Cet intitulé est celui d’une mission sénatoriale visant à identifier les difficultés rencontrées par les élus locaux dans la rénovation du bâti scolaire.
Son rapport doit être rendu public en juin prochain.
Extraits des réponses du Sgen CFDT auditionné dans le cadre des travaux de cette mission.
De manière générale, le bâti scolaire semble-t-il adapté aux enjeux de la transition écologique ?
Réponse du Sgen : Clairement non, les deux fermetures historiques des établissements scolaires pour canicule décidées en juin 2019 et 2022 en sont la preuve. Elles ont fortement impactés les 49 000 écoles primaires et les collègues et perturbé le déroulement du bac et des examens de fin d’année.
Le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires a indiqué que la France devait baser sa politique d’adaptation au dérèglement climatique sur un scénario d’augmentation de la température en France métropolitaine de 4 degrés.
A notre connaissance, cette hypothèse n’a jusqu’ici pas été prise en compte dans un quelconque projet de construction ou de rénovation du bâti scolaire.
Quels sont les principaux défis auxquels le bâti scolaire est confronté ?
La transition écologique implique de diminuer la quantité d’énergie requise pour assurer une ambiance thermique favorable aux apprentissages. Cela nécessite une isolation qui est loin d’être la norme.
Lors des derniers épisodes de chaleur en métropole, les seuils de températures acceptables pour poursuivre les activités scolaires ont bien souvent été dépassés pour les personnels comme pour les élèves.
Constatez-vous, une évolution dans la prise en compte de l’adaptation du bâti scolaire aux enjeux de transition écologique ?
Nous ne disposons pas d’indicateur, mais des remontées du terrain montrent des initiatives prises par certaines collectivités territoriales. Cette adaptation ne se fait pas sur la base des +4 degrés et ne tient pas toujours compte de ce que vivent les personnels et les élèves.
Ce n’est en tous cas pas une évolution généralisée.
Les équipes pédagogiques sont-elles consultées par les collectivités territoriales, avant le lancement de travaux de rénovation énergétique ?
Les expériences rapportées sont diverses. Il y a souvent une confusion entre les équipes pédagogiques et la direction de ces équipes, notamment dans le 1er degré où les directeurs/trices et les équipes sont rarement associées.
Face aux canicules qu’a connues la France ces dernières années, quelles ont été les recommandations du ministère, à la fois vis-à-vis des élèves, mais aussi du personnel ?
Le Sgen CFDT a constaté de graves défaillances du MENJS, à la fois en tant qu’ employeur et en tant que ministère.
Il faut rappeler que les travaux de P. Wargocki, expert auprès des Nations Unies, menés en 2019 ont montré que les performances scolaires des élèves diminuent lorsque la température des classes augmente trop.
Ces épisodes affectent considérablement les conditions de travail des personnels.
L’Institut national de recherche et de sécurité (INRS) considère qu’au-delà de 30 °C pour un salarié sédentaire, et 28°C pour un travail nécessitant une activité physique, la chaleur peut constituer un risque pour les agents. Or les températures constatées dans les établissements scolaires lors de ces épisodes dépassent régulièrement les 30°. Comme tout employeur, le MENJS a l’obligation de prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger la santé de ses agents (article L. 4121-1 du Code du travail). Malgré cette obligation, aucune action de prévention ou d’information n’a été adressée spécifiquement aux personnels, notamment pour les plus fragiles d’entre eux (pathologies, agents de + de 60 ans,..).
Les personnels des écoles maternelle sont particulièrement concernés lors de ces épisodes.
Une attention particulière doit être portée aux enfants de 2 à 6 ans très sensibles aux coups de chaleur et à la déshydratation, mais là encore aucune mesure spécifique du ministère.
Le Sgen-CFDT a d’ailleurs rappelé à cette occasion que l’exercice du droit de retrait peut trouver des motifs légitimes de mise en œuvre (température au-delà de 33°, personnes à risques…).
Les personnels ne se sentent ni écoutés, ni protégés par leur employeur. Les services de santé au travail sont quasiment inexistants faute de volonté politique et de personnels pour les mettre en place. L’employeur n’assume pas sa responsabilité de manière acceptable.
Il faudrait aussi une norme qui permette de se référer à des éléments objectifs pour décider de la continuité de l’activité.
Les établissements scolaires sont-ils prêts à affronter une prochaine canicule ?
Absolument pas. Suite aux derniers épisodes de canicule, et comme pour l’épidémie de COVID, aucun retour d’expérience n’a été mené par les CHSCT départementaux (devenue « Formation Spécialisée » depuis), les agents de prévention des circonscriptions du 1er degré ou les CHS d’établissements du 2nd degré permettant d’anticiper et de préparer les prochaines vagues de chaleur.
Il n’y a aucune préparation, aucune anticipation. Il serait nécessaire de tenir compte de ce qui se fait dans les divers territoires, en particulier dans le Sud de la France et dans les collectivités ultramarines.
Quelles doivent être les priorités d’action pour permettre au bâti scolaire de faire face aux enjeux de la transition écologique ?
Il faudrait pouvoir planifier la rénovation thermique en fonction de l’urgence de la situation. Il nous semble qu’on doit pouvoir à la fois prendre des mesures correctrices pour rendre la situation supportable et réaliser des rénovations ou des constructions qui seront beaucoup plus coûteuses et prendront du temps.
Il y a donc deux temps à prévoir :
Un temps immédiat pour se préparer aux potentiels épisodes de chaleur pouvant survenir à très court terme, d’ici quelques semaines sachant que le calendrier scolaire s’étire jusqu’au 8 juillet cette année.
On peut préparer et anticiper ces épisodes par quelques mesures simples :
- prévoir l’approvisionnement des établissements scolaires en eau en QUANTITE et en QUALITE, la sécheresse pouvant impacter la qualité sanitaire de l’eau du robinet.
- reprendre les recommandations de l’INRS : Aménagement des horaires de travail (cours uniquement le matin comme cela a été fait tout récemment en Espagne), des temps de pause, mise en place de ventilateurs d’appoint, d’extracteurs de chaleur (si la température est <33°C), arrêt ou remplacement (ampoule) de toute source additionnelle de chaleur, pose de films antisolaires sur les parois vitrées, de stores extérieurs ou de volets,..
- Prévoir une mise en œuvre de consignes visant à protéger les personnels et les élèves les plus fragiles (pathologies, élève de maternelle, agent de + de 60 ans,..). Les personnels concernés doivent être invité à faire connaître s’ils le souhaitent leur situation à leur (rare) médecins du travail encore en activité dans les DSDEN .
A plus long terme, la connaissance du bâti scolaire semble être la première étape de la prise en compte de l’adaptation. Cela passe par la réalisation de diagnostics sur l’état de chaque établissement au regard des enjeux de la transition écologique mais intégrant aussi d’autres enjeux liés au bâti
- les questions de sécurité : incendie et Espace d’Attente Sécurisé (EAS), plan vigipirate, PPMS attentat-Intrusion, (instruction relative au renforcement des mesures de sécurité et de gestion de crise applicables dans les écoles et les établissements scolaires publiée au BOEN le 13 avril 2017).
- les questions sanitaires : retour d’expérience de l’épidémie de COVID avec des questions comme les points, d’eau, la circulation des élèves et des usagers, l’isolement temporaire des malades dans un local spécifique mais aussi celles liées au radon, à l’amiante…
- la problématique de qualité et de renouvellement de l’air. Cette question ne date pas de l’épidémie COVID mais elle l’a exacerbée. Question importante qui concerne les pollutions au radon évoquée ci-dessus mais aussi au CO2, COV (benzène, formaldéhyde, ..) et plus généralement l’ensemble des pollutions de l’air, les locaux fermés concentrant les polluants.
Le Sgen-CFDT demande que soient mis en place des diagnostics « bâti scolaire ».
Ces diagnostics doivent englober la transition écologique mais aussi l’ensemble des problématiques énoncées ci-dessus et non pas se limiter à la seule question de la sécurité comme c’est le cas actuellement dans les établissements du 2nd degré
La définition de normes est ensuite nécessaire.
Il faudrait également pouvoir planifier la rénovation thermique en fonction de l’urgence de la situation. Il nous semble qu’on doit pouvoir à la fois prendre des mesures correctrices pour rendre la situation supportable et réaliser des rénovations ou des constructions qui seront beaucoup plus coûteuses et prendront du temps. Face aux coûts de cette adaptation, les collectivités territoriales doivent disposer de financements supplémentaires.
Pouvez-vous faire un point sur la mise en place des éco-délégués ?
La mise en place des éco-délégués est très inégale. Les établissements s’en sont saisis de manière variable, avec des réussites et souvent seulement de l’affichage. Le temps manque pour mettre en œuvre de réels projets en rapport avec ce statut.
Il en va de même de l’outil mis en place à la rentrée scolaire 2023 qu’est le CESCE (comité d’éducation à la santé, à la citoyenneté et à l’environnement). C’est le fonctionnement même des EPLE qui est questionné, y compris le temps très disciplinaire du travail des personnels comme des élèves.
A quoi doit ressembler une « école du futur », plus particulièrement au regard des enjeux de transition écologique et de développement durable ?
L’école du futur devrait être une école neutre en carbone et qui s’est adaptée au dérèglement climatique.
Mais c’est aussi une école qui soit capable d’emmener les élèves qui lui sont confiés vers un futur désirable, que ce soit dans la constitution de leur capacité à agir sur leur monde, ou dans la construction de leur avenir professionnel.
Beaucoup questionnent l’organisation actuelle de la scolarité, des temps scolaires et des finalités du système éducatif.
Le bâti scolaire du futur doit devenir également une source d’exemplarité et d’inspiration en matière de transition écologique, et notamment d’impact carbone, afin de sensibiliser les élèves , leurs familles et les personnels aux gestes et aux décisions.
Pour le Sgen-CFDT, plusieurs pistes peuvent être explorées :
- Une restauration scolaire exemplaire en matière d’impact carbone, qui respecte les enjeux climatiques: circuits courts, part importante du bio, protéines végétales, réduite drastiquement le gaspillage alimentaire, tri recyclage des déchets ,
- transports scolaires : favoriser les modes de déplacements « doux » pour accéder aux établissements scolaires : vélo, patinettes, bornes de rechargement, pédi-bus,
- tri des déchets et recyclage par les élèves et les personnels (notamment livres et papiers)
- production électrique par des panneaux solaires.
- récupération des eaux de pluies au bénéfice des projets et activités pédagogiques de l’établissement (potager, plantation,..) et des besoins de la commune (arrosage espaces verts,..).
Le site de la mission d’information « Le bâti scolaire à l’épreuve de la transition écologique ».