a environ 200 journalistes russes qui ont quitté leur pays depuis le début de la guerre, donc ceux qui veulent travailler librement sont aussi parmi les victimes de ce conflit. Dans son rapport publié à l’occasion de cette Journée mondiale de la liberté de la presse, Reporters sans frontières classe la Russie au 155e rang mondial sur 180. Les journalistes ukrainiens et russes sont les bienvenus ici, c’est leur maison.
Être ukrainien, le choix d’être libre
La parole de
, ambassadeur d’Ukraine en France, a suscité un grand moment d’émotions et de tensions tant les nouvelles qu’il a relayées de la guerre dans son pays étaient terrifiantes. Il a commencé par désigner la plaque fixée dans le hall de la MDJ – baptisé « » en l’honneur de la journaliste tombée pour la liberté de la presse – en demandant si nous savions à quoi correspondait la date du 7 octobre : « Bien sûr, c’est la date de la mort d’Anna Politkovskaïa, mais c’est aussi la date d’anniversaire de Vladimir Poutine. Anna était une ennemie personnelle de Poutine. Les assassins ont fait ce cadeau pour l’anniversaire de Vladimir Poutine. Avant, personne ne pouvait imaginer un tel cadeau barbare. Maintenant, aucun doute. »Vadym Omelchenko insiste sur la durée des combats puisqu’à la date du 3 mai 2022, la guerre en est à son 69e jour alors que les experts internationaux prédisaient que cela se terminerait en trois jours. Environ 13 millions de gens contraints de quitter leur foyer, et des réfugiés, des combattants séparés de leur famille, qui gardent néanmoins le moral…
Ce moral, ce courage, cet esprit ukrainiens, sans doute vous pouvez les voir dans les photos de Justyna Mielnikiewicz, la photodocumentaliste polonaise qui risque sa vie en restant sur le terrain en Ukraine pour faire son devoir professionnel : porter la vérité au monde. Quand je dis qu’elle risque sa vie, il ne s’agit pas d’une simple métaphore.
Et de rappeler l’exécution par les Russes du photographe
, qui n’a pas succombé sous les bombes mais a été emmené en forêt, alors que le mot Presse figurait sur sa tenue, pour être abattu d’une balle dans la nuque.Maintenant, tout le monde nous pose la question : mais comment est-ce que vous y arrivez ? Qu’est-ce que c’est que cet esprit ukrainien ? Je réponds : être ukrainien, c’est le choix d’être libre. Et c’est très bien illustré dans les œuvres de Justyna.
L’exposition « Portrait(s) d’une résistance. Ukraine 2004-2022 », montée le 3 mai 2022 à l’occasion de la Journée mondiale de la liberté de la presse, permet aussi de marquer le vingtième anniversaire de la Maison des journalistes, structure unique au monde, créée par la journaliste
et le réalisateur , pour héberger et accompagner des professionnels des médias en exil : journalistes de presse écrite, de radio ; photojournalistes ; dessinateurs de presse ; blogueurs ; fixeurs…Le 3 mai à l’Hôtel de Ville de Paris, ce sont 21 journalistes, dont 10 Afghans, représentants de la promotion 2022 des résidents et résidentes de la MDJ, qui ont reçu le certificat de citoyen·ne de la Ville de Paris – une promotion parrainée par
, fondateur des Assises internationales du journalisme qui sont un important partenaire de la MDJ.Rappelons que la MDJ, outre l’accueil, l’hébergement, l’accompagnement de professionnels des médias en exil, remplit des missions de service public à travers différents dispositifs d’éducation aux médias et à l’information, de sensibilisation aux valeurs républicaines et aux principes démocratiques. Elle est ainsi une partenaire précieuse de l’Éducation nationale, et intervient aussi auprès de la Protection judiciaire de la jeunesse ou de l’Enseignement supérieur.
Sensible à l’action quotidienne de la Maison des journalistes (lire l’interview de Darline Cothière) en faveur des professionnel·le·s des médias en exil et à son engagement pédagogique auprès des jeunes, le Sgen-CFDT relaie son actualité en lui donnant à plusieurs occasions la parole et en insérant à titre gratuit des appels à dons pour la soutenir dans Profession Éducation. Pour soutenir la MDJ.
« Depuis 2004, Justyna Mielnikiewicz, photographe polonaise installée à Tbilissi (Géorgie), documente l’Ukraine, ce qui fait de son travail un projet unique de long terme sur le pays. En février 2022, elle revient en Ukraine pour continuer son projet et c’est là, à Dnipro, qu’elle est surprise par l’invasion russe et la guerre qui éclate le jeudi 24 février. Face à cet événement, elle décide d’y poursuivre son travail et de documenter les trois premières semaines de la guerre, entre autres à Lviv, à Kyiv et à Dnipro. », lire la suite sur le site de la Maison des Journalistes (cf. Ressources complémentaires).
À côté de sa production pour les médias, Justyna Mielnikiewicz poursuit des projets personnels de long terme qui donnent lieu à des publications. Ainsi de Ukraine Runs Through it (2019), ouvrage présélectionné parmi les vingt meilleurs livres par Paris Photo et Aperture.
Sur l’exposition, la genèse du projet de Justyna Mielnikiewicz consacré à l’Ukraine et à ses habitants, lire le communiqué de presse dans Ressources complémentaires.