Présenté dans le projet ministériel comme un « suivi et un soutien de proximité » aux personnels dans l'exercice de leur métier, l'accompagnement professionnel est pour l'instant passé quasi inaperçu des médias et n'a été remis en cause par personne.
La création de « l’accompagnement professionnel », dans le cadre des discussions sur l’évaluation des personnels enseignants, d’éducation et d’orientation, est une victoire pour le Sgen-CFDT. Elle satisfait une de nos revendications fondamentales, celle visant à connecter l’activité d’expertise pédagogique de l’inspection à un travail de soutien à la pratique professionnelle plutôt qu’à une évaluation-sanction.
S’il en est peu question dans les médias et les tracts syndicaux, l’accompagnement professionnel contient les germes d’une triple révolution.
Changement d’attitude de l’institution scolaire vis-à-vis des personnels
L’accompagnement professionnel témoigne tout d’abord d’un changement d’attitude de l’institution scolaire vis-à-vis des personnels. Le métier d’enseignant est un métier complexe, nécessitant une adaptation permanente au besoin des élèves et des familles. Les difficultés que peuvent y rencontrer les personnels ne doivent plus être considérées comme la marque d’une carence individuelle, mais comme une dimension normale de l’exercice professionnel. A rebours des processus d’évaluation pédagogique ou administrative qui incitaient à « taire » les problèmes, l’accompagnement doit au contraire permettre de mieux les discerner, mieux les analyser pour mieux y répondre. Enseigner est un métier qui s’apprend, a-t-on dit. Mais il faut en plus reconnaître que c’est un métier où l’on apprend en permanence.
Il y a là un enjeu majeur pour l’amélioration du fonctionnement du service public, mais aussi pour la qualité de vie au travail des personnels. L’objectif de l’accompagnement professionnel doit être que les collègues se sentent enfin pleinement soutenus par l’institution dans l’exercice de leur métier. Un besoin de sortir du sentiment de solitude professionnelle qui est vrai pour tout le monde, mais plus particulièrement pour ceux qui exercent sur les postes les plus difficiles, en éducation prioritaire ou ailleurs. Un besoin urgent également pour les collègues contractuels, confrontés à l’exercice professionnel sans reconnaissance et surtout souvent sans formation initiale.
Une nouvelle conception du métier d’enseignant·e
La mise en œuvre de l’accompagnement professionnel est ensuite porteuse d’une nouvelle conception du métier d’enseignant·e. Parce qu’il sera centré sur l’ensemble de la pratique professionnelle, l’accompagnement doit en valoriser plus et mieux la dimension pédagogique. Pour le Sgen-CFDT, la pratique professionnelle des enseignant·e·s ne s’apprécie pas en termes de contrôle de conformité (« boucler son programme », « tenir sa classe »). La réalité du travail est plus marquée par l’ingénierie éducative et la construction de la relation aux élèves. Et c’est cela qu’il faut d’abord analyser, soutenir, améliorer.
Ce cœur du métier enseignant s’exerce d’ailleurs collectivement. C’est un des mérites de l’accompagnement professionnel, tel qu’il est en discussion, que d’envisager non seulement le suivi et le soutien aux individus, mais aussi et même d’abord le soutien aux équipes pédagogiques (équipes d’écoles ou d’établissement, équipes pédagogiques d’une classe, équipes disciplinaires, …). S’il permet d’analyser la pratique pédagogique de façon collégiale, s’il permet de réfléchir et de se former en équipe, s’il permet de concrétiser ainsi la solidarité professionnelle entre les personnels, l’accompagnement contribuera à un exercice plus efficace et plus serein du métier d’enseignant.
Cette mise en avant de la dimension collective du métier sera également un avantage pour les enseignants dans leur relation avec les supérieurs hiérarchiques : il est nettement moins infantilisant et plus sécurisant d’inscrire sa pratique professionnelle dans un projet d’équipe que dans un exercice strictement individuel. L’accompagnement ainsi envisagé a aussi une dimension positive, celle de repérer les compétences professionnelles, de valoriser les innovations, et surtout de les partager. Voilà qui permettrait de rappeler que l’amélioration des pratiques professionnelles ne vient pas toujours « d’en haut », loin s’en faut, et d’affirmer qu’on gagnerait beaucoup à considérer le corps enseignant comme une ressource plutôt que comme un problème.
Faire évoluer le rôle de l’encadrement
Au-delà, l’accompagnement professionnel peut également faire évoluer le rôle de l’encadrement. Le fait que les enseignants, individuellement et collectivement, puissent de leur propre initiative solliciter un accompagnement professionnel inscrit clairement ce dispositif dans un esprit plus collaboratif. Les IPR, les IEN comme les chefs d’établissements doivent y trouver le moyen de sortir d’un rôle strictement hiérarchique au profit d’une fonction de gestion d’équipe et de projet, une fonction managériale au meilleur sens du terme.
Un projet à concrétiser : il faut une volonté politique de mise en œuvre
Un tableau idyllique en somme ? Bien évidemment, non. S’il est une des innovations les plus salutaires de la « refondation de l’école », l’accompagnement professionnel n’est encore qu’un projet qui doit se concrétiser en un texte réglementaire et surtout se réaliser en une politique effective, au niveau national comme au niveau académique. Cela impliquera des moyens accrus de formation continue : il ne saurait être question de susciter les besoins du côté des personnels sans se mettre en capacité d’y répondre. Cela impliquera aussi une capacité à suivre, organiser, capitaliser l’expertise pédagogique collective qui se mettra ainsi en place. Et de ce point de vue, on ne peut que regretter la place encore marginale laissée aux ESPE dans ce dispositif.