- Conseil National de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche -
La déclaration de la CFDT
Tout d’abord, nous tenons à rappeler que nous croyons à la concertation sociale, et c’est pour cela que nous avons accepté de participer jusqu’au bout aux groupes de travail lancés par le ministère d’abord sur la loi ORE puis sur les arrêtés qui nous sont proposés aujourd’hui. La CFDT a participé activement à la soixantaine de réunions des groupes de travail sur la réforme de l’accès au premier cycle de l’enseignement supérieur et aux nombreuses réunions bilatérales. La CFDT a été force de propositions et a ainsi obtenu des évolutions importantes sur les différents textes qui constituent la réforme. Nous pensons que c’est en discutant, en étant force de propositions, que nous pouvons faire évoluer les choses, plutôt qu’en refusant tout débat. La CFDT préfère agir plutôt que subir ! Et les textes qui nous sont proposés aujourd’hui donnent raison à note stratégie. S’ils ne sont pas ceux que la CFDT aurait pu écrire, ils constituent une évolution importante dans la prise en charge des étudiants en difficulté et donc vers une démocratisation de la réussite étudiante.
Les deux arrêtés soumis aux votes ont pour objectif de compléter la loi ORE. En effet, l’objectif fort de cette loi, c’est l’accompagnement de l’étudiant, dans des parcours plus souples, personnalisés, pour tenir compte des profils et des projets de chacun d’entre eux. Plutôt que de n’accepter qu’une uniformité réductrice, consacrant une égalité purement formelle, nous préférons que les hétérogénéités d’origine ne soient pas niées, pour pouvoir mieux les combattre. Et pour les combattre, il est nécessaire de partir de la situation réelle des étudiants, sauf à accepter implicitement de mettre en difficulté tous ceux qui n’ont pas acquis les attendus nécessaires à une formation. Etre favorable aux « oui si » implique donc parallèlement de mettre en place des parcours pour accompagner ces étudiants, en fonction de leur profil : un bac S un peu « juste » en faculté de Sciences n’aura pas les mêmes besoins qu’un bac professionnel. On ne peut donc pas leur proposer le même parcours. De même, les projets des étudiants ne sont pas identiques, alors pourquoi ne pas tenir compte de ces pluralités d’objectifs ? Le corollaire nécessaire de cette plus grande liberté, c’est le soutien individuel de l’étudiant lors de la construction de son parcours, et c’est tout l’objectif du contrat pédagogique de réussite. Car la liberté ne peut être réelle que si l’étudiant a en main toutes les données pour faire ses choix. Sinon, l’asymétrie d’information profitera à ceux dont les familles connaissent bien le fonctionnement de notre enseignement supérieur, et laissera de côté ceux qui ne bénéficient pas de cette culture-là. Ce qui, au passage, correspond déjà à la situation actuelle, qui n’est égalitaire que sur la forme.
Ce contrat pédagogique de réussite est donc pour nous un enjeu extrêmement fort, et notre soutien à l’arrêté licence est indissociable d’une véritable politique de moyens : il faut des postes : uniquement sur cette mesure, c’est 500 postes qui sont nécessaires a minima pour les enseignants-chercheurs, sans compter le renforcement des SCUIO, alors que ces services ont beaucoup souffert des contraintes budgétaires des universités, et sans compter non plus le renforcement des services de scolarité, qui vont devoir gérer techniquement des parcours personnalisés.
Ainsi est-il nécessaire de reconnaître cette fonction d’accompagnement dans le temps de travail des personnels qui l’assureront, il est complètement exclu de déployer ce dispositif en comptant sur la seule bonne volonté de collègues déjà surchargés, même en les récompensant par un petit supplément de prime. Enfin, cette réforme ne réussira que si en parallèle, la création de postes permet de répondre à l’augmentation démographique que connaît l’université aujourd’hui ! Sinon, au lieu d’être complémentaires, suivi individuel et parcours de formation vont entrer en contradiction dans l’emploi du temps des enseignants, annulant ainsi tous les effets positifs de la réforme ! La CFDT avait conditionné sa participation aux discussions au financement de la réforme. Un premier pas a été fait avec presque 30 millions d’euros pour la période septembre à décembre 2018. Mais Il faudra faire mieux et plus pour que la réforme ne se fasse pas au détriment des conditions de travail des personnels. Le premier ministre doit faire des annonces prochainement. La CFDT les attend avec impatience et exigence…
Les autres dispositifs mis en place n’ont pas dans l’arrêté licence de caractère obligatoire. Cela ne veut pas dire pour nous que ces dispositifs n’ont pas d’intérêt, bien au contraire ! Mais il faut du temps pour modifier en profondeur un système, et en particulier dans la situation actuelle extrêmement complexe des universités. Pour ce qui est des blocs de compétences par exemple, le texte se contente de les évoquer comme un élément de structuration essentiel, mais sans les imposer. Nous croyons à cette démarche de blocs de compétences, dans une optique de formation tout au long de la vie. Mais nous savons qu’elle demande un travail important, qui ne se réalisera pas du jour au lendemain. Donc la démarche d’évaluation a posteriori des dispositifs mis en place, et le pilotage que fera le MESRI lors de l’accréditation, permettra d’analyser la progression d’un établissement dans la mise en œuvre de la démarche, et n’entre donc pas en contradiction avec la définition d’un État stratège qui fixe des objectifs dans le cadre de la politique publique qu’il met en place.
A l’inverse, et nous l’avons dit au ministère, si nous comprenons parfaitement la volonté de favoriser le développement de politiques de site, nous pensons que ce n’est pas au détour d’un article de l’arrêté licence que peut se décider la possibilité pour n’importe quel type d’établissement relevant de l’enseignement supérieur de délivrer le diplôme national correspondant. Jusqu’ici, cette possibilité était réservée aux seules universités. L’ouvrir désormais à des regroupements incluant seulement par exemple des écoles n’est pas acceptable car cette modification du périmètre va nécessairement avoir des implications importantes sur la structuration de l’ESR, implications qui rendent essentiels une analyse des impacts et une véritable concertation. À aucun moment, ce point n’a été abordé lors de la discussion de la loi ORE à l’automne, pas plus que dans les groupes de travail sur les arrêtés Cadre national et Licence.
Ce débat doit avoir lieu, l’enjeu est suffisamment important pour qu’il ne soit pas possible d’en faire l’économie. Il aura toute sa place lors de la discussion sur l’ordonnance correspondant aux expérimentations de statut offertes aux établissements.