L'Ageem a 100 ans et les fêtera lors de son congrès annuel. À cette occasion, le Sgen-CFDT a interviewé les responsables de cette association qui regroupe de très nombreux·ses enseignant·e·s de maternelle et joue un rôle important dans le paysage scolaire.
Créée le 5 novembre 1921 par Mme Le Saint, M. Nathan et M. Garcin, l’Association générale des enseignants des écoles et classes maternelles publiques (Ageem) fête ses 100 ans.
Quelques jours avant son congrès annuel, qui se tiendra à Épernay du 4 au 7 juillet prochains, le Sgen-CFDT a rencontré sa présidente,
(à gauche sur la photo ci-contre) et sa vice-présidente, – occasion d’aborder tous le sujets qui touchent de près ou de loin à l’enfant scolarisé en maternelle et l’évolution du métier des enseignant·e·s qui y exercent.L’Ageem est une vieille dame, pourtant toujours jeune et à la pointe. Quelle est son histoire ?
Elle fut fondée en 1921, autour du slogan « Groupons-nous, Mesdames ! ».
A l’époque, les enseignantes d’école maternelle n’étaient pas rémunérées à la hauteur de ce que les maîtres gagnaient en école élémentaire. L’idée était de montrer qu’elles travaillaient au service de l’enfant au même titre que leurs homologues masculins. L’association, née avec l’appui de l’Inspection générale, était un passage obligé pour qui voulait aller travailler en école maternelle.
[L’Ageem] fut fondée en 1921, autour du slogan « Groupons-nous, Mesdames ! ».
Depuis toujours, sont mis en place des cercles d’études qui permettaient des temps de mutualisation entre enseignant·e·s pour réfléchir ensemble sur des thématiques et des problématiques spécifiques. Les rassemblements se déroulaient alors à Vichy, ville proche de Cusset où exerçait Mme Le Saint, fondatrice de l’Ageem (cf. Mémento ci-dessous) et important lieu de passage sur la route des vacances des enseignant·e·s. Finalement, l’histoire de l’école maternelle et celle de l’Ageem sont intimement liées, et les thèmes des congrès ont souvent été révélateurs de problématiques qui, aujourd’hui encore, sont d’actualité. Ces thématiques ont donc traversé le temps, et ce sans une ride ! (Cf. ci-dessous quelques thèmes emblématiques de congrès.)
l’histoire de l’école maternelle et celle de l’Ageem sont intimement liées […]
Quelle est l’action de l’Ageem au quotidien ?
On pourrait regretter que L’Ageem ait dû prendre le pas sur ce que devrait faire le ministère de l’Éducation nationale en matière de formation. Mais la force de l’association est de faire des propositions, d’être autonome et indépendante, de porter les valeurs que partagent les enseignant·e·s qui, en son sein, peuvent se ressourcer, communiquer avec des pairs.
la force de l’association est de faire des propositions, d’être autonome et indépendante […]
Il a fallu s’adapter à la baisse du militantisme, et la vie de l’association a évolué. Pour définir l’Ageem, nous dirions qu’elle est une interface entre le terrain et la recherche. Pour nous, oser, c’est oser faire, mais c’est aussi oser montrer. L’association est une sorte de plateforme pour donner de la force aux enseignant·e·s et faire des propositions grâce à des offres et des outils qui se sont adaptés au cours du temps, comme récemment avec l’organisation de webinaires.
Pour définir l’Ageem, nous dirions qu’elle est une interface entre le terrain et la recherche.
On parle souvent de spécificités de l’école maternelle, quelles sont-elles selon vous ?
C’est l’école première : premier contact de l’enfant avec l’institution, il doit être au centre des préoccupations des adultes qui vont l’accueillir en veillant à respecter son développement et ses besoins affectifs, sensoriels, moteurs, langagiers. Cela demande à l’enseignant·e une qualité de présence, une posture spécifique comme co-éduquer avec la famille, et aussi travailler en binôme avec l’agent·e territorial·e spécialisé·e des écoles maternelles (Atsem).
Il ne faut surtout pas en faire un cours préparatoire (CP) avant l’heure.
L’école maternelle, c’est aussi la nécessité d’aménager des espaces adaptés aux différents âges des enfants scolarisés. Il ne faut surtout pas en faire un cours préparatoire (CP) avant l’heure.
Pourquoi ne parlez-vous pas d’élèves à l’école maternelle ?
Le rôle de l’école maternelle n’est pas de préparer aux évaluations, mais à devenir un·e élève.
L’école maternelle accueille un enfant et sa famille avec l’objectif qu’il·elle devienne élève, au terme d’une construction sur plusieurs années. Mais c’est à l’école maternelle de s’adapter à l’enfant, et non le contraire. Elle doit l’amener à franchir progressivement différents paliers tout en respectant son rythme propre. Pour l’Ageem, cette notion de progressivité devrait traverser l’ensemble de la scolarité.
Le rôle de l’école maternelle n’est pas de préparer aux évaluations, mais à devenir un·e élève.
Que pensez-vous des futurs nouveaux programmes ? Comment l’Ageem voit-elle leur application ?
Pour nous, ils respectent justement cet impératif de progressivité. En revanche, leur mise en œuvre, l’accompagnement des enseignant·e·s comme des encadrant·e·s interrogent.
Pour les enseignant·e·s, nous avons proposé de les accompagner sur différents points spécifiques, notamment le langage permettant de verbaliser le développement affectif de l’enfant. Du côté des inspecteur·trice·s de l’Éducation nationale (IEN), il·elle·s devront être sensibilisé·e·s à l’esprit de ces nouveaux programmes qui indiquent clairement que savoir lire et écrire en fin de maternelle n’est pas l’objectif, et qu’il est important de laisser du temps aux enfants.
Dans le cadre de la « Quinzaine de l’école maternelle » qu’elle organise, l’Ageem proposera des formations pour que l’enseignant·e garde et adapte ses méthodes pédagogiques. En effet, il·elle est un·e ingénieur·e pédagogique qui pense son travail, et en aucun cas un·e technicien·ne qui se contente d’appliquer ce qu’on lui propose. Il faut déculpabiliser les enseignant·e·s pour qu’il·elle·s mettent en avant des postures professionnelles. Il·elle·s ont également besoin d’une culture commune que seule la formation, aujourd’hui, peut leur apporter.
[L’enseignant·e] est un·e ingénieur·e pédagogique qui pense son travail, et en aucun cas un·e technicien·ne qui se contente d’appliquer ce qu’on lui propose.
Pour l’Ageem, qui est l’enseignant de maternelle au XIXe siècle ?
Pour nous, l’enseignant·e du XIXe siècle doit bénéficier d’une formation initiale et continue sur l’école maternelle qui aille bien au-delà d’une simple sensibilisation. En étudiant le développement de l’enfant, la place du jeu dans la pédagogie, il·elle va rencontrer des grands noms comme celui de Maria Montessori par exemple, et découvrir de nouveaux savoirs.
De manière générale, [l’enseignant·e de maternelle] doit exercer son esprit critique […]
S’il peut piocher des outils sur Internet, il·elle doit veiller à les adapter aux besoins de l’enfant. De manière générale, il·elle doit exercer son esprit critique par rapport aux propositions magiques, toutes prêtes.
Comme nous l’avons dit, l’enseignant·e en maternelle ne travaille pas seul·e. Les apprentissages et les progressions sont pensés au sein de l’école, et en coopération avec les familles. En d’autres termes, pour l’Ageem, il·elle doit faire preuve de collaboration, de mutualisation et de réciprocité. Pour l’Ageem, 1 + 1 + 1, égal beaucoup.
Il faut sans doute aussi sortir des programmes et valoriser les compétences. On mise sur le fait que l’école maternelle, à son niveau, contribue à ce que l’enfant devienne plus tard un·e citoyen·ne éclairé·e ayant le pouvoir et l’envie de participer à la vie publique. En tout cas, l’enseignant·e doit se placer dans cette perspective.
Et l’enseignant de maternelle en 2050 ?
L’enseignant·e de 2050 aura choisi ce métier par vocation, par passion. Ce sera un·e citoyen·ne éclairé·e qui pensera que ses choix répondront aux besoins des enfants. Ce sera aussi un·e enseignant·e numérique formé·e à l’utilisation de l’informatique en direction des élèves.
Il·elle travaillera dans la complémentarité avec l’ensemble des acteur·trice·s en créant des passerelles dans, et autour, des temps scolaires. Pour l’AGEEM, si on est ensemble, on va plus loin.
On ne peut pas parler de l’enseignant·e de 2050 sans parler des enfants qui, de leur côté, devront être heureux de venir à l’école.
Depuis 2019, l’instruction est obligatoire à partir de 3 ans. Qu’est-ce que cela a changé ?
L’Ageem a défendu la scolarité obligatoire à 3 ans. Le rôle spécifique de l’école maternelle est ainsi reconnu – et tant mieux ! –, même si 97 % des enfants y étaient déjà accueillis. Cela nécessite, bien sûr, d’adapter l’accueil aux enfants de cet âge, en aménageant le temps propre à chacun·e d’entre eux·elles, en lien avec les besoins des familles, en concevant l’espace aussi de manière, par exemple, à ce que l’enfant s’habitue à dormir en collectivité plutôt qu’à la maison. Ainsi, les conditions d’accueil doivent être optimisées, les dortoirs posséder un nombre suffisant de lits et chaque classe, avoir une Atsem.
Bien évidemment, les implications d’une scolarisation dès 3 ans vont au-delà de l’école qui, rappelons-le, est au centre d’un territoire, et en appelle à d’autres acteur·trice·s que les seul·e·s enseignant·e·s. L’aménagement des espaces y est central.
En outre, il ne faut pas oublier que la scolarité des enfants de moins de 3 ans, notamment dans les quartiers de politique de la ville, est impérieuse. Le travail avec les services de la petite enfance, avec les crèches doit permettre de mieux les accueillir, les accompagner. L’Ageem est ainsi force de propositions, en particulier sur les classes multi-âges. À ce titre, il aurait fallu anticiper les lois et décrets pour être dans le respect des enfants.
L’école [maternelle], rappelons-le, est au centre d’un territoire, et en appelle à d’autres acteur·trice·s que les seul·e·s enseignant·e·s
Vous parlez beaucoup d’espaces pour les enfants de maternelle. Pourquoi sont-ils un enjeu fondamental ?
Beaucoup d’écoles n’ont pas été prévues pour accueillir des enfants de maternelle, aussi les espaces sont souvent inadaptés.
Le bâti scolaire doit faire l’objet d’une véritable réflexion collective pour concevoir, au-delà de l’Éducation nationale, les aménagements nécessaires. Ainsi les classes doivent être aérées, les sanitaires (priorité absolue) à proximité, les points d’eau nombreux. Les Atsem doivent pouvoir disposer d’une salle.
Le mobilier est doit être adapté à l’âge des enfants. Il paraît également important de réfléchir aux surfaces, à la sonorité, aux couleurs utilisées, aux matériaux, aux équipements. Cela passe par une phase d’exploration en amont qui prend en compte les besoins moteurs des enfants.
Le bâti scolaire doit faire l’objet d’une véritable réflexion collective pour concevoir, au-delà de l’Éducation nationale, les aménagements nécessaires.
Alors ce congrès, vous nous en dîtes un peu plus ?
L’Ageem fête ses 100 ans, mais ce n’est que le 94e congrès, car l’association a interrompu ses rassemblements durant la Seconde Guerre mondiale. Il va se dérouler à Épernay du 4 au 7 juillet, la date d’ouverture étant une journée festive pour célébrer ce centième anniversaire.
Nous accueillerons ainsi qui fera une rétrospective de 100 ans d’école maternelle.
Comme d’habitude, les enseignant·e·s congressistes pourront choisir des parcours de formation en agora ou dans des expositions pédagogiques. Précisions, qu’ils et elles viennent s’y former à leurs frais, ce qui traduit leur engagement.
Le principe du congrès est bien de regarder, échanger autour du travail des enseignant·e·s dans leurs classes. Cela se passera nécessairement dans la convivialité. Le Congrès est également ouvert aux Atsem et aux familles.
[Les enseignant·e·s] viennent s’y former à leurs frais, ce qui traduit leur engagement.
L’Ageem attend 400 à 500 congressistes, un peu moins que les autres années du fait des normes sanitaires. Tout cela n’aurait pas été possible sans la mobilisation bénévole des adhérent·e·s de l’Ageem, que nous tenons à saluer et remercier.
Développées sur un modèle patronal paternaliste pour accueillir les enfants des classes laborieuses de 2 à 6 ans, les salles d’asile sont gratuites. Avec Marie-Pape Carpentier, plus soucieuse du développement de l’enfant, une sensibilité nouvelle va se dégager au milieu du XIXe siècle.
Création de l’école maternelle, publique, laïque, mixte et gratuite, mais pas obligatoire. Pauline Kergomard, inspectrice générale des salles d’asile en 1879, entend marquer la spécificité de l’école maternelle, l’autonomiser du modèle de l’école primaire.
Création de l’Agiem, association générale des institutrices des écoles maternelles et classes enfantines publiques de France et des colonies, par une institutrice militante, Mme Le Saint, directrice d’école maternelle à Cusset, près de Vichy. L’Agiem œuvre pour diffuser les idées novatrices de Pauline Kergomard.
Création du statut des Atsem. L’Agiem défend la nécessité d’avoir une Atsem par classe.
Premières instructions officielles qui créent un programme pour l’école maternelle. Consultée à plusieurs reprises en amont de ce texte, l’Agiem sera sollicitée pour chaque nouvelle mouture des programmes.
L’Agiem devient Ageem.
Élection de Maryse Chrétien à la présidence de l’Ageem et de Céline Larpin à la vice-présidence.
. L’instruction est obligatoire dès 3 ans. C’est une reconnaissance de l’école maternelle, qui devient école à part entière.
• « Quel statut pour les femmes de services dans les écoles ? », 1924.
• « Les écoles de plein air », 1927.
• « La liaison école maternelle/école élémentaire », 1936.
• « L’enfant de 2, 3 ans à l’école maternelle », 1937.
• « L’Ageel fête ses 100 ans », 2021.
Pour en savoir plus sur l’Ageem et suivre son actualité, son site.
Un extrait de cet entretien a paru dans le no 280 de juin-juillet-août 2021 de Profession Éducation, le magazine du Sgen-CFDT.