Alors que la crise ne fait qu’accentuer les difficultés causées par un financement largement insuffisant depuis plus de 10 ans, le budget 2021 ne répond clairement pas aux attentes de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Conseil national de l’enseignement supérieur
et de la recherche – CNESER
du 15 décembre 2020
Déclaration liminaire de la CFDT
Nous savons que cette instance a à se prononcer sur la répartition du budget 2021 entre les différents programmes et pas sur le budget en lui-même. Mais il est difficile de ne pas en tenir compte. C’est pourquoi, vous me permettrez d’en dire quelques mots.
Pour la CFDT, ce budget 2021 ne répond clairement pas aux attentes de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Cela est particulièrement vrai pour le programme 150. Nos établissements sont en crise, à cause des conditions sanitaires bien sûr, mais cette crise ne fait qu’accentuer les difficultés causées par un financement largement insuffisant depuis plus de 10 ans.
Comme nous avons déjà eu l’occasion de le dire, la loi de programmation pluriannuelle pour la recherche, en dépit d’un investissement financier réel qui permet presque un rattrapage des années de pénurie, ne concerne pas l’enseignement, alors que les besoins croissent rapidement. Je ne redirai pas ici ce que nous pensons par ailleurs de la LPR, nous nous sommes à maintes reprises exprimés sur le sujet. Je concentrerai donc mon propos sur le projet qui nous est soumis.
Le programme 150 ne répond pas à la pression démographique…
A titre de rappel, le nombre d’enseignants-chercheurs a dramatiquement diminué, alors que le nombre d’étudiants augmentait. Ce sont plus de 1000 postes d’enseignants-chercheurs qui n’ont pas été pourvus sur les rentrées 2017 et 2018. Parallèlement, les effectifs d’étudiants ont augmenté dans les universités de presque 70 000 entre 2016 et 2019 (de 1,569M à 1,635M). Quant à la rentrée 2020, même si la totalité des nouveaux étudiants supplémentaires (57 000) ne sont pas tous allés à l’université, c’est néanmoins le cas d’une très grande majorité d’entre eux. Une telle pression démographique ne peut être assurée à moyens même simplement constants…
Si l’on reprend les bleus budgétaires, les crédits affichés au programme 150, en termes d’autorisation d’engagement, ont augmenté de 175 M€ (13,913Md€ contre 13,738 M€).
La même comparaison entre 2020 et 2019 faisait apparaître une augmentation de 221 M€. La hausse pour 2021 est donc moins importante que celle de l’année dernière, malgré une hausse encore plus importante du nombre d’étudiants, et que des mesures supplémentaires s’ajoutent (amorce de la LPR). Cela va rendre la situation intenable pour les établissements, qui n’auront comme réponse possible qu’une augmentation du gel des postes.
La dépense moyenne par étudiant et les taux d’encadrement vont continuer à baisser…
La dépense moyenne par étudiant va donc continuer à baisser, alors que la loi ORE prévoyait au contraire un encadrement renforcé, et des possibilités de passerelles plus développées, passerelles rendues encore plus nécessaires avec la mise en place de la réforme des DUT/BUT par exemple, et l’objectif affiché de personnaliser les parcours.
Faut-il rappeler que cette dépense moyenne par étudiant à l’université est inférieure de 5770€ à la dépense moyenne d’un étudiant de CPGE (2018) ?
Pour obtenir un budget équivalent pour l’université et compte tenu du nombre d’étudiants, qui permettrait d’améliorer enfin des taux d’encadrement en constante baisse, c’est 9,5 Md€ supplémentaires par an qu’il faudrait. Et cela sans tenir compte du fait que la dépense moyenne par étudiant à l’université intègre le coût de la recherche, ce qui accentue encore l’écart de financement.
La CFDT le demande depuis de nombreuses années aux différents gouvernements qui se sont succédés : quand allez-vous enfin commencer à réparer à cette injustice dont les premières victimes sont les jeunes issus des milieux les plus modestes ?
Plus globalement, plusieurs autres éléments attendent des réponses de votre part.
Financement des laboratoires : des constats qui contredisent les annonces…
Dans le courrier que Madame la ministre a adressé à l’ensemble des personnels de l’ESR, il est expliqué que le financement des laboratoires va être augmenté de 10% en 2021, puis de 25%. Or, les premières remontées de nos adhérents en laboratoire montrent que les notifications de dotations n’augmentent pas, voire diminuent. Et pour nos collègues comme pour nous, ce n’est ni compréhensible, ni acceptable. Mais peut-être y a t-il des éléments que nous n’avons pas su interpréter …
Qu’en est-il exactement ? Pourquoi ce décalage entre ce qui est affiché et ce que les personnels constatent ?
Quelle compensation des coûts induits par la crise sanitaire ?
La crise sanitaire a durement frappé les établissements, qui ont vu s’envoler les coûts induits par le maintien en particulier de l’indispensable « continuité pédagogique » (achat d’ordinateurs portables, équipement d’amphis et de salles de TD…), alors que parallèlement, certaines de leurs recettes diminuaient. Pourtant, la ligne « fonctionnement » du tableau fait apparaître une baisse de 55 M€ (1,212 Md€ contre 1,267 Md€ l’année dernière) !
Heureusement que les dépenses liées à la crise doivent être compensées ainsi que l’annonce la note de présentation ! Pouvez-vous d’ailleurs nous indiquer où elle figure ?
A cette occasion, nous demandons au ministère de dresser un premier état des dépenses et pertes de recettes estimées liées à la crise sanitaire, ainsi que les modalités de compensation de ces coûts. Les établissements ont investi différemment pour faire face à la crise pandémique car ils manquaient de visibilité sur la réalité de la compensation par l’état des dépenses et pertes de recettes. Cela crée une inégalité entre les étudiants et les agents, inégalité certes déjà existante entre établissements « riches » et établissements «pauvres », mais cette inégalité se creuse.
N’est-ce pas le rôle de l’état que de compenser ces inégalités ? N’est-ce pas là que se situe son pouvoir d’action dans un système constitué d’établissements autonomes ?
Il est urgent de prévoir un plan de relance pour l’enseignement supérieur.
Pour la CFDT, Il est urgent de prévoir un plan de relance pour l’enseignement supérieur, qui donne aux établissements les moyens d’assurer l’encadrement et l’accompagnement des étudiants toujours plus nombreux à s’inscrire.
Il faut que des postes supplémentaires, et les financements correspondants à ces postes, tant pour les enseignants-chercheurs, les enseignants, les tuteurs, les personnels des SCUIO et ceux de santé universitaire, etc. A la fois pour répondre aux urgences jusqu’à la rentrée 2021, et ensuite de manière pérenne pour redonner enfin aux établissements d’enseignement supérieur français les moyens d’accompagner les étudiants, indépendamment de cette crise sanitaire qui les a si durement éprouvés, comme le montrent les enquêtes réalisées, tant du point de vue économique (perte de jobs, problèmes pour s’alimenter) que du point de vue psychologique. Mais aussi pour leur donner toutes leurs chances, éviter les décrochages nombreux, et leur permettre de se former correctement pour assurer la croissance de demain. C’est aussi la condition indispensable pour voir les conditions de travail des personnels cesser de se dégrader et espérer voir une amélioration
Vous l’avez compris, la CFDT demande un plan de financement d’urgence pour faire face aux conséquences de la crise sanitaire mais aussi pour en sortir avec un système d’enseignement supérieur plus juste socialement, qui a les moyens d’accompagner vers la réussite tous les jeunes en développant un accompagnement plus individualisé. Pour cela il faut pouvoir recruter dès la rentrée de janvier pour préparer le retour en semi présentiel des étudiants dans des conditions conformes aux exigences sanitaires. Mais il faut aussi dès à présent prévoir un plan de recrutement de personnels pour la rentrée 2021, car les deux années que nous sommes en train de vivre ne s’effaceront pas par enchantement.
Faute d’un investissement à la hauteur, le coût social de l’échec des étudiants et de leur difficulté d’insertion professionnelle aura à moyen et long termes un coût bien supérieur : coût économique mais aussi coût social. Car il n’y a rien de pire qu’une jeunesse sans espoir.
Pour la CFDT, les sommes investies pour la formation et la recherche, ne constituent pas une dépense, mais un investissement.