Interview menée par Jean-François Le Clanche - Fatna Ghorzi, travaillant au sein d'EDUTER, partage avec nous son vécu pendant sa période de confinement.
Je suis adhérente CFDT. J’ai eu des périodes engagées, j’ai été candidate sur des listes. J’ai aussi été suppléante au CHSCT d’AgroSup Dijon (ASD). A Dijon, je travaille au sein du service Eduter Ingénierie en appui à l’enseignement technique agricole, notamment sur les questions portant sur le numérique éducatif.
Oui, deux. Ma fille étudiante à AgroParisTech a été touchée et est rentrée à la maison pour être confinée. Elle a eu des symptômes importants : température, fatigue, des maux de tête violents et insupportables. Le médecin a diagnostiqué une sinusite ! Elle a eu des antibiotiques. Elle est restée 10 jours au lit avec de la température.
Son père a subitement perdu le gout…il a télé consulté un médecin. Le coronavirus a été diagnostiqué. Il est resté 10 jours au fond du lit, une température moyenne mais avec une forte fatigue et de violents maux de tête. Il remonte la pente, il a 59 ans. On a vécu dans le stress, on s’est évité. Ce fut assez « flippant ». J’ai également eu des symptômes bizarres : épisodes de toux et de fébrilité.
La Bourgogne Franche-Comté fait partie des régions les plus touchées. On est dans le rouge. À ASD un état des lieux a bien été fait, on bénéficie d’une bonne information. D’après ce que j’ai lu, je n’ai pas l’impression qu’il y ai beaucoup d’étudiants touchés : une cinquantaine. On déplore le décès du mari d’une collègue.
On a confiné nationalement le mardi 17 mars. Le lundi 16 mars, je suis allée au bureau pour préparer le matériel nécessaire à mon télétravail : dossiers, casque, clés usb,…. Je suis équipée, du fait de mes déplacements professionnels, d’un ordinateur portable. La première semaine de confinement, bien que sous le choc, je me suis installée dans mon nouvel environnement de travail. Je maintiens mes horaires de bureaux.
Toutes mes activités sont maintenues sauf mes déplacements.
Je fais partie de l’équipe web qui gère le site des professionnels de l’Enseignement Agricole ChloroFil.fr et à ce titre je participe à la continuité mise en place pour l’actualisation de la page Coronavirus/Covid19 / Covid-19. Cette page contient les informations ministérielles et inter-ministérielles, procédures et FAQ. On met à jour la page en fonction de l’actualité Covid. Je vérifie la messagerie le week-end. Toutes mes activités sont maintenues sauf mes déplacements. J’avais l’équipement professionnel pour et j’utilise mon téléphone portable personnel et également mon grand écran.
J’aborde cette période avec sérieux, j’applique le confinement à la lettre. La situation est angoissante avec beaucoup d’inconnues. Le lien est maintenu avec mes collègues, on se téléphone, on peut utiliser la visio. Des collègues habitent à la campagne et rencontrent régulièrement des soucis de connexion.
La hiérarchie nous soutient.
J’ai fait la demande d’ouverture d’une classe virtuelle à la DSI d’AgroSup ; elle me permet d’organiser les réunions de travail. Le service informatique a été hyper réactif ! J’ai eu besoin d’un VPN : ça été réglé le jour même ! La hiérarchie nous soutient : une réunion ou chacun a pu s’exprimer a été organisée la troisième semaine de confinement. On s’est rendu compte que les collègues nous manquaient. On a eu une petite pointe d’émotion collective, on travaille tous en mode dégradé. Il y a des points positifs en terme de communication avec notre hiérarchie : on a finalement plus d’informations qu’avant le confinement.
J’ai participé à un travail de veille sur le sujet et il est accessible sur le site ChloroFil.fr. La situation est exceptionnelle et s’est mise en place brutalement. La continuité pédagogique est née de cette obligation de confiner et de la fermeture des établissements. La continuité pédagogique, c’est garder le lien quand la maison devient l’école.
Les outils numériques sont une aubaine mais leur mise en œuvre n’est pas simple.
Dans ce contexte, je recueille actuellement des témoignages d’enseignants sur leur pratique des classes virtuelles, j’ai eu beaucoup de contacts et beaucoup de demandes d’aide car les difficultés sont nombreuses. Cela a été l’occasion pour moi de donner des conseils et aider quelques-uns. Les classes virtuelles sont une aubaine au service des enseignants-es et formateurs-trices comme d’autres outils mais leur mise en œuvre n’est pas simple et est tributaire de l’équipement de chacun. Il y a des enseignants sans ordinateur ! Il y a aussi des plateformes et les ENT saturés, l’absence de réseau et des élèves sans équipements.
Moi, c’est la fatigue. J’ai rarement été aussi fatiguée. Je travaille pourtant toute la journée devant ordinateur d’habitude. Là toute mon activité est réalisée à distance et cela engendre une utilisation intensive des visio, skype, etc. Cela demande une concentration plus importante car aucun lien direct en présentiel avec mes collègues. Le contexte anxiogène participe également à cette fatigue.
De toute évidence oui mais à ce jour, c’est difficile de se projeter, notamment sur mon retour au bureau. Pour moi, c’est prématuré. Je télétravaille à temps plein depuis presque deux mois et pour moi qui ai peu pratiqué le télétravail, je trouve que ce n’est pas si mal. J’ai cependant hâte de retrouver mes collègues.
Peut-être que je ferai une demande de télétravail pour une journée par semaine à la rentrée.
Au-delà du confinement strict et des consignes que j’applique : relativisons. Même si la situation est terrible, j’invite vraiment à relativiser. Certes, nous vivons reclus mais ne sommes pas menacés par des bombes. Patientons ! On est dans un tunnel dont on ne connait pas la longueur et il nous faut le traverser. Collectivement, l’essentiel est de faire ce qu’on est en mesure de faire, chacun doit faire ce qu’il faut pour participer au collectif par son travail, par l’aide qu’il peut apporter aux autres. Prendre patience.
Pour lire les témoignages d’autres agents de l’Enseignement agricole public :
• Confinés : des agents de l’enseignement agricole public témoignent – Volet 1
• Confinés : Des agents de l’enseignement agricole public témoignent – Volet 2
• Confiné : Témoignage de Pierre Guy Marnet, Professeur à l’Institut Agro de Rennes
• Confinée : Maria Saunier, CPE dans l’enseignement agricole témoigne
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• Confiné : Eric Guibert, secrétaire général du Lycée de Toulouse-Auzeville témoigne