Le 23 octobre s'est ouverte la concertation sur les retraites au ministère de l'Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l'Innovation, en présence de la ministre Frédérique Vidal et du Haut-Commissaire à la réforme des retraites, Jean-Paul Delevoye.
Voici la déclaration faite par Franck Loureiro, secrétaire général adjoint de la fédération des Sgen-CFDT.
Faire de la réforme des retraites un vecteur de progrès social
Madame la Ministre, Monsieur le Haut-Commissaire, mesdames, messieurs,
La concertation sectorielle relative à la réforme des retraites pour les personnels de l’Enseignement supérieur et de la Recherche débute aujourd’hui.
Pour le Sgen-CFDT, c’est une étape importante.
Et nous le savons, cela suscite de nombreuses interrogations et inquiétudes.
Réussir un tel changement suppose que les travailleurs et travailleuses concernés aient confiance dans le système universel de retraites qui se construit et soient convaincus qu’il apportera progrès et justice sociale.
Aujourd’hui, notre système s’est fortement rapproché de l’équilibre financier. Il n’y a donc pas d’urgence à réformer pour des raisons financières. C’est pourquoi, et vous le savez, la CFDT et ses fédérations refuseront toute réforme paramétrique des retraites. Il ne serait donc pas acceptable d’augmenter l’âge de départ légal à la retraite au-delà des 62 ans, ni d’instaurer un âge pivot collectif.
En revanche, il y a une urgence à réformer le système pour qu’il soit plus juste (pour les femmes en particulier, les polypensionné·es…), plus adapté à la réalité des parcours professionnels d’aujourd’hui (les carrières linéaires n’existent et n’existeront presque plus).
Il faut donc faire de la réforme des retraites un vecteur de progrès social.
Universel ne veut pas dire uniforme !
Depuis quinze ans, la CFDT défend un système universel (pour toutes et tous), par répartition et avec une solidarité intragénérationnelle renforcée. Un système universel qui ne veut pas dire uniforme !
Votre rapport, monsieur le Haut-Commissaire, affirme que cela est possible. La CFDT s’en félicite et n’a pas envie de s’excuser d’avoir été entendue sur ces points incontournables.
Pour autant cela ne préjuge en rien de l’appréciation globale que nous porterons sur la réforme. Celle-ci portera aussi sur les compensations et sur les modalités de passage à un nouveau système de retraites.
Cela exige, bien sûr, de sortir de ce qui pourrait apparaître comme du fonctionnaire bashing.
Cela exige, par exemple, de rejeter tout discours qui laisserait penser que le temps de travail réel des personnels de l’ESRI ne représente pas déjà un temps plein…
les six derniers mois, une compensation à des années de sous-rémunération !
Cela exige aussi de rappeler que les six derniers mois ne constituent pas un privilège pour beaucoup d’agentes et d’agents. Mais plutôt une compensation à des années de sous-rémunération !
Cela exige encore de rappeler que tous les fonctionnaires n’ont pas les mêmes régimes indemnitaires et que ceux des personnels de l’ESRI sont parmi les plus faibles.
Si nos exigences sont acceptées, la fédération des Sgen-CFDT s’investira pleinement dans les discussions à venir pour porter les revendications des agentes et agents.
la loi de programmation pour la recherche doit pouvoir apporter des éléments de réponse
Nous y porterons en particulier les revendications suivantes :
En premier lieu, il s’agit d’assurer une transition qui sécurise les parcours de chacun et chacune avec la garantie des droits acquis jusqu’en 2025.
Il faut impérativement se donner tout le temps nécessaire de construire une transition qui permette de redéfinir une politique salariale, indiciaire et indemnitaire, pour compenser les effets du nouveau mode de calcul, compenser le fait que les indemnités sont soumises à pension civile. C’est particulièrement crucial pour les corps ayant peu de primes à intégrer au calcul de leurs pensions.
Sur ce dossier, entre autres, la loi de programmation pour la recherche doit pouvoir apporter des éléments de réponse.
reprendre le dossier RIFSEEP
L’occasion nous est aussi donnée de reprendre le dossier RIFSEEP. Il y a aujourd’hui trop d’écarts entre les champs ministériels, trop d’écarts entre les territoires au sein de notre ministère pour les mêmes métiers ou les mêmes fonctions. Sur le travail à venir sur les rémunérations, ce régime indemnitaire et ses déclinaisons sont des sujets à part entière.
Il s’agit de repenser les politiques salariales et les déroulements de carrière dans notre ministère, et pour tous les corps, en tenant compte de leurs spécificités statutaires et professionnelles.
Mais il s’agit également de donner aux établissements (EPST et EPSCP) les moyens de financer ces revalorisations. Ce n’est pas le cas aujourd’hui, par exemple, pour la mise en œuvre du RIFSEEP… Sans parler des annonces sur la fin brutale de la compensation du GVT.
Une réforme des retraites juste doit être l’occasion de traiter des injustices du système actuel, plus ou moins ignorées.
être plus volontariste sur la réduction des inégalités entre femmes et hommes
Une réforme des retraites juste, c’est d’abord l’occasion d’être encore beaucoup plus volontariste sur la réduction des inégalités entre femmes et hommes. Cette inégalité est plus forte encore sur les primes que sur la partie indiciaire des rémunérations. Nous le constatons bilans indemnitaires après rapports de situation comparée. Le cas de la PEDR est un exemple consternant et criant de cette inégalité. Pour le Sgen-CFDT, inclure les primes et indemnités en l’état, sans retravailler à leur distribution, n’est pas possible. Cela rendrait caduque la promesse politique de faire de l’égalité entre les femmes et les hommes un axe fort du quinquennat.
Vous le comprenez, pour le Sgen-CFDT, la redéfinition des politiques salariales sur l’ensemble de la carrière doit comporter une part indiciaire non négligeable.
redéfinir les règles de reclassement dans la fonction publique
Une réforme des retraites juste, c’est redéfinir les règles de reclassement dans la Fonction publique. Le traitement infligé à nos collègues, en particulier qui ont été contractuels ou qui ont eu une carrière dans le secteur privé, n’est pas acceptable. Ils en subissent les effets toute leur carrière et lors du passage à la retraite. La réforme doit permettre les allers-retours entre privé et public. C’est un enjeu fort pour les personnels scientifiques. Tout comme il est indispensable de traiter la situation des personnels ayant travaillé à l’étranger. Dans le champ de la recherche cela n’est pas anecdotique… car c’est souvent un passage obligé pour nombre de jeunes chercheurs.
apporter des réponses à l’allongement de la durée des études
Une réforme juste, c’est aussi une réforme qui apporte des réponses à l’allongement de la durée des études qui impacte fortement l’âge d’entrée dans nos métiers.
Cette réforme des retraites doit être un vecteur de progrès social en étant créatrice de droits nouveaux pour les agents. C’est une des conditions pour renouer la confiance de toutes les générations. Le droit à un aménagement des fins des carrières comme la liberté de choisir son âge de départ peuvent être de puissants leviers d’émancipation et des facteurs de bien-être. Aussi, nous demandons que la concertation porte aussi sur la mise en œuvre de la cessation progressive d’activité que votre rapport invite à déployer pour toutes et tous et aussi sur le temps partiel de droit.
Pour le Sgen-CFDT, une réforme qui n’apporterait pas de réponses à ces sujets importants pour les agentes et les agents de l’Enseignement supérieur et de la Recherche serait une réforme ratée.
Cependant et pour conclure, la retraite ce n’est pas le commencement de la vie. Il ne serait donc pas juste de vouloir lui faire régler ce qui relève d’abord d’une réflexion sur l’organisation du travail, réflexion que la CFDT demande à pouvoir engager en parallèle des discussions à venir sur la réforme des retraites.