Les 8 et 9 mars 2018 s'est tenu le colloque d'Amiens, rappelant le colloque éponyme de 1968 pour penser le changement dans le système éducatif français.
Le colloque d’Amiens des 8 et 9 mars 2018 replace dans le contexte politique national et international de l’époque les recommandations essentielles du colloque de mars 1968.
Des recommandations toujours d’actualité
Au colloque d’Amiens, en mars 1968, tout le monde, y compris le ministre de l’Éducation nationale, s’accorde pour dire qu’il faut tout changer dans l’enseignement :
- transformer la relation pédagogique et la conception de la vie scolaire,
- combiner des options plus nombreuses avec des travaux individuels et collectifs en modifiant le système d’évaluation,
- fixer le contenu des enseignements par cycles et non plus par années,
- rénover en profondeur la formation des maîtres,
- faire de l’établissement un centre de rayonnement culturel, une école largement ouverte vers l’extérieur,
- parce que la classe est un cadre trop étroit pour que les innovations puissent y prendre sérieusement, accorder une autonomie raisonnable aux établissements conçus comme ensembles socio-culturels et non plus comme une simple juxtaposition de salles de classe,
- donner un rôle accru aux parents dans l’établissement,
- inviter le chef d’établissement, destiné à voir ses responsabilités accrues, notamment en matière de recrutement des enseignants, à devenir un animateur, capable de faire évoluer le climat psycho-sociologique de l’institution qui lui est confiée. Celle-ci se voit définie comme « niveau de décisions » et « nœud de services »,
- mettre en place une formation initiale de caractère universitaire, en partie commune à tous les maîtres,
- penser une formation supérieure pour tous les enseignants (y compris les instituteurs), indissociabilité formation initiale/permanente,
- unifier les corps enseignants,
- constituer un véritable organisme scientifique se consacrant à l’éducation…
Une référence mythique
Le colloque d’Amiens de 1968 est une référence mythique dans le mouvement de modernisation du système éducatif. Il a réuni 600 personnes. Il était précédé par un colloque consacré à l’enseignement supérieur, organisé à Caen en 1966, colloque explicitement consacré à la pédagogie.
Pour les participants, dont Antoine Prost, représentant à l’époque le Sgen-CFDT, il faut « non élever la digue, mais ouvrir de nouveaux canaux… ».
Le ministre de l’Éducation de l’époque, Alain Peyrefitte, avait participé au colloque d’Amiens. Dans son allocution de clôture, le ministre allait très loin : « Les adultes ne peuvent offrir à la jeune génération que des modèles auxquels ils ne croient plus eux-mêmes. […] La mission de nos maîtres s’exprime en un paradoxe : faire les enfants autres qu’ils ne sont eux-mêmes. Il n’y a pour cela qu’une méthode : c’est que les maîtres se transforment eux-mêmes. »
Passer d’un système autoritaire à une organisation faisant davantage confiance aux acteurs.
« L’idée qui en ressortait, c’est que le métier d’enseignant devait s’apprendre, avec une solide formation initiale et permanente. Qu’il fallait passer d’un système autoritaire à une organisation faisant d’avantage confiance aux acteurs. D’où déjà des débats sur l’autonomie des établissements », décrit Bruno Poucet, organisateur du colloque 2018 et militant du Sgen-CFDT.
Contexte politique de l’époque
Durant les années 50, l’institution scolaire a spécifiquement pour mission d’accumuler et de transmettre les connaissances.
Dans les années 60, le déterminisme social continue à présider à la réussite scolaire. L’égalité formelle des chances, l’accès du plus grand nombre possible d’élèves à des études secondaires jusqu’à l’âge de 16 ans heurte la sévère sélection en vue de la préparation des diplômes et de l’obtention des qualifications nécessaires aux besoins de la modernisation économique.
En mars 1968, la crise étudiante et éducative de mai est en train de couver. Les Trente Glorieuses s’achèvent au profit d’une autre configuration socio-économique plus dure : la rénovation éducative doit s’adapter au monde nouveau.
Des propositions qui résonnent encore aujourd’hui…
Les travaux des cinq groupes d’études qui ont alimenté les débats de mars 1968 ont abouti à des propositions qui résonnent encore aujourd’hui.
(Commissions A : Finalités de l’enseignement ; B : Formation culturelle de l’individu ; C : Évolution des structures des établissements ; D : Formation et formation permanente des maîtres ; E : Innovation et recherche en éducation)
Ces propositions d’avant-garde, citées ci-dessus, induisent décentralisation financière et décentralisation pédagogique. Les établissements seraient alors cogérés par les conseils instaurant l’autonomie du collectif. Bon nombre de ces recommandations ambitieuses sont toujours d’actualité.
Qu’en est-il aujourd’hui ?
Malgré cela, l’école est toujours autoritaire, les expériences de pédagogies alternatives sont restées marginales. Les rapports entre le maître et l’élève, fondés sur l’obéissance, n’ont guère évolué.
« Nous avons toujours pensé au SGEN qu’il fallait montrer pratiquement sa volonté de rénovation »
Hier comme aujourd’hui, au Sgen-CFDT, on trouve des militants pédagogiques refusant de subordonner leur engagement pour les réformes à l’obtention préalable de moyens : « Nous avons toujours pensé au SGEN qu’il fallait montrer pratiquement sa volonté de rénovation » écrit Paul Vignaux, fondateur du Sgen en 1937, dans « Syndicalisme Universitaire », 27 février 1969.