Pour le Sgen-CFDT, il est plus que temps de faire concrètement confiance aux enseignants (et pas seulement dans les discours) et de leur donner les moyens d’agir collectivement sur leur travail.
Le système éducatif français s’est construit comme une institution pyramidale où les injonctions descendantes pèsent sur les acteurs de terrain, qu’ils soient enseignants ou exercent d’autres métiers. Une logique que dénonce depuis longtemps le Sgen-CFDT comme étant en contradiction avec le statut même des enseignants qui sont tous des cadres de catégorie A, donc des concepteurs. Une incohérence devenue encore plus flagrante depuis la mastérisation !
École maternelle
Première étape…
L’école maternelle est la première étape, essentielle, du parcours de l’élève avec pour mission de « donner envie aux enfants d’aller à l’école pour apprendre, affirmer et épanouir leur personnalité. » (Programmes 2015). Elle est à la charnière entre la famille, les structures d’accueil de la petite enfance et l’école élémentaire. L’autonomie de l’enseignant permet la créativité, et le développement de pratiques pédagogiques spécifiques au cycle 1 : travail en ateliers, en tandem avec l’agent territorial spécialisé d’école maternelle (Atsem), avec l’auxiliaire de vie scolaire (AVS), collaboration avec le personnel spécialisé, adaptation permanente aux besoins de chaque enfant. Elle s’appuie sur un collectif de travail et se construit au sein d’une équipe.
À l’école maternelle plus qu’ailleurs, la relation quotidienne avec les parents participe à la co-éducation et illustre la dimension humaine et primordiale du métier. L’école maternelle est aussi la première étape de l’inclusion des élèves en situation de handicap. Pour le Sgen-CFDT, les Éspé doivent proposer des modules de formation spécifiques à l’école maternelle. La qualité de la formation initiale et la confiance accordée aux personnels sont des gages d’autonomie, vecteur d’innovation pédagogique au service de la réussite de tous les élèves.
Quant à la formation continue, elle est perçue comme un frein à l’autonomie parce que trop injonctive.
Pour aller plus loin : École maternelle : un investissement pour l’avenir
École élémentaire
Un collectif de travail régulateur
Avec son modèle pyramidal, l’Éducation nationale peine à s’adapter aux évolutions de notre société. Son fonctionnement engendre, chez beaucoup de collègues, de la souffrance. Cela bloque leurs capacités à mener à bien les projets mutuellement décidés. Si le directeur d’école pilote, impulse, il ne peut tout faire seul. C’est l’équipe pédagogique toute entière qui est responsable de la réussite du parcours de chaque élève. Chaque acteur, qu’il soit enseignant titulaire, remplaçant, stagiaire doit pouvoir agir sur son travail : emploi du temps, initiatives pédagogiques, formations pédagogiques de proximité.
Le collectif de travail doit être au centre du fonctionnement des établissements dans les prises de décision.
Chaque acteur de l’école, à son niveau, doit pouvoir y participer. Il s’agit de mieux décliner les orientations territoriales, de se les approprier pour garantir des conditions de travail propices à la réussite scolaire. C’est donc la confiance en ses personnels qui prime. Le rôle des inspecteurs doit ainsi évoluer pour aider le collectif pédagogique. L’évaluation partagée doit être basée sur la capacité du collectif à mettre en oeuvre les projets pour atteindre les objectifs fixés.
Pour aller plus loin : Premier degré : école, l’autonomie impossible ?
Collège
Autonomie pédagogique des équipes
Comme pour la réforme du lycée, le Sgen-CFDT a été attentif à ce que celle du collège ouvre des pistes d’action collective pour les enseignants. Même si la marge horaire supplémentaire (3 heures) est moindre qu’en lycée, elle doit permettre d’amorcer un tel travail collectif.
Des gardes-fous existent pour que l’autonomie pédagogique soit celle de l’établissement et des équipes, et non celle du principal. Peu diffusés, ils sont sous-utilisés.
Le Sgen-CFDT a bataillé pour que le conseil pédagogique se dote d’un règlement intérieur, puisse se réunir à la demande de ses membres… Bref, pour qu’il soit une instance de pilotage pédagogique qui prépare les débats et décisions du conseil d’administration. Les compétences décisionnelles de celui-ci sont, elles aussi, passées par perte et profit, souvent par manque de temps d’où la nécessité d’un conseil pédagogique solide.
Bien sûr, les textes règlementaires ne sont pas toujours faciles à trouver et interpréter, c’est pourquoi le Sgen-CFDT publie guides et articles actualisés.
Pour en savoir plus : Guide Sgen-CFDT – Les instances d’un EPLE
Lycée général
Une organisation originale de la seconde
La mixité sociale est bien présente dans mon établissement (lycée Marie Curie, Échyrolles, Isère), mais depuis quelques années, on note un début d’évitement du lycée par les familles favorisées, un taux de boursiers en nette hausse… Par ailleurs, les personnels ressentaient une dégradation des conditions de travail, particulièrement en classe de seconde.
Il est donc apparu indispensable de réagir collectivement.
Nous avons alors muri le projet de baisser les eff ectifs de seconde à 24-25 élèves (au lieu de 35-36). Pour que ce soit possible avec la dotation horaire allouée, il a fallu réfléchir à une autre organisation de certains dédoublements en première et terminale, et adapter les horaires des profs pour certains cours. Plusieurs réunions ont permis que chacun comprenne qu’il ne s’agissait pas de pénaliser telle ou telle discipline, mais bien d’une volonté collective au service de l’intérêt général. Cette expérimentation est dans sa deuxième année. Plusieurs collègues, d’abord réticents, sont maintenant convaincus de la pertinence de ce choix.
Cependant des baisses de dotation horaire annoncées en juin par le rectorat mettent en péril ce projet : s’il est normal qu’il soit évalué chaque année, il est clair que l’institution ne l’encourage pas.
Pour aller plus loin : La gouvernance dans le second degré : enjeu crucial pour la réussite des élèves ?
Lycée professionnel
Évidence du travail en équipe…
Le lycée professionnel (LP) off re un environnement pédagogique diversifié : la formation à un métier, une entrée pédagogique par compétences, des contrôles en cours de formation (CCF), des apprentissages en milieu professionnel… Ce sont autant de leviers qui ont fait ou font évoluer le travail des enseignants de LP.
Évidemment, le lycéen est davantage acteur de sa formation quand il choisit son orientation que lorsqu’il fait des choix par défaut ou pas de choix du tout ! Et dans ces derniers cas, la gestion des classes est aussi beaucoup plus compliquée… D’où la nécessité pour les enseignants de travailler en équipe le projet du jeune, les objectifs de formation en les rendant atteignables pour les élèves les plus éloignés de l’objet scolaire ou de formation, les débouchés ou les poursuites d’études, les passerelles, les compétences transversales transférables…
La préparation du diplôme en CCF a fait évoluer les pratiques pédagogiques : les compétences évaluées sont répertoriées dans un référentiel, déclinées en objectifs pédagogiques et en critères d’évaluation observables. Si cette nouvelle charge de travail a été reconnue financièrement par l’institution, en revanche les besoins en formation des enseignants s’agissant de l’évaluation en contrôle continu des apprentissages de l’élève sur le temps du cycle en trois ans, n’ont pas été suffisamment entendus par l’institution.
Université
Un indispensable travail, en amont des instances…
Quand on parle d’agir sur son travail dans le cadre de l’université, on pense tout de suite aux différents conseils (conseils de composantes ou conseils centraux), sans doute parce que c’est là que l’action syndicale y est la plus lisible.
Mais ces conseils ne sont pas nécessairement de vrais lieux de débat. La posture, le rapport de forces, y prévalent plus qu’une volonté de travail collectif, qu’il s’agisse de débats budgétaires ou de politique de formation. Convaincre implique donc un travail en amont de ces conseils, dans le cadre de discussions informelles, ou sous d’autres formes.
Par exemple, l’université de Poitiers a débuté une démarche de gestion de la qualité de vie au travail, qui se propose d’aller plus loin que la prévention des accidents et des risques psychosociaux pour englober la notion de mieux-être global de la communauté universitaire. La première étape a consisté à créer un comité du mieux-être, sur le principe de la norme québécoise « entreprise en santé », chargé de piloter ce dispositif. Une enquête a ensuite été lancée, avec un taux de réponse excellent (45 % de l’ensemble des personnels) et le traitement des résultats devrait permettre de déterminer les orientations d’un plan d’action.
La démarche est bonne, mais va-t-on s’arrêter à une opération de communication ou le comité aura-t-il de réels moyens d’action ? À suivre.
Pour aller plus loin : ESR : pour une gouvernance réellement démocratique
En résumé, ce que le Sgen-CFDT revendique pour les enseignant·es, c’est : une capacité d’organisation collective négociée au niveau des établissements et des écoles ; dans le second degré, une définition du temps de service qui intègre et permette de moduler toutes les dimensions du métier (face-à-face élèves/profs, accompagnement et travail collectif, missions particulières) ; dans le premier degré, le découplage entre les temps de classe (réduits), le temps de service et le temps de présence sur le lieu de travail, afin de mieux articuler le face-à-face avec les élèves et les autres missions du métier.