Lundi 17 février 2025, la CFDT Éducation Formation Recherche Publiques et la Fep-CFDT ont rencontré la ministre de l’Éducation nationale, Élisabeth Borne. Une fois de plus, les ministres passent, la CFDT persiste.
Une ministre attentive à nos revendications, qui a pris le temps d’écouter les deux fédérations CFDT de l’Éducation, en apportant quelques réponses à nos questions.
Un budget, des budgets : les enjeux budgétaires dans une perspective pluriannuelle
Pour les deux fédérations CFDT de l’Éducation, la dimension pluriannuelle est clé pour quasiment tous les enjeux de ce ministère et en particulier pour l’évolution des emplois et pour poursuivre la revalorisation salariale des agents dans tous les métiers.
Pour la CFDT, si la baisse démographique est réelle, il n’en reste pas moins que, selon l’OCDE, la France a un taux d’encadrement moins bon que dans d’autres pays. Aussi, il ne faut pas une politique du rabot, mais se redonner des marges pour améliorer les conditions de travail et les conditions d’apprentissage.
De plus, les évolutions démographiques sont contrastées sur le territoire. Il faut les regarder à différentes échelles, en tenant compte des enjeux démocratiques du maillage territorial, dans un travail avec les élus locaux. Il convient alors de comparer le nombre d’élèves par classe en rural, en urbain, en périurbain, entre le public et le privé sous contrat.
Dès le mois de septembre 2024, la CFDT a proposé l’organisation une convention citoyenne sur l’éducation notamment autour de ces enjeux majeurs de qualité du service d’éducation, et de son financement.
Nous avons demandé à la ministre une communication publique transparente sur les ventilations des emplois et des ouvertures / fermetures de classes entre public et privé. En effet, les pertes de postes touchent les deux secteurs. Concernant le privé sous contrat, les critères retenus sont non seulement liés à la démographie mais aussi à l’IPS, comme le demande la CFDT. Ainsi, pour la rentrée 2025, les académies comme Paris dans lesquelles on constate que les établissements privés sous contrat ont un IPS plus élevé perdent davantage d’emploi que des académies comme Lille avec un IPS plus bas.
L’urgence d’améliorer les conditions de travail des agents

Les deux fédérations CFDT de l’Éducation constatent un état moral inquiétant des agents : à la fois fiers de leurs missions, ils sont souvent en état d’épuisement professionnel. Nous insistons auprès de la ministre sur l’impérieuse nécessité de redonner du sens au travail, de mieux reconnaître le travail des agents. Pour la CFDT, redonner de l’attractivité aux métiers passe par plusieurs leviers que sont la rémunération, les conditions de travail, la qualité de vie au travail.
Il y a urgence, alors que les revalorisations sont mises à l’arrêt pour la plupart des agents, et alors que les indicateurs relatifs à la santé, la sécurité et aux conditions de travail se dégradent.
Nous avons salué l’ouverture des travaux en vue de la négociation d’un accord sur la qualité de vie et les conditions de travail pour tous les agents, pas seulement les enseignant∙e∙s. Les thématiques ouvertes à la discussion sont importantes pour les agents :
- renforcer la prévention de la santé et de la sécurité au travail,
- accompagner les parcours professionnels,
- accompagner l’animation des collectifs de travail et l’évolution de l’organisation du travail,
- développer l’accompagnement social des personnels,
- accompagner les transitions environnementales et numériques.
La CFDT Éducation Formation Recherche Publiques demandait l’ouverture de telles négociations depuis plusieurs années. Reste qu’il faudra que le ministère trouve la méthode pour prendre en compte des spécificités du privé sous contrat. Pour la Fep-CFDT, il serait inacceptable que les agents exerçant dans l’enseignement privé sous contrat ne bénéficient pas de la négociation QVCT qui s’ouvre aussi au niveau fonction publique, le ministère doit imposer aux établissements privés une démarche qui relève de leur responsabilité sociale.
Nous avons de nouveau soulevé la question des dysfonctionnements des applications numériques (RenoiRH, Op@ale, LSU). Ces dysfonctionnements ont des conséquences néfastes pour de nombreux agents : travail empêché, voire détruit, inflation de la charge et du temps de travail pour compenser les dysfonctionnements, le tout sans aucune reconnaissance. Nous avons de nouveau demandé à la ministre de structurer un dialogue social qui ne se limite pas aux questions techniques, et avec pour but à la fois de reconnaître le surtravail subi par les agents et de prendre les mesures utiles pour que ces dysfonctionnements ne se reproduisent plus.
Nous avons rappelé le bilan inquiétant de la formation spécialisée ministérielle qui montre un recul alarmant de la mise en place des Duerp et des registres santé Sécurité au travail, une baisse inquiétante du nombre d’assistant.e.s de prévention. Ces trois éléments, s’ils étaient correctement déployés permettraient d’apporter un certain nombre de réponses aux collègues et aux collectifs de travail. La CFDT a de nouveau dénoncé l’absence de médecine du travail et demandé que des solutions soient recherchées du côté de la médecine de ville pour que les droits des agent.e.s en santé puissent être effectifs.
Concernant la protection sociale complémentaire, la CFDT a rappelé qu’elle devait être mise en place au 1er janvier 2025 selon les termes de l’accord interministériel, et déplore le report d’un an et demi. Ce report constitue un manque à gagner qui doit être compensé.
Aussi, la CFDT réclame de nouveau que la prise en charge passe de 15 à 30 euros avec effet rétroactif au 1er janvier 2025.
La formation initiale et continue des personnels
Il a enfin été longuement question du chantier de la formation initiale et du recrutement des enseignants et CPE que la ministre rattache à la question de l’attractivité. La CFDT a rappelé ses exigences :
- pas de décrochage entre les premier et second degrés,
- confirmation du lien avec l’enseignement supérieur et la recherche dans la construction de la réforme et dans la formation,
- nécessité de travailler sur tous les aspects de la réforme et pas uniquement sur la place du concours.
La ministre a rappelé que, pour elle, c’était une réforme coûteuse en argent et en emplois, elle l’évalue à 20 000 postes, mais qu’elle estime nécessaire pour redonner de l’attractivité aux carrières enseignantes. Elle souhaite repartir là où le projet s’était arrêté en juillet. La formation initiale se fera bien dans le cadre universitaire. La ministre souhaite une mise en œuvre pour la session 2026 donc mise en œuvre à la rentrée 2025.

A propos de la formation continue, nous avons rappelé que les formations hors du temps d’enseignement posaient des problèmes tant sur l’articulation vie professionnelle et vie privée que sur l’efficacité de module en visio à des heures tardives. Pourtant, la formation est essentielle et doit être pleinement reconnue comme étant du travail et donc intégrée à l’organisation du travail au sein du temps de travail, et ce pour tous les métiers.
La question du compte personnel de formation a été aussi abordée. En effet, cela doit être un réel droit individuel, mais en pratique, il est très peu utilisable car le rectorat met des freins sur le choix des formations en catalogue et sur son financement. Pourtant, il est essentiel que chaque agent puisse avoir son propre parcours professionnel. C’est dans cet optique que la CFDT a demandé la poursuite de l’amélioration des mobilités des enseignant∙e∙s du privé sous contrat : certes, ils peuvent passer certains concours, mais ils doivent aussi pouvoir accéder, comme les collègues du public, aux concours de personnel de direction ou d’inspecteur par exemple. Nous avons souligné l’importance de faire évoluer la culture administrative sur les mobilités professionnelles : trop de nos collègues dans l’enseignement public sont entravés dans leurs parcours au point d’en venir à un abandon de poste complet. Pour la CFDT, ce n’est pas ainsi qu’on améliore l’attractivité des carrières.
Par ailleurs, la CFDT Éducation Formation Recherche Publiques a eu la confirmation que des assises de la santé scolaire allaient bientôt se tenir. Sans plus de précisions à ce stade, nous avons insisté pour que les organisations syndicales représentant tous les personnels concernés soient associés à leur préparation. Nous demandons audience à la conseillère ministérielle en charge de la santé scolaire à ce sujet.
Dans les prochains jours, nous transmettrons notre contribution syndicale à la concertation sur l’orientation, et là aussi la CFDT rencontrera les conseillers ministériels auprès d’Élisabeth Borne et Philippe Baptiste en charge du dossier de l’orientation.
Remettre les politiques éducatives à l’endroit, celui de la justice sociale et de l’émancipation
La CFDT a rappelé sa satisfaction suite à l’adoption et à la publication du programme d’éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle (EVARS). Cela constitue une avancée majeure concernant la protection de l’enfance, la lutte contre les violence et pour l’égalité entre les femmes et les hommes. Les programmes doivent dorénavant s’appliquer. La CFDT a rappelé son exigence de protection des personnels qui mettent en œuvre l’EVARS contre les pressions et intimidations souvent orchestrées par des groupes réactionnaires et d’extrême-droite. Nous avons aussi demandé que les agents bénéficient d’une formation en présentiel, assurée dans le cadre des écoles académiques de la formation continue (EAFC). C’est d’autant plus important dans l’enseignement privé sous contrat où l’on craint une volonté de mainmise de l’Enseignement catholique sur ces formations, comme pour celles sur la laïcité. La CFDT a rappelé que le contrôle des établissements privés sous contrat est essentiel, et doit être renforcé. Pour la FEP-CFDT, il n’est pas acceptable que des formations à la laïcité soient réalisées par des clercs, il ne le serait pas davantage que les formations relatives à la mise en place de l’EVARS soient sujettes à une interprétation biaisée par les établissements confessionnels.
Pour la CFDT, la refonte des programmes liée au « choc des savoirs », ne convient ni dans la forme ni dans le fond. Il est nécessaire de revenir à de réelles consultations comme avant la période Blanquer, dans lesquelles le ministère prend le temps de réels échanges avec chaque organisation syndicale. Sur le fond, les programmes sont trop chargés, surtout en français et mathématiques au primaire. On est face à un empilement de connaissances sans se soucier du travail à conduire en classe avec les élèves pour que tous puissent les assimiler.
Pour la CFDT, les programmes d’enseignement sont des outils de travail pour les enseignants, or de plus en plus ce sont des outils qui empêchent de bien travailler, qui sont contradictoires avec les objectifs d’inclusion. En outre, le choix de revoir les programmes discipline par discipline remet en cause le socle commun de connaissances, de compétences, et de culture que le ministère veut retravailler ensuite.
Pour la CFDT, il faut avoir la démarche inverse : retravailler le socle pourquoi pas, mais en premier et avec des objectifs clairs en termes d’inclusion, de justice sociale, d’intégration des enjeux liés aux transformations écologiques et numériques en cours. Ensuite, il devient possible d’élaborer des programmes, qui se réfèrent à des objectifs clairs.
La CFDT a salué la décision de la ministre de ne pas faire du diplôme national du brevet (DNB) une barrière à l’entrée au lycée. Pour autant, les autres évolutions du DNB ne nous conviennent pas et nous l’avons redit à la ministre.
Toujours sur le « choc des savoirs », il se confirme que la labellisation des manuels n’aura pas lieu. Ce sera là aussi une bonne nouvelle.
Concernant la voie professionnelle, rien de nouveau du côté du ministère, la CFDT Éducation Formation Recherche Publiques demande donc à rencontrer la conseillère ministérielle en charge du dossier.