La première réunion du comité du suivi de la réforme du baccalauréat et des lycées généraux et technologiques se tient ce mardi 24 septembre 2019. À cette occasion, le Sgen-CFDT a fait la déclaration suivante :
Monsieur le ministre, mesdames et messieurs les membres de ce comité de suivi,
Le Sgen-CFDT salue l’installation de ce comité de suivi des réformes du bac et du LGT qui correspond à un changement de méthode que nous appelions de nos voeux.. Le Sgen-CFDT a critiqué cette réforme mais il entend utiliser sans manichéisme ni naïveté ce nouvel espace de dialogue. Il y portera ses propositions pour permettre de construire des solutions pour les personnels qui travaillent dans les lycées et qui sont confrontés à des difficultés majeures. Certaines doivent être traitées à court terme, d’autres avec un délai un peu plus important mais le temps est compté.
la question de la classe comme groupe de référence
Les emplois du temps n’ont pas été la catastrophe annoncée grâce à un travail très important des équipes de direction, et en particulier des proviseurs adjoints, pendant les vacances. Ce travail a été rendu possible par les nouveaux outils mis à leur disposition , notamment issus des services informatiques. Ces outils ont rendu possible le brassage des élèves dans les classes pour éviter la reconstitution de filières. Cette organisation s’inscrit dans une logique intéressante de choix des élèves, mais elle est fragile. En effet, elle individualise davantage les emplois du temps des élèves et remet en question la classe comme groupe de référence. Cette évolution, pourtant parfaitement prévisible, n’a pas été anticipée, que ce soit pour les conseils de classe ou pour la mission de professeur principal définie par une circulaire réécrite il y a moins d’un an et déjà obsolète (le Sgen-CFDT avait dénoncé à cette époque une occasion manquée). L’alternative est pour nous la suivante :
– soit les établissements qui ont joué le jeu de la réforme, et ils sont nombreux, sont accompagnés pour installer de nouveaux groupes de référence et de nouvelles modalités de suivi, ce qui impliquera une réécriture réglementaire, et des moyens ;
– soit les contraintes organisationnelles vont les amener à faire marche arrière et à revenir à des structures classes qui vont se hiérarchiser très vite en groupes de niveau.
la question de l’évaluation
Le deuxième sujet majeur est la question de l’évaluation.
Nous l’avons dit, l’évaluation est pour notre organisation un des angles morts majeurs de cette réforme. Celle-ci est construite en trois blocs compensables entre eux (épreuves terminales, E3C, bulletin). Mais ces blocs d’épreuves ont été déterminés par leur type de passation, et non par leur contenu ou par les compétences attendues (sauf peut-être l’épreuve d’oral, mais on n’en connaît pas encore précisément les contours).
Pour les élèves, cela constitue donc un long parcours d’obstacles qu’il faudra franchir, avec un stress quasi permanent « de la note ».
Pour les équipes enseignantes, le sens à donner à cette multitude d’évaluations va s’avérer complexe : d’une part les temps d’apprentissage seront de fait confondus avec le temps des notes du bulletin, qui compteront pour une part (certes faible, pour chaque matière prise isolément…) dans la certification finale. D’autre part, les questions d’articulation des contenus et compétences avec les autres épreuves se posent : doit-on évaluer d’autres compétences sur ces temps-là, ou bien en faire des temps d’entrainement aux diverses épreuves ? Force est de constater qu’il n’y a pas pour l’instant de réponse claire.
Pour le Sgen-CFDT, les réponses à ces questions sont fondamentales car elles vont orienter les pratiques pédagogiques des enseignants, qui ont comme seul objectif de faire réussir les élèves, et donc de faire réussir leurs élèves aux diverses modalités d’examen. Il y a donc bien évidemment un risque de bachotage permanent…
en particulier, la question de l’organisation des E3C
Dans ce cadre la clarification des objectifs et des modalités d’organisation des E3C est essentielle : ces épreuves étaient initialement pensées comme des photographies trois fois dans le cycle pour mesurer la progression des élèves. Mais deux des trois sessions sont maintenant positionnées en fin d’année, ce qui en fait de facto des épreuves bilans, récapitulatives d’une année complète. Les banques nationales de sujets ne préviendront à elles seules cette évolution, car on attendra des élèves qu’ils aient révisé l’ensemble du programme.
Le Sgen-CFDT a pointé depuis longtemps la contradiction à vouloir imposer un contrôle externe important à des épreuves intitulées de contrôle continu. Ces temps étant « sacralisés » par des pratiques d’anonymat, d’harmonisation…, ils auront de fait une valeur symbolique importante pour tous les acteurs (élèves/familles/enseignants) et demanderont une certaine organisation formelle, dont beaucoup d’aspects restent problématiques :
• la question de la généralisation de la dématérialisation dès la première session des E3C reste en suspens (nous sommes d’ailleurs demandeurs du bilan de l’expérimentation de juin dernier)
• la question de la conservation des copies, (au moins 1 an après la passation des épreuves dans les lycées) pose des problèmes matériels (armoires fortes ?) notamment.
• la question de la restitution de la copie enfin (après la tenue des commissions d’harmonisation) : quel sens donner à une copie restituée un mois après l’épreuve, notamment pour les sessions situées en fin d’année, c’est-à-dire de facto à la rentrée de l’année de terminale pour l’E3C2, et au moment des résultats du baccalauréat pour l’E3C3 ? L’intérêt pédagogique de cette restitution paraît faible (en particulier pour la spécialité évaluée en épreuve anticipée en 1ère) et doit être mis au regard des risques contentieux.
Même si les temps d’épreuves prévus sont « limités », cela nécessitera des temps de concertation avant les épreuves, non seulement pour choisir le ou les sujets, mais aussi pour se répartir les copies entre collègues qui n’ont pas les élèves, pour discuter des critères des barèmes, puis des temps de correction après les épreuves, d’harmonisation des notes entre équipes sans parler des épreuves de rattrapage… Ces périodes ne pourront donc pas être simplement substituées aux cours ordinaires et devront être reconnues en décharge horaire et/ou en indemnitaire. L’absence de perspective claire sur ce point est incompréhensible à cette date de l’année : soit le problème est juridique, soit il est budgétaire, mais il doit absolument être traité rapidement.
la question des programmes
La question des programmes doit pour le Sgen-CFDT être la troisième priorité de ce comité. Nous avons critiqué avec d’autres le caractère inadapté de beaucoup d’entre eux qui mettent en difficulté les enseignants, et notamment ceux de français, qui plus est dans un contexte de mise en œuvre de deux années en une rentrée. Nous soulignons le manque d’accompagnement à leur mise en œuvre constatée en ce début d’année. Nous demandons qu’un suivi soit mis en œuvre et qu’une adaptation des programmes soit programmée dès juin prochain.
Il existe d’autres sujets comme le dispositif d’aide à l’orientation, le calendrier de l’année de terminale, le lien avec le post-bac ou les effets de la réforme en terme RH. Mais ce sont bien les trois sujets du groupe-classe, de l’évaluation et des programmes qui touchent le plus le travail des personnels en cette rentrée et qui doivent pour notre organisation être traités en priorité. C’est bien le lien avec ce qui se passe dans les établissements qui fera l’efficacité du travail de suivi de la réforme. Il est donc essentiel d’une part que notre comité, au delà de ses co-pilotes, puisse se déplacer fréquemment sur le terrain à la rencontre des équipes de lycées et d’autre part qu’il soit complété dans son travail par des comités de suivi académiques.