L'universitaire Céline Chauvigné nous livre son point de vue sur sa conception du climat scolaire, ses réflexions et les pistes d'amélioration. Voici l'entretien complet en complément du dossier Profession Education n°297.
En même temps que des études d’histoire poussées jusqu’en début de thèse, Céline Chauvigné a obtenu le concours de CPE, exercé en temps partagé les fonctions de DAVL (déléguée académique à la vie lycéenne) puis de formatrice à l’IUFM (institut de formation des maîtres) avant un bref détour vers les fonctions de personnel de direction. Elle est l’auteur d’une thèse sur l’éducation à la citoyenneté, et de travaux de recherche sur le climat scolaire.
Pourquoi avoir produit une thèse sur le climat scolaire ?
A l’IUFM j’ai observé une méconnaissance par mes pairs des missions des CPE ( Conseillers Principaux d’ Éducation). En outre j’étais attachée à l’accompagnement des adolescents du point de vue de leur épanouissement et de leur réussite. J’ai alors décidé d’abandonner le projet de thèse en histoire et de le poursuivre en sciences de l’éducation (2007) après quelques années en tant que CPE. Après la soutenance de la thèse (2010) j’ai obtenu un poste de maîtresse de conférences et puis passé une HDR (habilitation à diriger les recherches) en 2019 pour pouvoir accompagner des étudiants en thèse. Ce travail en complément de ma thèse étudie la littérature professionnelle du métier et le développement des apprentissages en dehors de la classe.
À partir de vos recherches sur le climat scolaire comment en êtes vous venue à vous pencher sur la question de l’éducation à la citoyenneté ?
C’est l’axe central de ma thèse, le climat scolaire n’en représente qu’un des aspects.
Trop souvent ce climat est identifié à la sécurité scolaire. Or il ne se limite pas à cette seule notion.
En ce qui me concerne j’ai ancré mes travaux de recherche sur le climat scolaire en tant que démarche globale tout en rendant compte de l’École dans son ensemble. Cette recherche a porté à la fois sur l’émergence de la qualité de vie dans les établissements et sur l’émergence du sujet en tant que tel.
À partir de quels critères retenus un indicateur de climat scolaire est-il pertinent ?
Le choix de ces critères est étroitement lié au contexte propre à chaque établissement, que ce soit en REP (réseau d’éducation prioritaire), en milieu urbain ou rural. A ce titre, le projet d’établissement fixe les orientations d’ensemble. Le projet de vie scolaire s’inscrit dans cette dynamique dans laquelle le CPE est force de propositions, souvent maître d’œuvre avec les équipes et évaluateur de la démarche.
L’appréciation de ce climat par l’institution va d’abord être appréhendée de manière quantitative au moyens d’indicateurs chiffrés (nombres d’incidents, de sanctions, d’exclusion, difficultés scolaires, etc.). Puis de manière qualitative laquelle prend en compte le vivre ensemble, les expériences de démocratie participative, les projets de vie collégienne et lycéenne, etc. C’est dans ce contexte général que la thématique de l’éducation à la citoyenneté prend sens.
Comment sensibiliser les membres de la communauté éducative, et les élèves, à la qualité de ce climat ?
Le climat scolaire est une démarche globale, c’est à la fois un état d’esprit et un projet ambitieux.
L’élève est acteur du climat scolaire au regard de ce que les adultes lui proposent. Sensibiliser est une première étape de la démarche, elle concerne aussi tous les acteurs et les partenaires immédiats.
Mais il faut aller au-delà de cette sensibilisation, il faut le vivre, en faire l’expérience. L’idée est qu’il faut y prendre part pour en recueillir un bénéfice pour soi et pour les autres et être reconnu dans cette démarche. C’est le résultat obtenu qui génère de l’émulation. L’expérience vécue permet de pérenniser ce climat.
Le collectif et la cohésion sont essentielles :Il faut d’abord former les adultes, et particulièrement les enseignants, à la communication non violente, aux compétences psycho-sociales. Ensuite fédérer les équipes autour de projets puis inclure les parents, etc. C’est une démarche collective dans laquelle il faut porter de l’attention aux autres, sensibiliser, apprendre, échanger. C’est un travail sur le long terme.
Comment abordez-vous cette thématique avec vos étudiants ?
L’analyse de pratique est un capital sur ce sujet mais le travail sur l’accompagnement des élèves dans leur globalité est fondamental avec le développement des compétences psycho-sociales, la mise en responsabilité, la mise en place de repères. Éprouver les choses collectivement avec l’ensemble des acteurs de l’établissement dans une démarche de coopération, d’accompagnement des autres, dans des relations sereines sont des éléments primordiaux.
Que souhaiteriez-vous transmettre à de futurs professionnels de l’enseignement et de l’éducation sur la thématique du climat scolaire ?
Les futurs professionnels sont des étudiants, ce sont des personnes qui préparent un concours dans un temps contraint. Ils fonctionnent dans une logique du temps court alors que leur formation de futurs professionnels s’inscrit dans le temps long.
Il s’agit pour les futurs CPE de les décentrer de la dimension exclusivement comportementale tout en veillant à travailler une culture commune avec les enseignants. Il s’agit de les faire réfléchir sur leur travail et sa mise en œuvre. L’objectif visé consiste à mettre en germe des pratiques de travail, de réflexion et d’impulser des démarches globales.
Il faut aussi continuer à se former, à s’auto-former, cultiver la curiosité, se renouveler, mais aussi entreprendre un travail sur soi pour créer les conditions d’un environnement apaisé.
Propos recueillis par Jean-Pierre Colonna