Option ou spécialité ? - Une pédagogie de projet - Une évaluation atypique - Un accompagnement nécessaire
Agronomie Économie Territoires : Option ou spécialité ?
L’enseignement optionnel « Agronomie Économie Territoires » (AET) du nouveau bac général est un élément qui s’inscrit, dans le cadre des politiques publiques portées par le ministère en charge de l’agriculture, en faveur de la transition agroécologique, sanitaire et énergétique.
Le Sgen-CFDT regrette que ce ne soit qu’une option et non une spécialité, principalement pour le volet agronomie qui méritait mieux.
En effet, bien que ce soit une option spécifique, il est probable que quelques élèves ne la prendront pas du fait du titre peu engageant et dont les items parlent peu.
Une pédagogie de projet
Cette option se situe dans la continuité de l’approche réalisée en classe de seconde (GT) dans le cadre de l’enseignement optionnel EATDD (Écologie-Agronomie-Territoires-Développement Durable) et en reprend la même « philosophie » : – rencontres avec les acteurs territoriaux et les professionnels, – éducation à l’environnement et au développement durable, – investigations et recherches, – travail de groupes.
Cet enseignement va plus loin dans la dynamique de la pédagogie active puisque son fondement est la pédagogie de projet.
Le Sgen-CFDT, prônant la diversité des modes d’apprentissage, ne peut que s’en réjouir .
Le Sgen-CFDT demande cependant que des formations nationales, régionales et/ou locales soient proposées rapidement pour cet enseignement et son référentiel court qui peuvent dérouter quelques collègues.
L’objectif est de mettre les élèves en dynamique projet en les rendant acteurs d’une action réelle à conduire dans un territoire. Il faudra choisir ce territoire. La créativité des élèves (et aussi celle des enseignant·es)sera fortement sollicitée et mobilisera au début beaucoup d’énergie et de réflexion. L’action à conduire doit répondre aux enjeux du développement durable, des ruptures attendues et des transitions (agroécologique, énergétique, alimentaire…) à venir. Contrairement aux cours traditionnels de type magistral, les élèves seront mis concrètement en activité, en situation. Ils auront, au sein d’un groupe, à développer et réaliser un projet d’intérêt général. Ils auront acquis ainsi une expérience citoyenne et écocitoyenne. Cet enseignement original s’appuie « sur une approche nouvelle en matière de durabilité de systèmes de production et de valorisation des bio-ressources rassemblées sous le terme de bio-économie ».
Pour le Sgen-CFDT, si cet enseignement est ambitieux, il n’a pas été assez anticipé. Il demande aux enseignant·es : – de maîtriser un réel savoir-faire en matière de pédagogie de projet, – d’être compétent·es pour conduire des diagnostics territoriaux, – de connaître parfaitement le territoire investigué et les acteurs y intervenant et enfin – d’être au clair avec les concepts actuels émergents tels que : bio-économie, bio-ressources, transition énergétique, rupture écologique, etc.
Cette exigence forte pose directement la question de la formation continue des professeurs. Où en est-elle ? Un accompagnement des équipes pédagogiques est-il prévu ? La possibilité de bénéficier de séance d’échange d’expériences ou d’analyse de pratiques sera-t-elle ouverte et offerte à toutes et tous ?
En ce moment, les équipes se posent beaucoup de questions et sont parfois inquiètes.
En classe de première,
les élèves auront à réaliser un diagnostic territorial. Pour ce faire, ils réaliseront « un état des lieux de la valorisation de bio-ressources » au sein d’un territoire. Cet inventaire recensera le nom des différents acteurs (entreprises, collectivités, agriculteurs, artisans, associations, consommateurs, etc.) intervenant sur ce territoire, leur rôle, l’utilisation qu’ils font des ressources naturelles. Ils devront ainsi identifier les enjeux, freins, représentations, conflits éventuels existants au sein de ce territoire quant à l’utilisation de ces dites ressources. Le référentiel indique que « la conduite de débats et de confrontation avec les pairs constitue un pilier de la démarche, le traitement des questions éthiques adossées à la bio-économie doit amener les élèves à s’interroger sur le statut et la valorisation des bio-ressources dans une perspective de durabilité. »
Aura-t-on les moyens de cette belle ambition ?
Le Sgen-CFDT s’interroge et sera vigilant sur la mise en œuvre et l’accompagnement.
Pour le Sgen-CFDT, pour conduire de tels travaux, les élèves devront maîtriser certaines bases disciplinaires, notamment en agronomie, discipline indispensable pour conduire la transition écologique. Sur ce point le référentiel reste très laconique.
En classe de terminale,
une réalisation collective devra être réalisée. La conduite de cet enseignement relève de l’autonomie des équipes. Les élèves conduisent, en groupe, un projet pédagogique lié à la valorisation des bio-ressources dans le territoire. Pour rendre compte de leur démarche et être évalués, les élèves élaboreront « un portfolio comportant en particulier un journal des apprentissages ». Pour évaluer les élèves, les enseignant·es veilleront « au recensement d’abord de ce qui a été fait, puis de ce qui a été appris, mais aussi de ce qui interroge, de ce qui étonne ; la démarche permettant ainsi d’acquérir une réflexion sur les compétences travaillées. »
Pour le Sgen-CFDT, le principe de laisser une forte autonomie aux équipes pour conduire cet enseignement est positif et attendu des équipes. L’autonomie néanmoins réclame de l’accompagnement et de la formation.
Il faut donc que dans chaque établissement une organisation efficace soit pensée pour la concertation entre les enseignant·es impliqué·es dans cette option et pour appuyer leurs travaux.
La mise en place du ruban pédagogique et des cours va demander au départ du temps et de l’énergie, et surtout de la co-construction, de la coopération, bref du travail en équipe, donc du temps dédié.
Pour le lancement de cet enseignement, il faut que les enseignant·es puissent s’appuyer sur les réseaux d’acteurs territoriaux dans lesquels l’établissement est impliqué. Il faut mobiliser en interne l’ensemble des personnes ressources qui ont cette connaissance et s’appuyer sur leurs compétences. Il faudrait qu’un guide d’accompagnement (édité par EDUCAGRI ÉDITION) soit proposé, comme ce fut le cas lors du lancement de l’EATC en 2000-2001.
Une évaluation atypique
L’évaluation est conçue pour permettre « la régulation et les ajustements nécessaires de la conduite de l’enseignement. » Elle ne se situe pas dans la lignée des évaluations traditionnelles sanctionnant un apprentissage (la maîtrise à énoncer un savoir) d’une manière définitive et terminale.
Pour atteindre ces objectifs, « une diversité de situations d’évaluation est privilégiée, engageant alternativement ou conjointement des compétences écrites ou orales, individuelles et/ou collectives. »
Pour le Sgen-CFDT, cette évaluation est conçue pour accompagner les apprentissages, c’est à dire la maîtrise de compétences nouvelles acquises par les apprenant·es. Elle aide l’élève à faire le point sur ce qui est maîtrisé dans la démarche et ce qui ne l’est pas. À ce dernier de rebondir grâce aux conseils prodigués par les enseignant·es pour enfin maîtriser cette compétence. Plus que l’érudition et la maîtrise de la connaissance d’un savoir académique, on évalue la capacité à agir et à raisonner l’engagement par l’argumentation qui présente les raisons sous-tendant l’action qui a été réalisée. Évaluation atypique et originale.
Les situations d’évaluation donnent lieu à l’élaboration de grilles dont les critères éclairant les compétences à acquérir sont régulièrement co-construits avec les élèves. L’évaluation permet à chaque élève et au collectif de se situer, étape par étape, dans les acquisitions. Les enseignant·es forment les élèves à l’auto-évaluation et aux évaluations entre pairs.
Pour le Sgen-CFDT, si ce type d’évaluation est pertinent, sa maîtrise par l’ enseignant·e ne va pas de soi. Encore une fois, il faut former les enseignant·es à l’évaluation « autrement » de leurs élèves, ce qui n’est pas si simple si aucune formation n’est dispensée.
Un accompagnement nécessaire
Il n’est pas possible de lancer un tel référentiel sans prévoir en parallèle une offre de formation spécifique pour les enseignant·es engagé·es dans cette rénovation et un accompagnement resserré des équipes par le dispositif national d’appui et l’inspection.
L’accumulation actuelle des réformes ne va pas faciliter le travail important qui devra être fait.
Un enseignement innovant renforçant l’image et la spécificité de notre système éducatif
En 1985, l’enseignement agricole avait été innovant en introduisant des modules pluridisciplinaires et le contrôle en cours de formation.
Bâtir aujourd’hui tout un enseignement autour de la pédagogie de projet participera à terme à maintenir l’enseignement agricole comme un système éducatif innovant : le Sgen-CFDT veut y croire.