(Conseil National de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche)
Le Sgen-CFDT et la CFDT ont aujourd’hui à se prononcer sur le projet de loi « Orientation et réussite des étudiants ».
Quel est l’état des lieux de la situation aujourd’hui ?
Depuis plusieurs années le tirage au sort est pratiqué pour faire face à la hausse constante des effectifs étudiants, en particulier dans certaines filières… La CFDT et le Sgen-CFDT n’ont eu cesse de dénoncer cette pratique inacceptable. Nous avons également dénoncé la situation de grande détresse dans laquelle étaient abandonnés de nombreux étudiants inscrits en Licence. Faute d’un accompagnement garanti, ils abandonnent au cours des premiers mois de formation et disparaissent des dispositifs de prise en charge. Le coût économique, social et humain est difficilement chiffrable. Mais il est inacceptable dans une société telle que la nôtre.
Les personnels de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche ne se satisfont pas de cette situation. Ils la vivent de façon douloureuse au quotidien, en constatant la disparition au fil des semaines, des mois, de l’année, d’une partie des étudiants inscrits dans leur enseignement. Ils se sentent souvent impuissants. Malgré leur engagement qu’il nous faut saluer ici, l’augmentation des tâches qui leur incombent et l’augmentation du nombre d’étudiants ne leur permettent pas d’accompagner dans de bonnes conditions ces situations.
Là où il existe des dispositifs d’accompagnement, et c’est le cas dans de nombreux établissements, les moyens financiers sont insuffisants et ne permettent pas de prendre en charge l’ensemble des étudiants en difficulté. Souvent aussi, en raison de la situation financière difficile des établissements provoquée par l’indigence du budget de l’ESR, ces dispositifs sont les premières victimes des mesures d’économie.
La sélection existe donc bien à l’université aujourd’hui. Elle est massive, et profondément injuste, car elle touche essentiellement les étudiants issus des milieux les plus modestes. Toutes les études le démontrent.
L’augmentation des capacités d’accueil ne peut donc pas être la seule réponse à apporter à la situation. Si elle permet de régler le problème de l’accès aux formations en tension, elle ne permet pas de régler la question essentielle de l’échec. Elle ne permet pas non plus de régler le problème de l’insertion professionnelle. Augmenter sans fin les capacités d’accueil dans certaines formations serait une preuve d’inconscience coupable au regard de la responsabilité que nous avons vis à vis des étudiants et de leur famille. Car non, les possibilités d’emploi dans certains métiers ne sont pas infinies et c’est particulièrement le cas pour les professions réglementées.
Pour le Sgen-CFDT et la CFDT, il est donc indispensable que la réforme prévoie à la fois une hausse réfléchie des capacités d’accueil, la mise en oeuvre de dispositifs d’accompagnement pour les étudiants et un financement des mesures de la réforme qui prenne également en compte la reconnaissance de l’investissement des personnels.
Qu’en est-il du projet de texte qui nous est soumis ? Répond-il à cette triple injonction ?
Pour rappel, nous partions, au début de la concertation, des propos de campagne du Président de la République : pour lui, tout bachelier n’avait pas vocation à aller à l’université. La CFDT et le Sgen-CFDT sont fermement opposée à la sélection. Nous l’avons dit et avons fait savoir que nous nous mobiliserions pour empêcher une sélection malthusienne. Car chaque bachelier, quel que soit le bac qu’il a obtenu, doit avoir accès à une formation de l’enseignement supérieur. Mais s’il doit avoir un droit à l’accès, il doit aussi avoir un droit à réussir. Il serait facile pour d’aucuns, d’où qu’ils soient, de se gargariser en réclamant un libre accès à l’enseignement supérieur sans se préoccuper de la suite : la réussite ET l’insertion professionnelle ! Mais cela ne serait pas responsable.
Ce sont bien les revendications de libre accès à l’enseignement supérieur pour tous les bacheliers, de mise en oeuvre de dispositifs d’accompagnement et de financements nécessaires, que la CFDT et le Sgen-CFDT ont portées tout au long de la concertation pour rendre possible un droit à la réussite.
Et aujourd’hui, nous pouvons être satisfaits car nos demandes ont été entendues.
En effet, le projet prévoit désormais d’inscrire le principe du dernier mot au bachelier pour l’inscription dans la filière de son choix. Ce n’était pas le cas au début de la concertation.
Les établissements auront la responsabilité et les moyens d’accompagner les étudiants les plus fragiles. Les dispositifs d’accompagnement ouvriront droit à des crédits ECTS. Ce n’était pas le cas au début de la concertation.
130 000 places supplémentaires seront créées et viendront s’ajouter aux 130 000 places actuellement vacantes, en particulier dans les filières en tension et dans les STS. Rien n’était prévu à l’ouverture de la concertation…
500 millions d’euros extra-budgétaires sur 5 ans permettront de recruter des personnels et de reconnaître leur investissement, alors qu’aucun recrutement et aucune mesure financière n’étaient prévues à l’ouverture de la concertation.
450 millions d’euros sur 5 ans viendront soutenir la création des dispositifs d’accompagnement, rien n’était prévu à l’ouverture de la concertation …
Alors oui, le syndicalisme d’engagement permet de faire avancer les revendications même s’il ne les satisfait pas toutes. Ni la CFDT, ni le Sgen-CFDT ne veulent rester sur le bord de la route à observer la caravane passer et à commenter les succès ou les échecs des uns et des autres. Les conditions de travail de nos collègues dans les établissements d’enseignement supérieur, en particulier dans les universités, ne donnent pas le droit de rester à ne rien faire, à ne rien proposer face une situation qui ne fait qu’empirer d’année en année. Et personne dans les établissements d’enseignement supérieur ne croit plus que crier « pas de sélection » sans rien proposer si ce n’est d’augmenter sans fin les capacités d’accueil, fera avancer les droits des étudiants à réussir et améliorera les conditions de travail des enseignants, des enseignants-chercheurs et des autres personnels qui tous concourent au quotidien à la qualité du service public d’enseignement supérieur.
Que reste-t-il à faire ?
De nombreuses questions nécessitent des réponses. Comment seront concrètement reconnus les personnels qui s’investiront dans les dispositifs ? Comment sera le nouvel APB ? Comment seront répartis les moyens entre les établissements et sur les 5 ans de la durée du programme ? Comment sera garanti l’accès prioritaire aux STS pour les bacheliers professionnels et aux IUT pour les bacheliers technologiques ? Mais aussi quelles seront concrètement les mesures prises pour le lycée et le baccalauréat pour faire réussir la réforme ? Comment sera répartie la contribution étudiante conséquence de la réfomre du code de la sécurité sociale ? Comment sera compensée cette contribution pour les étudiants de moins de 20 ans ? etc.
Autant de questions importantes et concrètes qui doivent rapidement faire l’objet d’un travail avec les organisations syndicales représentatives, pour que la démocratisation de la réussite étudiante ne reste pas une simple incantation. Nous demandons également la mise en place d’un comité de suivi de la réforme, commun au MEN et au MESRI et des temps d’évaluation et de débat au CNESER.
Mais aujourd’hui c’est sur le schéma général du projet de réforme de l’orientation et de la réussite étudiante que le Sgen-CFDT et la CFDT doivent donner leur avis. Grâce à notre engagement lors de la concertation, ce schéma va aujourd’hui dans le bon sens. C’est pourquoi nous porterons un avis favorable.