Déclaration liminaire lue au CSAMEN du 16 mai 2023
Depuis le mois de janvier, 13 journées nationales d’action intersyndicale massives ont démontré l’opposition de la population à la réforme des retraites et singulièrement au report de l’âge légal de proposé par moi départ à la retraite.
Pour la CFDT, 64 ans, c’est toujours non. La promulgation de la loi n’enlève rien à notre conviction qu’en matière de retraite, l’égalité se fait par la durée de cotisation. Il n’était nullement besoin de mettre en œuvre une mesure injuste et brutale pour préserver le système de retraites par répartition auquel nous tenons. La CFDT continuera d’en faire la démonstration, comme elle continue de s’opposer à la réforme. Elle continuera de permettre aux travailleurs et travailleuses de tous les champs professionnels de parler de leur travail pour continuer à démontrer toutes les conséquences néfastes de cette mesure.
Il est d’autres sujets pour lesquels l’exécutif prend les sujets à l’envers et ignore, voire nie les réalités vécues par les travailleurs et travailleuses.
Un état employeur défaillant
C’est singulièrement le cas pour celles et ceux qui mettent en œuvre les politiques publiques.
L’État employeur serait bien en peine de mettre en œuvre les préconisations des garants des assises du travail tant il leur tourne le dos.
Donner de l’autonomie, de la responsabilité, de la reconnaissance, associer les travailleurs et travailleuses aux processus de décision et à la conduite du changement dans une articulation entre dialogue professionnel en proximité des situations de travail et dialogue social, cela relève de l’utopie quand on observe le fonctionnement réel de nos services, écoles et établissements scolaires.
Que deviendront dans notre ministère les préconisations pertinentes pour la fonction publique alors que se poursuit la logique qui consiste à lancer des réformes d’ordre pédagogique ou administratif sans égard aux effets sur le travail des personnels, sans temps identifié pour un dialogue professionnel, sans capacité à reculer ou réorienter quels que soient les arguments de celles et ceux qui font le travail, et de leurs représentants syndicaux ?
Résultat : cela alimente l’épuisement professionnel, la défiance, les risques psychosociaux et la désaffection pour l’ensemble des métiers de notre ministère qui font l’École au quotidien.
Donnons-en quelques illustrations.
La réforme de la 6ème avec l’annonce brutale de la fin de l’enseignement de technologie met en insécurité les professeurs de technologie, et aboutit in fine à transférer une partie du programme de l’enseignement intégré de sciences et de technologie sur le programme de CM2, tout en attendant des professeur.e.s des écoles qu’ils et elles interviennent en 6ème pour du soutien en mathématiques et en français.
La réforme de la voie professionnelle est annoncée dans des termes qui là aussi placent en insécurité les personnels de lycée professionnel, et sont reçus comme méprisants quand le ministre évoque le fait que les PLP dont les sections ferment pourront devenir professeurs des écoles ou enseignant en collège (mais pas en lycée général ou technologique, comme une négation de leurs compétences professionnelles).
S’ajoute la confusion sur la nature des informations disponibles sur site « Inserjeunes » avec la mention “formation fermée” sans cohérence avec la carte des formations professionnelles qui n’a été corrigée qu’après nos interventions. Cela a donné l’impression à nombre de collègues que la carte des formations était bouleversée au-delà de ce qui avait été déjà présenté dans les instances de dialogue social.
Du côté des personnels administratifs, les transformations sont, là aussi, conduites d’une manière qui met en souffrance bon nombre d’agents et de collectifs de travail.
Nous l’avons évoqué précédemment avec la mise en place au pas de charge de l’application RenoiRH. Des insuffisances subsistent, son déploiement suppose une montée en compétence qui déstabilise les agents parce qu’elle supposerait d’y consacrer du temps quand ils n’en ont pas.
C’est le cas d’Op@le pour lequel nous lançons ici une alerte maximum. Les collègues que nous avons interrogé.e.s mettent en avant des risques psychosociaux très élevés, une part du service n’est parfois plus rendue et quand cela impacte les élèves et leur famille comme cela a été le cas pour les bourses à Créteil, on atteint l’inacceptable.
Parier sur la seule évolution de la qualité de l’outil ne suffira pas. Les formations en distanciel doivent s’accompagner d’autres temps plus formels et d’un accompagnement au plus près des adjoints gestionnaires. Et quand bien même, la nouvelle application Op@le donnera-t-elle un jour satisfaction ? C’est une question que l’on peut se poser lorsqu’on interroge des agents pourtant déjà très impliqués qui déclarent que l’outil dénature leur travail jusqu’à le rendre inintéressant.
Sur ces deux outils, la question est là encore celle des moyens : l’accompagnement au changement demande des moyens supplémentaires, ils ne sont pas là et une fois encore, on compte sur la bonne volonté des agents.
Lors de la conférence nationale du handicap, des annonces ont été faites à la population qui auront un impact sur le travail des agents du ministère. Quand aurons-nous un dialogue social structuré sur les conditions de mise en œuvre de l’École inclusive en cherchant à construire, enfin, l’amélioration des conditions de réalisation de l’école inclusive ?
Pour le Sgen-CFDT, penser l’École inclusive, ce n’est pas seulement viser l’inclusion des élèves à besoins éducatifs particuliers, tout en les pensant de fait comme des empêcheurs de continuer dans le sens d’une école de la performance et de la compétition permanente, et pour certains de l’entre soi puisque l’exécutif semble avoir renoncé à une politique ambitieuse de mixité sociale et scolaire.
Les agents sont placés face à des attentes contradictoires : d’un côté réussir l’inclusion, qui suppose de pouvoir mettre en œuvre la différenciation pédagogique, de l’autre, on s’ingénie à alourdir les programmes d’enseignement, à introduire des consignes sur la manière d’enseigner tellement précises qu’on assèche la possibilité même de différencier.
Ici, comme dans le déploiement des outils informatique RH et de gestion et d’intendance, on finit par stériliser les métiers.
Au cours de cette même conférence, le président de la République annonce la transformation des métiers AED et AESH sans plus de précisions, mesure éloignée des attentes et des besoins de nos collègues. AED et AESH : des personnels qu’on balade d’ajustements en ajustements de leur statut, de l’étendue de leurs missions et fonctions. Sans compter le manque de moyen pour une gestion plus réactive et respectueuse de leurs situations.
Nous arrêtons là nos illustrations, nous nous sommes exprimés sur la réforme ratée du baccalauréat et du lycée dans les voies générales et technologiques et leurs effets délétères sur le sens du travail pour les personnels.
Une spirale négative
Le ministre, comme son prédécesseur, dit vouloir améliorer l’attractivité des métiers. Pap Ndiaye a voulu faire des mesures salariales pour les enseignants le levier d’un choc d’attractivité. Nous y reviendrons lors du CSAMEN du 31 mai qui examinera les textes relatifs aux mesures retenues.
Le gouvernement a répondu favorablement à une demande du Sgen-CFDT en doublant l’ISOE part fixe, l’ISAE, en augmentant les indemnités équivalentes des CPE et PsyEN. Cela permet enfin d’avoir des mesures d’effet immédiat sur la rémunération de toutes et tous. Pour autant, sans d’autres mesures de niveau fonction publique sur la valeur du point d’indice, et dans un contexte d’inflation forte et durable, ces mesures n’enrayent pas la perte de pouvoir d’achat récente qui s’ajoute à celle de la perte relative du pouvoir d’achat des enseignant.e.s depuis plusieurs décennies.
Quant au pacte, qui n’est pas une revalorisation, vous connaissez l’opposition du Sgen-CFDT. Nous rejetons la logique du « travailler plus pour gagner plus ». Les mesures décidées par le gouvernement sont de nature à aggraver encore l’intensification et l’individualisation du travail dans les écoles et les établissements.
Dans un contexte de crise du recrutement, et pas seulement chez les enseignants, crise qui s’installe dans la durée, s’approfondit et s’étend à davantage de métiers, la perte de sens du travail, la dégradation des conditions de travail et la perte de pouvoir d’achat se combinent tristement et le système éducatif est sans doute déjà entré dans une spirale négative.
Pour le Sgen-CFDT, il faut un sursaut et construire des politiques cohérentes et durables de rémunération, d’organisation du travail, de qualité de vie au travail, de formation et d’accompagnement des agents.
C’est indispensable non pas pour susciter des vocations, mais pour attirer des professionnel.les du service public d’éducation.