Qu'est-ce qui est réellement reproché en droit à ces deux textes et quelle peut être la suite juridique de cette décision ?
L’annulation de l’arrêté et de la note de service concernant les groupes de niveau/besoin par le Conseil d’état demande des explications et une lecture juridique de la décision.
Une victoire collective dont nous pouvons nous féliciter
Dans sa décision du 28 novembre 2024, 4ème et 1ères chambres réunies, le Conseil d’état a sanctionné la méconnaissance de la loi par le ministre de l’Éducation nationale qui n’avait pas le pouvoir d’instituer des groupes de niveau/besoin pour des enseignements comme il l’a fait par simple arrêté.
L’arrêté et la note de service du 15 mars 2024 ont été annulés pour excès de pouvoir, sur le fondement de l’incompétence du ministre de l’Éducation nationale pour prendre une décision d’organisation des enseignements qui, depuis la loi n°75-620 du 11 juillet 1975 relative à l’éducation, dite « loi Haby », relève du premier ministre par voie de décret.
Contrairement à ce qu’a soutenu le ministère de l’Éducation nationale, le Conseil d’état a admis que touchant à l’organisation des enseignements de français et de mathématiques, « les dispositions contestées de l’arrêté doivent être regardées, eu égard à leurs effets, comme affectant les conditions d’emploi et de travail des personnels enseignant ces disciplines au collège », ce qui est le cas des adhérents CFDT.
C’est sur cette base que le Conseil d’état a considéré que la Fédération SGEN-CFDT était parfaitement recevable à demander l’annulation de cet arrêté.
Notre fédération avait été le premier syndicat à déposer un recours dès le 4 avril, suivi ensuite par l’UNSA-Education et le Snes-FSU.
Le moyen qui fonde cette annulation est présenté au point 14 de la décision. Le Conseil d’Etat invoque l’article L. 311-2 du Code de l’éducation issue de l’article 8 de la loi Haby qui dispose que « L’organisation et le contenu des formations sont définis respectivement par des décrets et des arrêtés du ministre chargé de l’éducation (…) » pour considérer que « l’organisation de l’enseignement dans les collèges doit être déterminée par décret, le ministre chargé de l’éducation n’ayant compétence pour définir par arrêté que le contenu des formations, c’est-à-dire les matières, horaires et programmes des enseignements ». Il suit de là que les dispositions de l’article 4 de l’arrêté attaqué sont entachées d’incompétence en tant que selon le Conseil d’Etat « la ministre de l’Éducation nationale et de la jeunesse et la ministre chargée des Outre-mer » (…) « ne se sont pas bornées à édicter des dispositions afférentes au contenu des enseignements de français et de mathématiques qui auraient pour seul objet de préciser les modalités de leur dispensation, mais ont adopté des règles touchant à l’organisation de l’enseignement du français et des mathématiques au collège, lesquelles relèvent de la compétence du Premier ministre agissant par décret ».
Groupes de niveau : l’annulation effective en juillet 2025
Après avoir rappelé (au point 19 de la décision) que « l’annulation d’un acte administratif implique en principe que cet acte est réputé n’être jamais intervenu », le Conseil d’état a retenu qu’une annulation des groupes de niveau/besoin avec effet immédiat aurait pu avoir des « conséquences manifestement excessives ». Il en a par conséquent différé l’effet au 6 juillet 2025.
Nous pouvons donc être légitimement déçus que tout en étant annulés, les groupes de besoin/niveau échappent à une disparition immédiate. Cette modulation est d’autant moins compréhensible que l’arrêté était incontestablement difficile à mettre en œuvre : à peine un tiers des collèges avaient pu le mettre en place en raison de grandes difficultés matérielles. La suppression de ces groupes n’aurait, par contre, créé aucune difficulté particulière pour l’organisation des établissements. Pour la CFDT, les effets délétères de cette réforme sont tels sur le travail des enseignants qu’il convenait de les faire cesser au plus vite.
Cette annulation ouvre un espace supplémentaire pour nous opposer à cette mesure du choc des savoirs
L’arrêté étant annulé, si le gouvernement voulait poursuivre sa politique à la rentrée 2025, il devrait prendre un décret et donc le soumettre pour avis au Conseil Supérieur de l’Éducation.
Au-delà de la consultation formelle de l’instance, il conviendrait d’entendre largement les agents concernés et leurs représentants et d’étudier les difficultés qu’ont rencontrées les établissements dans la mise en œuvre de l’arrêté annulé. Pour la CFDT, un tel bilan lucidement mené ne pourrait qu’entraîner l’abandon du projet.