Interviewée par Jean-François Le-Clanche, Marie-Pierre Defontaine, PCEA à Mirecourt (Vosges), partage avec nous son vécu pendant la période du confinement.
Entretien avec Marie Pierre Defontaine
Je suis PCEA en zootechnie, passionnée par l’élevage et les chevaux. J’enseigne au lycée agricole de Mirecourt (Vosges). Je suis militante Sgen-CFDT, élue au Conseil d’administration de mon lycée depuis 30 ans et au CTREA de la région Grand-Est.
Oui, plusieurs. Je suis dans le Grand-Est, beaucoup de monde est touché. Heureusement, il n’y a pas d’hospitalisation dans mon entourage. Moi-même, j’ai développé quelques symptômes.
Je réside dans les Vosges, le département est très touché. Dans mon établissement, des agents ont été atteints par le virus, des parents d’élèves et des élèves aussi. Dans l’ensemble, on a été assez préservé pour le moment. Le virus circule encore fortement.
L’annonce du confinement a été brutale. Dès qu’il a été annoncé, les enseignants de mon établissement se sont organisés pour rester en contact avec les élèves. Ils ont utilisé des applications telles que « What’s app ». Elles permettent de contacter tout le monde.
Il ne faut pas oublier que dans les Vosges, il y a des zones blanches. Il n’est pas toujours facile d’atteindre certains élèves isolés. On garde donc le contact, un peu trop même : ces derniers n’ont pas d’horaire ! Le soir, ils t’appellent ainsi que les week-end ! De plus, quand un élève envoie un message, l’ensemble de la classe le reçoit ! Cet outil est assez intrusif.
Nous avons agi dans l’urgence et donc on subit de petits débordements.
Coté enseignant, on constate que certains envoient du travail à une heure du matin ! Face à ces débordements, nous incitons maintenant les élèves à passer en message privé. Les règles d’utilisation n’ont pas été définies au départ, nous avons agi dans l’urgence et donc on subit de petits débordements.
Au départ, les élèves ont été bombardés de travail à faire. La situation s’améliore. On travaille avec les mails privés et notre téléphone personnel. Officiellement, la direction a donné la consigne de ne répondre que pendant les heures de cours. Avec les élèves de bac pro, ça ne marche pas contrairement aux BTSA. Les « petits » n’ont pas assez d’autonomie. Je tente d’organiser ma journée de travail en fonction de mon emploi du temps. Il y a des débordements, notamment le soir.
Au niveau de l’établissement, on propose de se connecter deux fois par jour sur « Educagri ». Le directeur-adjoint communique par mail chaque jour et fait le point. Le CPE et les assistants d’éducation suivent les élèves et relancent les parents des élèves absents. Le cahier de texte est tenu scrupuleusement. Pronotes marche bien. Nous avons également organisé des conseils de classe virtuels !
Il y a quelques décrocheurs. Ils sont connus et ce décrochage n’est pas une surprise. Ils ont été absents régulièrement avant le confinement. Souvent, ces jeunes ne sont pas suivis par leurs parents. Il y a aussi des élèves hyper-assidus ! Enfin, les enfants d’agriculteur et d’agricultrices sont moins présents.
J’éprouve une difficulté à organiser l’intégralité de mon temps de travail en face d’un écran : c’est fatigant ! Il y a beaucoup de documents à lire, à corriger et c’est usant.
J’ai été souffrante. Cet état est anxiogène. J’ai réussi néanmoins à maintenir mon activité. J’ai été une semaine au ralenti. Ça va mieux. Je me suis concentrée sur la correction des rapports de stage, j’ai utilisé les ressources educagri.net, elles sont très bien faites pour ma matière. Les élèves apprécient.
J’en ai déjà parlé avant. Autrement j’ai rencontré une difficulté dans le passage des consignes de travail données aux élèves : il faut les répéter et les répéter puis les expliquer. Ce n’est pas toujours simple ! Dans certains cas, j’ai dû envoyer une explication « audio » individuelle ! J’ai eu des petits soucis de connexion. J’utilise mon ordinateur portable personnel. Les élèves sont tous équipés d’un ordinateur grâce au conseil régional Grand-Est. On est un « lycée 4.0 » heureusement car sinon, ça serait la cata !
Quelques élèves connus décrochent avec le numérique. Il y a aussi quelques élèves en zone blanche. Un secrétariat dans l’EPL s’en occupe. La version numérique des ressources que l’on donne aux élèves est imprimée par la secrétaire et adressée par papier courrier. Ce dispositif « papier » concerne 3 élèves sur 50 que je suis. Je ne fais pas de visio-conférence par contre, mes collègues en BTSA le font.
Le face à face est indispensable, c’est une certitude. Le télétravail ? On peut enseigner ainsi, notamment en cas d’accident dans la vie, cela permet de garder le lien élève-enseignant. Enfin, vu le contexte, je me suis lancé uniquement sur des outils que je maitrisais !
On a créé un groupe « What’s app » entre enseignants ! On y fait d’autres envois que le boulot : ça fait du bien. C’est une chance de travailler au lycée de Mirecourt. Il y a un vrai travail d’équipe, le collectif vit, les relations avec la direction sont bonnes. Nous n’avons pas l’impression d’être fliqués. Le respect de l’autre signifie quelque chose chez nous. Le Collectif est fort et solidaire. L’échange verbal manque, ça fait du bien de discuter.
Patience.
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