Épisodes à rebondissements au lycée de Marmande, qui compte 1 000 élèves et 130 enseignants.
2010 : des enseignants du lycée de Marmande élaborent un projet pédagogique
En 2010 (dans le cadre de la réforme du lycée), des enseignants du lycée de Marmande montent un projet d’organisation pédagogique, validé en conseil pédagogique, qui propose d’échelonner les heures d’accompagnement personnalisé, d’enseignement d’exploration et de groupes sur 30 semaines au lieu de 36, pour permettre un large choix de modules et des dédoublements dans toutes les disciplines.
Immédiatement, les « sentinelles du Statut » se déchainent.
Les militants du Sgen-CFDT consultent leurs collègues sur ce projet qui s’avère améliorer les conditions de travail des enseignants et les conditions d’apprentissage des élèves. Le projet est donc voté en CA. Neuf collègues (se réclamant du Snes, du Snalc et de FO) attaquent ce vote au tribunal administratif : cette organisation pédagogique serait en contradiction avec la définition des services hebdomadaires et pénaliserait les enseignants en les privant d’heures supplémentaires. Le tribunal administratif de Bordeaux (jugement du 16 juin 2015) ne reconnait pas de préjudice financier mais impose une organisation hebdomadaire immuable des services enseignants.
Ce modèle d’organisation sera donc abandonné à la rentrée 2015.
À Marmande, finies les semaines A et B avec un temps de travail différent pour les enseignants. Donc, finis les TPE sous leur forme actuelle. Finis les modules de BTS. Finie l’aide à l’orientation (retour aux 30 minutes hebdomadaires en classe entière avec le professeur principal). Finis les groupes allégés en accompagnement personnalisé…
Et charge aux équipes de trouver des solutions et aux militants du Sgen-CFDT de repartir au combat !
Face aux sentinelles du Statut… Réflexions syndicales
Ce jugement du tribunal administratif est intéressant car il est au centre de beaucoup de nos préoccupations syndicales, concernant nos conditions de travail, nos statuts et nos façons d’agir dans les établissements. Les représentants Sgen-CFDT du lycée de Marmande ne pensent pas que le rôle d’un syndicat doive se limiter à faire appliquer à la lettre des statuts qui peuvent se retourner contre les personnels. Ils refusent un syndicalisme de postures et de dogmes, qui consiste à tout rejeter en bloc et à demeurer dans une attitude strictement défensive, sans jamais se soucier des conséquences pour les collègues. Ils ont assumé d’être des forces de propositions pour trouver des solutions pour tous, enseignants et élèves.
Les représentants du Sgen-CFDT restent persuadés que les personnels sont tout à fait capables de trouver par eux-mêmes les solutions les plus pertinentes les concernant. C’est là le sens de cette fameuse autonomie des établissements qui, avant tout, est celle des équipes, et qui, on le voit avec ce jugement, a vraiment du mal à s’imposer et à vivre.
Si ce jugement fait jurisprudence, de très nombreux projets sont d’ores et déjà menacés dans les établissements.
Exit, toute variation horaire dans les services enseignants ? Exit, donc, les travaux personnels encadrés (TPE) ? Exit, le tutorat ponctuel ? Exit, les heures de soutien ou d’accompagnement éducatif ? Exit l’organisation par cycle en EPS ?
Les nouveaux statuts enseignants permettent de répondre à certaines de ces difficultés grâce aux indemnités de missions particulières (IMP), mais pas à toutes… Ce jugement illustre les contradictions et injonctions paradoxales de l’Éducation nationale, qui lassent et démobilisent les collègues.
Aucune organisation du travail n’est aujourd’hui à la fois légitime juridiquement et satisfaisante pour les personnels. La réflexion sur les métiers enseignants est donc loin d’être close. Il faut continuer à mener le dialogue social afin que les conditions de travail effectives des personnels s’améliorent durablement.