La question du changement climatique et du développement durable est essentielle à aborder au sein de la société et l'éducation a un rôle majeur à jouer en la matière. L'internationale de l'éducation s'est emparé du sujet en lançant une campagne "Teach for the planet" : Interview de Rebecca Logan.
En lançant en septembre dernier une campagne de sensibilisation afin que les questions du changement climatique et du développement durable soient au cœur des préoccupations des États et plus particulièrement en termes d’éducation, l’Internationale de l’Éducation a posé des axes de réflexion importants pour les syndicats affiliés.
Le Sgen-CFDT est allé à la rencontre de Rebeca Logan, Responsable à l’IE de cette campagne pour comprendre l’intérêt de cette campagne.
Pourquoi avoir lancé cette campagne ?
Les éducateurs du monde entier sont préoccupés par le changement climatique et son impact depuis de nombreuses années. Ils ont participé à des marches avec leurs élèves et ont travaillé au sein de leurs syndicats pour faire pression en faveur d’une action contre le changement climatique. La campagne « Enseigner pour la planète » porte ces efforts au niveau mondial.
Nous exigeons une action urgente pour lutter contre le changement climatique et nous demandons à tous les gouvernements d’exploiter véritablement le pouvoir de l’éducation dans cette lutte pour l’avenir de notre planète et de nos enfants.
Enseigner pour la planète vise à garantir que l’éducation climatique, basée sur la science et axée sur l’action civique, devienne aussi fondamentale que l’enseignement de la lecture et de l’écriture.
Le Manifeste de l’Internationale de l’Éducation, à l’origine de la campagne, a été élaboré en collaboration avec les syndicats de l’éducation du monde entier. Il expose la vision de notre profession, à savoir une éducation de qualité au changement climatique pour tous, ainsi que les moyens d’y parvenir.
Partout, les éducateurs défendent la planète et leurs élèves. Nous avons un rôle crucial à jouer en matière d’action climatique. Ce que nous enseignons est important. La survie de nos élèves est importante. Nous devons inciter les élèves et les communautés à agir.
Quels sont les effets attendus sur les systèmes éducatifs dans les pays possédant des syndicats affiliés ?
L’éducation doit être transformée pour catalyser la lutte contre le changement climatique et soutenir une transition juste vers un monde plus durable.
Ce changement systémique profond implique plusieurs étapes détaillées dans le Manifeste de l’Internationale de l’Éducation sur l’éducation climatique de qualité pour tous.
Nous devons actualiser les programmes d’études pour que le changement climatique soit abordé dans toutes les matières, à tous les niveaux d’enseignement, de l’école maternelle à l’enseignement supérieur.
Il ne suffit pas d’aborder le sujet en classe de sciences. Pour vraiment comprendre le défi à relever et se sentir habilités à agir, nos élèves doivent connaître les causes du changement climatique, la science de ce qui se passe, les conséquences sociales et économiques, l’injustice, mais aussi les solutions. Les modes de vie durables doivent faire partie de nos programmes d’études. La citoyenneté active doit également occuper une place prépondérante.
La formation des enseignants doit également être modifiée pour inclure l’éducation au changement climatique. L’Internationale de l’éducation et l’UNESCO ont mené une enquête auprès de plus de 58 000 enseignants dans le monde qui a montré que 90 % des enseignants souhaitent enseigner le développement durable et la citoyenneté mondiale, mais qu’un enseignant sur quatre ne se sent pas préparé à le faire. La formation initiale et la formation continue des enseignants doivent leur permettre d’acquérir les connaissances, les compétences et la confiance dont ils ont besoin pour aider leurs élèves.
Agir sur l’humain ne suffit pas, que faire également pour le bâti scolaire ?
Nous devons également nous pencher sur nos écoles et nos établissements d’enseignement. Nos environnements d’apprentissage doivent être transformés pour permettre une éducation de qualité au changement climatique.
Les infrastructures éducatives doivent être vertes, économes en énergie et résistantes au changement climatique, surtout si l’on considère tous les phénomènes météorologiques extrêmes que le monde a connus, de la chaleur extrême aux inondations et à l’élévation du niveau des mers. Tous ces phénomènes ont un impact sur l’éducation. Même dans les pays européens, généralement à l’abri des pires effets du changement climatique, nous avons vu des températures extrêmes perturber l’enseignement dans des écoles qui n’ont pas été construites pour ces conditions.
Les syndicats de l’éducation et les étudiants doivent participer à l’élaboration de politiques efficaces en matière d’éducation climatique de qualité. Le dialogue politique avec les gouvernements est primordial.
Pour que tous ces changements soient mis en œuvre, les gouvernements doivent investir dans l’éducation publique, car tous les élèves ont le droit d’acquérir les connaissances, les compétences et les attitudes nécessaires pour préserver notre monde pour les générations actuelles et futures, et ils ont le droit de recevoir une éducation qui les prépare au monde du travail dans une économie verte. C’est ce que demande notre profession dans le cadre de la campagne Enseigner pour la Planète, mais aussi plus largement dans le cadre de la campagne Ensemble pour le Public ! que nous avons lancée en début d’année.
Quels retours avez-vous à ce jour autour de cette campagne ?
Les réactions des syndicats de l’éducation, des enseignants, des étudiants et des organisations internationales ont été fantastiques. L’élan en faveur de l’éducation en tant que composante essentielle de toute stratégie d’action climatique s’intensifie. Nous l’avons constaté entre la COP26 et la COP27 : l’éducation a pris une place plus importante dans l’ordre du jour de ces conférences importantes. Toutefois, comme le montre notre étude, il reste encore beaucoup à faire, mais nous sommes sur la bonne voie et nous devons continuer à faire pression pour que les choses changent.
Comment l’Internationale de l’Éducation travaille sur ces sujets avec les syndicats affiliés
Le cœur de la campagne est le Réseau Climat de l’Internationale de l’Éducation – un groupe de représentants de syndicats de l’éducation du monde entier qui se réunissent régulièrement pour partager leur travail et leurs idées, s’informer et s’inspirer mutuellement. Chaque réunion du réseau compte plus de 70 participants de tous les continents, tous désireux de faire changer les choses.
Le niveau d’engagement est phénoménal. Nous avons vu des membres du réseau climatique représenter notre profession à la COP et à d’autres événements mondiaux, mais aussi participer aux conférences des uns et des autres pour partager et apprendre. Le réseau est ouvert à toutes les organisations membres de l’Internationale de l’Éducation, alors n’hésitez pas à nous contacter à l’adresse teachfortheplanet@ei-ie.org.
En 2022, l’IE a mené des recherches afin de mieux comprendre comment les membres s’engageaient dans le concept d’une transition juste dans l’éducation. Nous avons constaté que de nombreux membres de l’IE estimaient que l’adaptation dans le secteur de l’éducation était essentielle pour garantir la santé et la sécurité au travail et des conditions de travail décentes pour les éducateurs dans le contexte de l’aggravation des impacts climatiques et de l’augmentation de la fréquence des événements météorologiques extrêmes. Nous avons également constaté que certaines organisations membres de l’IE incluent déjà les questions liées au changement climatique dans le dialogue social et politique avec leurs gouvernements.
Comment s’organise cette mutualisation et pour quoi faire ?
L’IE aide également les organisations membres à partager leurs stratégies et leurs expériences en matière de campagne pour que les établissements d’enseignement et les fonds de pension des enseignants se désengagent de l’industrie des combustibles fossiles et veillent à ce que leurs propres ressources syndicales soient investies de manière durable.
Nous espérons créer un élan et soutenir les syndicats de l’éducation du monde entier pour qu’ils prennent des mesures en faveur du désinvestissement.