Le manque d’attractivité pour les métiers enseignants est, pour de nombreux pays européens, un sujet de préoccupation des autorités politiques. Face à cette situation, les solutions sont multiples et impliquent avant tout une reconnaissance du rôle fondamental des enseignants.
Les études annuelles Eurydice, menées par l’Union Européenne, montrent une évolution inquiétante en matière d’attractivité pour de nombreux états comme l’Italie ou le Portugal où plus de la moitié des enseignants ont plus de 50 ans.
Le métier d’enseignant n’est donc plus comme il se disait il y a quelques décennies « le plus beau métier du monde » car il n’attire plus les nouvelles générations autant qu’il le faudrait.
Souvent citée comme élément non attractif, la rémunération. Or, en Europe, selon l’étude Eurydice de 2021 menée par l’Union Européenne, c’est bien la question de la reconnaissance du métier qui est la plus citée par les personnels y compris en France.
La question est importante notamment pour un pays comme la France (27ème sur les 41 pays mesurés) mais elle ne peut aller de pair qu’avec des réponses données à l’exercice d’un métier de plus en plus complexe.
Une adaptation permanente des enseignants
Le rôle des enseignants au sein des établissements est de plus en plus complexe. Il nécessite une adaptabilité permanente à un monde en mutation permanente.
Si le travail avec les élèves est ce que les enseignants valorisent le plus, cela lui demande pourtant une capacité à travailler avec des groupes de plus en plus hétérogènes.
Dès lors, ils/elles ne travaillent plus seulement le transfert de savoirs mais doivent composer dans la classe avec la construction de parcours très différents d’un élève à l’autre.
On assiste ainsi sur de nombreux pays européens comme en Irlande en Pologne à un fossé qui se creuse entre les élèves et les enseignants. Animer, manager sont aujourd’hui des éléments nécessaires pour devenir enseignant.
Ces compétences sont aussi très recherchées par d’autres secteurs professionnels plus valorisants et rémunérateurs. Dès lors, il convient pour de nombreux pays dont la France de trouver des solutions pour redonner à ce métier un prestige social.
Une formation initiale et continue en rapport avec les besoins
Cela passe notamment par la nécessaire adaptation de la formation des enseignants où il est trop souvent constaté un décalage entre la représentation du métier et la réalité de son exercice, un phénomène qui n’épargne aucun pays européen.
En Finlande, par exemple, en matière de formation continue, l’État a instauré au sein de chaque établissement scolaire des temps d’analyses de pratiques. Ces formations au plus près des besoins des enseignants et moins injonctives sont ainsi basées sur des principes de recherche-action que l’on pourrait en France rapprocher de ce qui se fait avec la formation en constellations.
C’est donc avant tout le sens du métier qui est questionné tant en formation initiale qu’en formation continue.
Plus de collectif pour réfléchir ensemble
Le constat unanime qui est fait est la nécessité de sortir d’un enseignant isolé dans sa matière, dans sa classe au sein de son établissement scolaire.
L’équipe pédagogique doit véritablement prendre sens en matière éducative. La gestion de publics plus difficiles, hétérogènes, d’élèves porteurs de handicap au sein de la classe passe pour de nombreux pays par du travail collectif au sein de l’établissement.
Ainsi en Allemagne, des temps collectifs obligatoires hebdomadaires sont installés au sein des établissements pour permettre d’échanger sur les pratiques pédagogiques et la construction du parcours des élèves. Ces temps banalisés font partie intégrante du temps de travail.
D’autres pays font le même choix comme en Belgique ou au Danemark, des pays où l’initiative est souvent laissée au chef d’établissement qui ainsi dispose d’une plus grande autonomie pour piloter en fonction des besoins et des aspirations des équipes pédagogiques.
La rémunération ciblée, est-ce vraiment une bonne idée pour l’attractivité ?
Pour résoudre ces problématiques d’attractivité, d’autres pays ont opté pour des mesures radicales qui pour le moment ne convainc pas.
Ainsi le Portugal a généralisé récemment la possibilité donné aux chefs d’établissements de recruter des enseignants en ayant recours à la contractualisation. Cette mesure, qui n’a pas été accompagnée notamment de perspectives de formation, de carrière, n’a pas eu les effets escomptés du fait notamment d’un immobilier dont les prix ont fortement augmenté, un phénomène provoqué par l’arrivée massive de touristes s’installant dans le sud du pays. Les salaires portugais n’ont pas suivi cette évolution et les personnes engagées ne trouvent souvent pas à se loger.
C’est aussi le cas sur de nombreuses métropoles françaises où la chasse au logement est un sport même quand on possède un CDI ou en étant fonctionnaire titulaire.
Une nécessité, fidéliser
Cette situation est d’autant plus alarmante que le taux de démissions ou de départ en rupture conventionnelle des enseignants augmentent tous les ans dans l’ensemble des pays européens.
Il convient donc avant tout de fidéliser les enseignants qui obtiennent leur titularisation.
Au Royaume Uni par exemple, 50 % des enseignants qui avaient commencé leur carrière en 2012 avaient quitté l’enseignement 5 ans plus tard et ce notamment dans les régions les plus éloignés des grands centres urbains.
Pour endiguer ce phénomène le Ministère a instauré des rémunérations différentes suivant les régions et leur attractivité.
Ce sera le cas prochainement de la Suède, immense pays avec un habitat très clairsemé où certaines régions très reculées ne trouvent pas d’enseignants. Pourtant, 80 % des enseignants devront être renouvelés dans ce pays dans les 7 ans qui viennent.
Protéger les débuts de carrière
Cette fidélisation doit surtout se faire en début de carrière en prenant soin de mettre les jeunes enseignants dans de bonnes conditions pour appréhender leur métier.
Ainsi de nombreux pays comme l’Irlande, la Croatie ou l’Autriche ont pris la décision de protéger les premières années en les titularisant sur des postes jugés moins difficiles.
Outre cette protection, des enseignants tuteurs sont nommés pour les aider dans leurs tâches pédagogiques au sein de l’école où ils ont pris fonction. Cette tendance tend à se généraliser chez nos voisins européens, c’est même une recommandation de l’Union Européenne adressée aux pays membres. Cela passe donc par une prise de conscience collective de la nécessité de mieux accompagner les entrants afin de les mettre dans les meilleures dispositions d’apprentissage du métier.
Pas de solutions toute faites mais la France doit s’en inspirer pour regagner en attractivité
On le voit bien à travers ces exemples, les pays dans leur grande majorité cherchent des solutions. Il semble que résoudre le problème de l’attractivité du métier d’enseignant passe par des approches multiples.
Pour le Sgen-CFDT, la France doit absolument observer, analyser ce qui se passe un peu partout en Europe et adapter évidemment les mesures à sa réalité territoriale.
Néanmoins, deux constantes seront immanquablement à prendre en compte : la reconnaissance de la professionnalité des personnels et la nécessaire amélioration des conditions d’exercice du métier notamment par un accompagnement bienveillant tout au long de la carrière.
L’autonomie, la participation aux décisions, l’écoute sont également des axes forts pour permettre aux enseignants de retrouver du plaisir à exercer leur métier. Cela doit évidemment également passer par une amélioration de la rémunération afin de reconnaître l’investissement des personnels.