La question de l’accès au master mérite, pour une organisation syndicale, d’être abordée dans son contexte et non de manière isolée et conjoncturelle. Voici une expression du secrétariat fédéral enseignement supérieur et recherche.
Une autre voie que celle de la sélection en master mérite d’être explorée.
Replacer la question de l’accès au master dans un cadre, cela signifie en premier lieu rappeler l’objectif de la France de porter 50% d’une classe d’âge au niveau Licence. Et il importe également de ne pas oublier que dans le système d’enseignement supérieur et de recherche antérieur au LMD, l’accès au diplôme de Maîtrise n’était pas sélectif.
Ces éléments de contexte conduisent à formuler deux observations préalables à toute proposition sur les modalités d’accès au master, mise en débat aujourd’hui.
deux observations préalables
La première consiste à souligner une éventuelle contradiction entre l’ambition (louable) de permettre à 50% d’une classe d’âge d’obtenir un diplôme équivalent à la licence, et le fait de songer, dans la même séquence de temps, à privilégier une approche malthusienne, qui s’incarnerait par exemple à travers un processus de sélection pour l’entrée en master. À n’en pas douter, les conséquences d’un tel choix seraient rapidement problématiques (augmentation du nombre d’étudiants titulaires d’une licence, et contingentement des places ouvertes en master).
La seconde observation a trait à la dynamique paradoxale à laquelle conduirait la perspective d’une limitation de l’accès en première année de master, qui semble être l’une des hypothèses de travail retenue par le ministère, fortement incité pour cela par la CPU. Alors que dans le système de l’ESR antérieur au LMD, l’accès en maîtrise n’était pas contingenté, le « progrès » réalisé par la mise en place du LMD serait donc d’introduire une forme de sélection en première année de master ? Ici encore, la contradiction d’une telle approche pour orienter la politique publique d’enseignement supérieur en France serait importante et largement fondée.
Il semblerait raisonnable d’éviter de tenir pour seule solution praticable la sélection, soit en master première année, soit en seconde année. En effet, le risque souvent invoqué mais peu démontré, d’une saturation des effectifs dans les différents cursus de masters, ou encore d’un niveau insuffisant des étudiants, est-il si grand que l’on renonce a priori à affirmer le droit des étudiants détenteurs du grade de licence à la poursuite d’études ? Une telle posture ne s’inscrirait-elle pas à rebours du discours du gouvernement au terme duquel le diplôme demeure le passeport le plus efficace pour faciliter l’insertion professionnelle des jeunes ? L’implicite de cette réalité est que plus le niveau de diplôme est élevé, plus les chances d’accès à l’emploi sont grandes. Dès lors, l’intérêt général bien compris serait de favoriser, voire de faciliter la poursuite d’études en master du plus grand nombre. Enfin, déclarer régulièrement et à juste raison que notre société est devenue celle « de la connaissance » ne peut logiquement déboucher sur des décisions qui, de fait, limitent à quelques-uns la possibilité d’accéder à celle-ci. De plus, quelques chiffres permettent d’éclairer le débat et rendent perplexe quant à l’urgence de devoir traiter de la sélection en master : en 2013, il y avait 315 391 inscrits en M1 et M2 qui se répartissaient dans 20 223 masters. Soit une moyenne de 15,5 étudiants par master.
Quelques principes peuvent être dégagés pour résumer notre position syndicale relative à l’entrée en master :
1° Le droit des diplômés de licence ou équivalents à s’inscrire dans une formation de master doit être affirmé, en tant qu’il découle des priorités de l’État en termes d’élévation du niveau global de qualification de la population, et aussi parce qu’il est prouvé qu’il offre de meilleures garanties d’insertion professionnelle.
2° Le refus de la sélection en première ou en seconde année de master ne signifie en rien que tout titulaire d’une licence dispose de la possibilité de s’inscrire dans le master de son choix. La mise en place d’un « système » ou « dispositif » d’orientation active, combinée à la formalisation de prérequis (en termes d’enseignements suivis par l’étudiant et non de connaissances acquises), qui seraient explicites pour chacune des formations de master, devrait définitivement limiter le nombre d’ « erreurs de casting ».
3° La revendication de voir s’ouvrir un vrai débat sur la réussite en licence et l’insertion professionnelle des étudiants sortant de Licence 3 doit être portée. Le Sgen-CFDT revendique des éléments de changement dans ce domaine et espère avoir des résultats, pour que soient mieux pensées les conceptions du bac +3-3, ou encore de l’insertion professionnelle qui est un de nos marqueurs. Ce débat de fond doit de même être mené avec en perspective, d’une part, la meilleure reconnaissance des CIO, et d’autre part, la réforme du bac. Dans sa forme actuelle ce diplôme compile des connaissances plus qu’il ne délivre des compétences, ce qui entraîne un problème d’adaptation des étudiants à l’ESR (seuls 40 % des étudiants obtiennent leur Licence).
Il semble ainsi qu’une autre voie que celle de la sélection en master mérite d’être explorée. Elle est à l’évidence plus complexe à concevoir qu’à mettre en œuvre. Peut-être est-elle aussi plus féconde et plus conforme à l’idée que nous nous faisons du progrès au bénéfice du plus grand nombre.