Interviewé par Jean-François Le-Clanche, Eric Guilbert, secrétaire général, partage avec nous, son vécu pendant le confinement.
Je suis secrétaire général du Lycée d’Enseignement Général et Technologique de Toulouse-Auzeville depuis 2011. Avant j’ai été technicien sur hélicoptère, adjudant de l’armée de terre. Je suis militant CFDT et mandaté au CHSCT-REA d’Occitanie. Je participe également en qualité d’expert a plusieurs groupes de travail ministériels.
A ce jour non. Ma famille résidant en région Ile-de-France et en région Grand-Est n’a rien.
La situation sanitaire n’est pas dégradée. Au regard de la diffusion de la maladie, le confinement est arrivé assez tôt (mars) dans notre région. La vitesse de propagation est lente. L’EPL est fermé depuis le 17 mars 2020. Nous avons eu deux cas. Un enfant d’un collègue logé sur site : tout va bien pour lui. Une assistante d’éducation qui hélas a une pneumonie persistante et qui reste chez elle.
Je suis logé sur place. Depuis le début du confinement, je garde le même rythme de travail : 6h30-19h30, soit 50 heures en moyenne par semaine. Je travaille depuis le confinement de 5 à 6 heures de plus que par rapport à ma moyenne. J’assure aussi des astreintes.
J’ai une journée type : la matinée, je m’occupe du courrier (la Poste ne passe que 3 fois par semaine), des mails, je fais de la duplication de documents divers et variés. Ensuite j’appelle des collègues.
Ma présence quotidienne permet la connexion des postes de travail de mes collègues sur le serveur. Grace à cette possibilité de prise en main à distance, ils peuvent travailler et accéder au système informatique de l’EPL en toute sécurité. Ceci concerne entre 10 et 12 agents. Tout ceci prend du temps. Cette opération se réédite plusieurs fois par jour pour divers motifs tels que les immanquables coupures de connexions.
En moyenne, 50 heures de travail par semaine…
Ensuite, je me concentre sur les dossiers de fonds. Je participe à des visioconférences, au CODIR (virtuel, une fois par semaine), j’accueille les prestataires, je contrôle, je gère les problèmes, les petits incidents du quotidien (éviers bouchés etc…). Chaque vendredi, je participe en visioconférence aux réunions du CHSCT-REA. J’évite bien entendu de croiser les autres agents, je respecte les geste barrière : ces détails rallongent mes journées.
Les agents en charge de la gestion des ressources humaines sont en télétravail. Le paiement des salaires se fait à distance. Il y a aussi le suivi de cas particuliers (dossiers médicaux, etc.). Pour la comptabilité, le télétravail est plus réduit, faute d’agents « télétravailleurs » disponibles. La partie « dépenses » est assurée. Enfin, j’assure le contact avec les agents placés sous ma responsabilité.
Comme je me connais bien, je suis serein dans cette période troublée. J’ai un rapport au temps maitrisé, je tiens le cadre. La fatigue accumulée est un facteur limitant. Je gère mon sommeil, j’ai une activité physique régulière, j’équilibre les menus de mes repas.
Je vois en respectant la distanciation sociale les collègues logés sur le site tous les jours : le directeur de l’exploitation agricole, de l’EPL, de la formation professionnelle continue. Je vois parfois des agents qui viennent chercher un dossier. Le contact avec ma hiérarchie est régulier, par contre je vois peu les enseignants.
C’est des liens maintenus par les enseignants entre eux, avec les apprenants, entre apprenants. C’est une capacité à maintenir du lien. La direction de l’EPL l’accompagne plus qu’elle ne le pilote. Cette continuité se passe d’autant mieux qu’elle s’appuie sur un relationnel facilité.
La gestion du temps n’est pas simple. Ma capacité d’attention est pleinement mobilisée. J’ai une multitude de tâches à faire relevant d’autres agents. J’ai des sollicitations permanentes : par messagerie, pour l’ouverture du portail de l’EPL, par les divers passages de visiteurs, par la gestion quotidienne de l’imprévu.
De nouvelles difficultés vont très vite surgir…
J’ai un catalogue de La Redoute de tâches à faire. Je ne dois rien oublier. Je dois garder ma lucidité, ne pas prendre de raccourcis. Tout ceci demande beaucoup de rigueur. Enfin, je dois lutter contre la fatigue accumulée.
Je suis bien conscient que de nouvelles difficultés vont très vite surgir. On n’anticipe pas assez. Il va falloir inventer des solutions nouvelles pour demain (déconfinement), il va falloir prendre du recul, se détacher : on n’en est pas encore là.
J’aimerais bien. Des choses auraient dû évoluer depuis longtemps. Par exemple, l’outil de gestion informatique, GED : gestion électronique des documents, les ERP : bases de données pour gérer les agents contractuels sur budget. Il y a des outils de gestion informatique qui existent et qu’il faudra plus utiliser.
Il faudra également formaliser certains processus de prise de décisions. Le dialogue social doit s’améliorer et se faire au plus près des équipes pour parler du prochain déconfinement. Les agents attendent les consignes de la Centrale.
En général, en période de crise, il y deux manières d’en sortir : individuelle ou collective. La peur, le repli sur soi est une possibilité. Le collectif et l’ouverture aux autres, la mobilisation de l’intelligence collective en est une autre.
La crise nous invite à être dans l’action si on veut en sortir grandit.
Agissons.
Pour lire les témoignages d’autres agents de l’Enseignement agricole public :
• Confinés : des agents de l’enseignement agricole public témoignent – Volet 1
• Confinés : Des agents de l’enseignement agricole public témoignent – Volet 2
• Confinée : Fatna Ghorzi, technicienne à Agrosup-Dijon témoigne
• Confiné : Témoignage de Pierre Guy Marnet, Professeur à l’Institut Agro de Rennes
• Confinée : Maria Saunier, CPE dans l’enseignement agricole témoigne
• Confinée, une AESH en lycée agricole témoigne
• Confinée : une jeune agronome en Lycée agricole témoigne
• Confinée, Marie-Pierre, professeure certifiée de l’enseignement agricole témoigne