Premier témoignage autour du métier d’assistante d’éducation, un métier mal reconnu, mal considéré que le Sgen-CFDT entend mettre en lumière tant il est une pierre angulaire au sein des établissements du second degré. Aujourd'hui, Sarah AED dans un lycée bordelais.
Sarah est AED depuis 5 ans et arrivera prochainement au terme de son contrat.
Diplômée d’une licence de psychologie, elle s’est investie, en parallèle de son activité d’AED, dans une formation de sophrologie pour préparer l’après.
A côté de ce travail d’AED, elle est animatrice et depuis peu, directrice adjointe au sein de structures socio-culturelles, un métier qui la passionne et qui a marqué son parcours professionnel mais lui a aussi permis de mesurer la complémentarité entre ces deux métiers.
Sarah, quel est ton parcours et que fais tu au sein de ton lycée bordelais ?
Je suis animatrice depuis l’âge de 17 ans ce qui fait pour moi plus de 10 ans d’expérience dans ce domaine.
Je suis devenue AED en parallèle de mes études et au départ, je considérais cela comme un job étudiant. Mon expérience d’animatrice m’a beaucoup aidé pour entrer dans le métier.
Le lycée bordelais dans lequel j’exerce m’a d’ailleurs immédiatement confié le travail d’animation du foyer socio-éducatif (FSE), et dans la perspective de la mise en place des Maison des Lycéens, l’accompagnement des jeunes qui ont pris la responsabilité de cette structure (50 % de mon emploi à temps plein).
Qu’est-ce qui te motive dans ton métier d’AED ?
Le métier d’animatrice est un métier épanouissant qui m’a permis de gagner en confiance en moi.
AED, c’est une autre expérience professionnelle qui m’a permis d’élargir mon champ de compétences. J’ai pu aussi y appliquer ce que j’avais appris au sein de l’animation car les parallèles sont nombreuses :
écoute des jeunes, soutien, sens des responsabilités, relations aux élèves, aux familles, aux enseignants et personnels de l’établissement.
Ce qui me motive dans mon métier d’AED, c’est de pouvoir mener un projet de A à Z au sein du lycée avec des élèves.
Cela m’a aidé à vaincre ma timidité, à faire preuve de courage pour agir au sein de mon établissement mais c’est aussi parce qu’on m’a fait confiance dans les différentes tâches que j’encadre.
Pourquoi as-tu changé ton projet professionnel au cours de la période où tu étais AED ?
Au départ, je souhaitais devenir psychologue scolaire ou CPE car le côté travail avec les élèves et l’écoute me plaisaient.
J’ai modifié ma porte de sortie ne me voyant pas continuer au sein de l’Éducation nationale. En effet, l’institution ne propose pas de formation et ne valorise pas le travail que je fais. On a parfois l’impression d’être un pion que l’on déplace au gré des besoins sans reconnaître vraiment notre capacité à penser et faire en autonomie.
Tout cela m’a éloigné de mon idée initiale d’où mon choix de partir sur un autre projet.
C’est quoi être une AED pour toi aujourd’hui ?
Dans mon travail d’AED, outre l’accompagnement exercé aujourd’hui sous forme de bénévolat avec les responsables lycéens de la MDL, j’effectue un gros travail de soutien et d’écoute des élèves.
Il y a une véritable confluence entre la relation éducative que je peux avoir et les apports pédagogiques que je peux donner dans la formation aux responsables MDL à la gestion d’une association (construction d’un programme, élaboration d’un budget prévisionnel, réalisation d’un rapport moral et financier, organisation d’une AG, …).
Cela passe forcément pour moi par la nécessité d’aller vers un projet.
De toute façon, on travaille sur de l’humain et pour cela l’AED doit avoir un rôle bienveillant. En tant qu’AED, on est souvent les premiers interlocuteurs des élèves qui viennent se confier. A nous ensuite de les diriger vers le bon interlocuteur au sein de l’établissement. Cette proximité me permet de bien connaître l’élève au-delà du seul rôle administratif ou de celui de surveillance.
Être AED, ce n’est pas être une pionne.
Quelles parallèles fais-tu entre ton métier d’AED et ton métier d’animatrice ?
Oui, je me suis souvent sentie dévalorisée au sein de l’établissement avec parfois un rôle « poubelle » : déplacer des panneaux dans la cour, faire un affichage, aménager une salle, venir chercher un élève qu’un enseignant ne supporte pas…
On n’est en effet pas reconnu à notre juste valeur et surtout notre rôle éducatif et même pédagogique n’est pas valorisé.
Alors comment attendre de nous une certaine motivation ?
Le métier d’animateur me permet de savoir gérer un groupe et pourtant, ce métier est très différent de ce que l’on me demande en tant qu’AED.
On m’a d’ailleurs reproché d’être trop animatrice avec les élèves parfois ce qui ne me paraît pourtant pas incompatible.
Plus j’avance dans ce métier, plus je me sens dévalorisée dans mon rôle.
Le pilotage par injonction est en cela insupportable car on nous dénie une certaine capacité à penser, à agir en autonomie.
On a quelquefois l’impression d’agir sans donner du sens à ce que l’on fait comme des robots au sein de l’établissement.
Que faudrait-il selon toi changer pour que ce métier d’AED soit reconnu ?
Pour moi, il faut avant tout recréer du collectif et surtout de la confiance.
Les équipes d’AED doivent pouvoir disposer de temps pour échanger sur les élèves en lien avec le CPE et cela sans concurrence.
Parallèlement à cela, un AED doit aussi être en capacité de sortir de la passivité et être porteur de projets, d’idées pour son établissement, les élèves et son métier.
Sans cela, il ne prendra pas de plaisir à l’exercer.
La dimension d’apport pédagogique des AED doit aussi être reconnue car elle ne se limite pas aux temps d’enseignement avec les professeurs. Il faut aussi bénéficier de formations en amont mais aussi tout au long de son contrat : premiers secours, psychologie du jeune, gestion des conflits.
Il faut sans doute aussi mieux préparer l’entrée de l’AED dans sa fonction par différentes actions : présentation de l’Institution, ses valeurs, connaître les rôles de chacun au sein de l’établissement et ses instances, avoir du temps pour découvrir ce que l’on va faire au quotidien et toutes les dimensions du métier pour « entrer dans le costume », connaître les protocoles.
Il faut sans doute que dès le départ, les AED soient informé.es de leurs droits et devoirs.
Quelle valorisation du métier faudrait-il installer selon toi ?
Le contrat de six ans est à la fois un moyen de sécuriser le parcours de l’AED mais aussi un piège si l’on ne se fixe pas un objectif professionnel de sortie et de formation durant le contrat. Il faut faire attention à ce que ce travail ne soit pas seulement alimentaire car sinon, une fois que le contrat se termine, c’est le grand vide.
L’Éducation Nationale doit en cela accompagner les AED durant cette période et reconnaître les acquis et compétences.
Pourquoi ne pas envisager que cette expérience participe à une VAE qui permette d’accéder plus facilement à certains diplômes ?
La CDisation serait-elle pour toi une solution ?
Valider ainsi progressivement des compétences, c’est aussi le moyen pour l’AED de préparer ce qui se passera après et de faire une introspection sur son parcours.
La cédéisation peut donc être une réponse, notamment en sécurisant sur du long terme.
Mais il faudra aussi augmenter le salaire et permettre un épanouissement dans le métier. Pour ensuite donner un objectif, il faut permettre aux AED de découvrir les métiers de l’Education Nationale afin de leur donner envie d’évoluer professionnellement.
En d’autres termes, un AED doit être accompagné à tous les niveaux et le CDI ne peut être qu’une étape ou qu’une réponse locale.
Personnellement, je ne me voyais pas vieillir en étant AED.
L’animation t’a t’elle aidée pour devenir AED ?
Animatrice, directrice adjointe de centre de vacances sont pour moi deux métiers complémentaires. En cela les passerelles doivent être possibles voire indispensables.
Cela permettra à la fois de valoriser les métiers mais aussi la possibilité de découvrir les jeunes sous des facettes différentes.
L’un et l’autre sont construits autour de la conduite d’un projet.
Si on permet plus dans le secteur de l’animation une certaine autonomie, il faut aussi le faire dans celui de l’Éducation nationale. En tout cas pour moi, ces deux expériences vont sans doute me servir dans ma carrière future de sophrologue sans doute parce que l’on m’a permis de trouver ma voie.