Le Sgen-CFDT a été reçu jeudi 30 novembre au ministère de l'Enseignement supérieur et de la recherche et de l'innovation, avec les autres organisations syndicales. Si nous sommes enfin rassurés sur le pilotage par les deux ministères de ce sujet, pour le Sgen-CFDT, les questions restent nombreuses.
Les organisations Snesup-FSU, FO ESR, Sud, Sgen-CFDT, CGT-FERC Sup et Unsa Sup Recherche avaient interpellé la Ministre Sylvie Retailleau par un courrier du 14 novembre 2023 pour s’étonner et s’inquiéter de l’absence d’interlocuteurs de l’enseignement supérieur et de la recherche sur le pilotage du dossier de la nouvelle réforme de la formation des enseignant.e.s.
Oui, la formation des enseignants sera rémunérée pendant le master
Cette audience a confirmé le projet de déplacer le concours en licence avec le maintien d’une formation universitaire, niveau master dans le cadre des INSPE. Autre confirmation, ces deux années seront rémunérées.
Enfin, l’objectif affiché par les deux ministères est bien de maintenir un niveau de recrutement et de formation identique pour le premier et le second degré, à l’exception de l’agrégation qui n’est pas incluse dans le périmètre de la réforme.
Une fois que l’on a dit ça, de nombreuses questions subsistent sur les concours, le contenu de la formation en licence et en master, le rôle des INSPE.
Un calendrier impossible à tenir
La première session du concours rénové serait en 2025.
Les épreuves du concours devront donc être connues un an avant en juin 2024 afin que les candidats puissent s’y inscrire et s’y préparer.
Cette réforme va entrainer la modification de nombreux textes règlementaires qui devront être prêts dès le printemps 2024 pour entamer leur chemin de validation par les différentes instances.
Ce qui laisse trois mois tout au plus pour boucler une réforme qui touche fortement deux ministères avec des logiques à concilier : d’un côté le ministère de l’Éducation nationale avec une logique d’employeur, de l’autre le ministère de l’Enseignement supérieur qui va former les enseignant⋅e⋅s.
On voit mal comment les équipes universitaires pourraient construire des maquettes de licence pour permettre un affichage dans parcours sup dès cette année alors que les épreuves de concours ne sont toujours pas connues !
Le Sgen-CFDT demande que l’on se donne le temps de construire cette réforme pour qu’elle n’aboutisse pas à un nouvel échec.
Des concours difficilement professionnels en licence
Il n’y a eu aucune annonce sur les contenus des épreuves de ces nouveaux concours. Le DGRH a émis l’hypothèse que ces épreuves, replacées en fin de licence, seraient recentrées sur une dimension disciplinaire pour correspondre à des attendus de fin de premier cycle universitaire.
Le Sgen-CFDT demande des épreuves qui prennent en compte la dimension professionnelle du métier d’enseignant.e.
Cela implique que les licences intègrent des contenus professionnalisants, en lien avec les stages en écoles ou en établissements, dans le cadre de modules de préprofessionnalisation.
Le Sgen-CFDT s’inquiète de voir revenir une « année blanche » entre la L3 et le concours pour permettre aux candidat.e.s de préparer des épreuves trop éloignées du contenu de leur licence d’origine. On ne peut pas demander l’impossible aux étudiant.e.s : valider un diplôme universitaire, effectuer des stages, préparer et réussir un concours.
La nécessaire harmonisation entre épreuves de recrutement et contenus de formation est à nouveau posée. Elle reste la principale source de tension dans toute tentative de réforme.
Des licences spécifiques, mais à moyens constants
Le Sgen-CFDT a alerté le MESRI sur le risque d’un télescopage entre formation universitaire, d’une part et préparation à des épreuves de concours de recrutement, d’autre part. Une licence n’a pas vocation à préparer des épreuves de concours.
Pour le second degré, et dans la mesure où il n’y a pas de remise en cause des compétences attendues d’un.e enseigant.e de collège et de lycée, les licences actuelles n’ont pas à être fondamentalement reprises.
Pour le premier degré, les choses sont plus complexes.
Le modèle PPPE (parcours préparatoire au professorat des écoles) que semble privilégier le MEN est un dispositif pour le moment très limité dans ses effectifs et onéreux. Il réduit le plus souvent l’université à un rôle de prestataire de service.
Cette dernière doit délivrer une licence alors que 50% du volume d’enseignement est assuré hors université par des équipes du second degré au lycée sur un cahier des charges DGESCO très contraint. Comment un tel modèle pourrait-il se généraliser ?
Un affichage dès Parcoursup est souhaitable pour favoriser des orientations vers le métier de professeur.e des écoles.
Pour autant, le SGEN-CFDT rappelle l’indispensable nécessité pour les étudiant.e.s de ne pas être enfermé.e.s dans des dispositifs tubulaires qui rendraient difficiles, voire impossibles, des réorientations vers d’autres métiers que ceux de l’Éducation nationale.
La caractéristique du métier de professeur des écoles est bien la polyvalence et elle doit pouvoir être traitée de façon satisfaisante dans les futurs parcours de licence, quels qu’ils soient.
Des attentes qui doivent converger en master
Le Sgen-CFDT craint de voir un master MEEF pris en étau entre un concours de recrutement à l’entrée et une titularisation à la sortie. Des questions se posent sur cette reconfiguration.
L’employeur avait déjà prescrit un cahier des charges de la formation en master MEEF en 2019. Sera-t-il encore d’actualité ? Quid des étudiant.e.s en master qui ne seront pas lauréat.e.s des concours et quid des lauréat.e.s qui auront déjà un M1 voire un master ? Quels dispositifs de formations prévoir pour eux ? Allons-nous voir revenir les « parcours adaptés » que nous avions connus quand les concours étaient en fin de M1 ? Que se passera-t-il en fin de M2 si l’étudiant.e ne valide son master mais qu’il/elle obtient sa titularisation. Et inversement ?
Il est indispensable que les attentes entre MESRI et MENJ convergent pour éviter de voir se répéter les graves dysfonctionnements de ces dix dernières années. Cet impossible consensus a empêché la bonne mise en œuvre de l’universitarisation de la formation. Les équipes pédagogiques et les étudiant.e.s ne peuvent plus affronter des injonctions trop souvent contradictoires qui conduisent à l’épuisement des formatrices et des formateurs et à l’accablement des étudiant.e.s et des stagiaires.
Nous restons très attachés aux différents stages comme un des éléments d’une formation universitaire en alternance. L’annonce du MEN de continuer à considérer ces étudiant.e.s comme des moyens d’enseignement est très préoccupante : les conditions ne seront pas assurées pour permettre aux étudiant.e.s de trouver des écoles et des établissements qui répondent aux enjeux de la formation avec des collègues formé.e.s, rémunéré.e.s et déchargé.e.s pour les accueillir et les accompagner.
Le chantier sur le déroulé du master reste entier.
Le rôle des INSPE à définir dans ce projet de réforme de la formation
Le Sgen-CFDT demande que l’actuel projet de réforme permette aussi de résoudre le problème de gouvernance posé dès 2013 avec la mise en place des ESPE. Le manque de représentation des collègues au sein du Conseil d’institut et le mode actuel de désignation du directeur ou de la directrice ne font pas de l’INSPE un espace suffisamment démocratique.
À ce jour, les INSPE ne sont accrédités qu’à porter des formations à partir du niveau master. Pour le MESRI, la question d’ « embarquer » ou non les INSPE dans le portage de licences est posée. C’est à la fois une question de tutelle à l’intérieur du MESRI mais aussi au sein des universités, en particulier quand l’INSPE académique recouvre plusieurs universités.
On ne sait donc toujours pas le rôle que pourront jouer les INSPE à partir de la rentrée prochaine dans le déploiement de nouvelles licences. Leur rôle de composante universitaire à part entière reste posé.
Le Sgen-CFDT demande à nouveau à être reçu de toute urgence par les deux ministères et par France Universités pour porter ses revendications sur ce dossier. Il y a urgence ! L’enjeu pour le Sgen-CFDT est bien de stabiliser, enfin, le dispositif de formation et de recrutement et de permettre à l’université d’y trouver toute sa place.