Pascal est Professeur de Lycée Professionnel. Il prépare ses élèves à devenir conducteur routier. Pas facile de travailler la conduite routière en distanciel, alors comment fait-il ?
Professeur au Lycée Professionnel et Technologique Léonard de Vinci situé à Blanquefort, un établissement qui accueille environ 800 élèves, Pascal Gentet forme des élèves qui doivent devenir conducteur routier. Mission a priori impossible à mener en distanciel pendant la période de confinement. Pourtant, si la conduite constitue le coeur du métier, les compétences à acquérir pour obtenir le bac pro « Conducteur transport routier de marchandise » (CTRM) ne s’y limitent pas. Quelles sont celles que Pascal a pu travailler avec ses élèves pendant la crise sanitaire ? Comment envisage-t-il la suite de l’année scolaire ?
L’enseignement professionnel se découpe en 4 domaines :
- Conduite routière B, C (véhicule isolé de +3,5t) et CE (ensemble de véhicules de +3,5T) par groupe de 4 élèves.
- Gestion transport en classe entière (24 élèves) ou 1/2 classe.
- Technologie véhicule en classe entière (24 élèves) ou 1/2 classe.
- Réglementation routière en classe entière (24 élèves) ou 1/2 classe.
- Co-intervention enseignement professionnel mathématique en classe entière.
J’interviens dans chacun de ces domaines. Pour les domaines gestion transport, technologie véhicule, réglementation routière et co-intervention, les élèves effectuent la plupart du temps des travaux pratiques ou travaux dirigés afin d’acquérir les différents savoirs, savoirs faire, etc.
Pour la conduite B, C ou CE, je me trouve avec 4 élèves pendant 6 heures par semaine. Chaque élève dispose d’une heure trente de conduite par semaine. C’est le même travail qu’une auto-école à la différence que nous avons en permanence quatre élèves dans le véhicule.
Avec ce confinement, ils se retrouvent privés des activités pratiques.
En premier lieu, l’apprentissage de la conduite routière qui est un domaine chronophage en temps enseignant puisque c’est un élève au volant d’un véhicule avec un enseignant à coté pendant son heure et demi de conduite. Ce sont aussi d’autres activités qui sont impactées puisqu’ils ne peuvent plus non plus réaliser du chargement, du déchargement, de l’arrimage de marchandises ou de la conduite de chariots élévateurs…
La première semaine, comme tout le monde, il a fallu travailler dans l’urgence.
Pour le domaine professionnel de la conduite routière nous sommes 9 professeurs. Sachant qu’il y a 4 classes, seconde, première, terminale Bac Pro CTRM et CAP CRM en un an, nous nous sommes répartis une classe pour deux professeurs.
Il a fallu tout d’abord s’assurer que tous les élèves avaient bien les outils numériques pour travailler chez eux et une connexion adéquate. Nous avons ensuite expliqué aux élèves et aux parents, et pour une grande majorité au téléphone, comment nous allions procéder.
La première semaine, comme tout le monde, il a fallu travailler dans l’urgence.
En ce qui me concerne, j’ai eu peu de difficultés pour prendre contact puisque je pratique le E-learning avec mes élèves depuis plusieurs années. Ils ont donc chacun mon mail professionnel et mon numéro de téléphone et moi leurs coordonnées mail et téléphone.
Sachant qu’ils n’ont pas tous des imprimantes ou scanner, nous avons privilégié l’accès à des plateformes (Prepacode, PrepaConduite, @Trium Learning, Quizz, etc.) qui leurs permettent de suivre des cours et de réaliser des exercices.
Nous demandons aux élèves de réaliser de courtes vidéo afin de répondre à des thématiques et de nous les envoyer via Wetransfer. En tant qu’enseignant, nous avons dû nous approprier le travail par visio et le mettre en place.
Non, impossible d’adapter un travail en distanciel pour la conduite qui demande de la manipulation, de la pratique. Alors en attendant, les élèves font des exercices du code de la route. Cela leur permet au moins de maintenir les connaissances liées à la conduite.
Les élèves ont tous un portable qu’ils utilisent essentiellement pour aller sur les réseaux sociaux ou jouer. Il a fallu leur expliquer, pratiquement individuellement, comment rédiger un mail, comment aller sur les plateformes de cours que nous leur proposions et leur montrer comment les utiliser. Au fil des jours passés, nous constatons qu’ils acquièrent davantage de maîtrise des outils numériques pour travailler.
Oui et non ! Pour une bonne majorité d’élèves assidus habituellement, ce lien régulier a été bénéfique puisque nous avons eu les parents au téléphone. Mais, malheureusement pour ceux qui étaient déjà en difficultés au sein de la classe cela n’a rien changé et les parents sont restés très absents.
Comme je le disais dans une question précédente nous sommes donc 2 professeurs d’ateliers à suivre la classe de Seconde CTRM. Tous les matins, à 8h00, nous faisons un point sur le travail effectué par les élèves la veille sur les plateformes du web. En fin de semaine, en concertation, nous leur attribuons une note d’assiduité et de respect des consignes.
Le vendredi, en visio avec la Proviseure-adjointe et la CPE, je fais un compte rendu hebdomadaire sur le travail donné, le travail réalisé par les élèves et leurs difficultés. La Proviseur-adjointe et la CPE prennent contact régulièrement avec les parents ou directement avec les élèves pour leur rappeler l’intérêt de faire le travail donné. C’est pour les enseignants un relais intéressant pour motiver les élèves.
En cette période de confinement nous sommes bien heureux d’avoir des outils numériques personnels pour communiquer entre nous. Comment aurions-nous fait avant 2000 ? Si nous ne les avions pas comment ferions nous aujourd’hui ? Professeurs, nous avons cette capacité à nous adapter. Il est grand temps que l’institution nous équipe d’outils performants et pas seulement de salles équipées d’ordinateurs fixes. A quand les classes mobiles ? A quand des salles et des ateliers plus interactifs ?
Cela doit donc nous interroger sur l’adéquation entre les besoins identifiés des enseignement et les achats effectués pour l’établissement. Dès lors, il est important que la consultation des professionnels aient lieu en amont de l’achat.
Personnellement je pense qu’il est grand temps de changer notre façon de travailler. Le E-learning doit exister avec des cours en présentiel. Pour certains ateliers nous devons mettre en place des modules de formation intensive et développer l’enseignement au travers de projets.
Pour moi, il est aussi nécessaire de passer à un emploi du temps annuel globalisé et non plus fonctionner à la petite semaine.
Mais surtout, pour mieux suivre et répondre aux besoins des élèves en difficulté, il est impératif d’allouer un temps de concertation aux équipes pédagogiques dans nos emplois du temps.