Interviewé par Jean-Francois Le-Clanche, Pierre-Guy Marnet, Professeur à Rennes partage avec nous son vécu pendant la période de confinement.
Pierre Guy Marnet est professeur à l’Institut Agro
Je suis Professeur à l’institut Agro, à Agrocampus Ouest sur le site de Rennes.
Je compte 34 ans de bons et loyaux services auprès de mes structures de tutelles (ENSAR, Agrocampus-Rennes, Agrocampus-Ouest) et INRA (jusqu’en 2014) où j’ai assuré mes fonctions premières de formation et de recherche mais aussi nombre d’autres au service du « collectif » en tant qu’élu (CE, CS école/INRA/GIS CEREL, conseils de centre INRA ou CNESERAAV) ou nommé (chef de service, directeur de labo INRA et de département Agrocampus, CA, CS des PRES UEB/ Bretagne Loire, directeur scientifique d’Agrocampus Ouest).
Je me considère comme étant plus un sympathisant qu’un militant. Je n’ai pas l’âme d’un prédicateur et je préfère servir et montrer l’exemple que de recruter en « diffusant la bonne parole. L’expérience montre que « les dires » et « les recommandations ou positions d’une tutelle » peuvent varier et s’éloigner de nos positions personnelles alors que les actes restent. Cependant j’accepte de représenter la CFDT et de porter une parole commune mais si je n’y adhère pas, je le dis aussi !
Heureusement non.
Plutôt bonne en Bretagne (Ille et Vilaine) avec deux foyers initiaux vites sécurisés. Dans mon établissement, on compte quelques personnels (9) et étudiants malades et isolés (11) mais pas de symptômes graves ni d’hospitalisation à ce que j’en sais.
Je travaille comme si rien n’avait changé pour son organisation : ma journée débute à 8h30 et se termine vers 18h30 ou 19h avec parfois une sortie alimentaire pour trouver moins de queue dans les magasins du village et une pause médiane de 1h30 le temps de se restaurer ou de lire un peu au calme. Autrement, je m’accorde une sortie allant de 30 minutes à une heure pour marcher et faire de l’exercice le soir avant diner pour s’entretenir un peu.
C’est un peu stressant de ne pas savoir bien faire.
Les deux premières semaines ont été assez lourdes pour joindre nos étudiants en stages, organiser le fonctionnement, partager avec les collègues les astuces et outils pour assurer nos entretiens et nos cours. Tout ceci s’installe progressivement même si c’est assez consommateur de temps. C’est un peu stressant de ne pas savoir bien faire.
En revanche, si on veut y voir un point positif, le calme ambiant aide à la concentration. Je peux mieux rédiger mes travaux de recherche et avancer leur finalisation avec mes nombreux doctorants et collaborateurs à l’étranger.
Comme chacun, je pense avoir un peu d’appréhension pour des parents âgés ou fragiles, un peu de déception de ne pouvoir bouger par les beaux jours qui arrivent mais ce n’est pas très déstabilisant ni difficile à supporter pour moi qui dispose d’un jardin. Il y a plus à plaindre ou soutenir que nous.
Les liens entretenus sont nombreux. Je passe des coups de fil journalier à au moins une personne du « réseau » familial, je participe à des « visio » et des « Chat » journaliers avec un ou des collègues de l’équipe qui jouent le jeu et cela déborde même hors horaire de travail pour partager la vie en famille et l’imagination en cuisine !
J’ai apprécié que l’on nous propose de nous rendre utiles pour lutter contre l’épidémie.
On est aussi bien informés par la hiérarchie et le suivi des agents est bien organisé. Cette humanité actuelle et l’intérêt manifesté pour nos personnes mets cruellement en relief le manque d’humanité et de respect/considération qui était pour moi notre quotidien durant les temps dits « normaux » d’activité (hors collègues directs).
J’ai apprécié que l’on nous propose de nous rendre utiles pour lutter contre l’épidémie (sous réserve que cela soit compatible avec nos autres activités). J’ai à ce titre intégré la réserve sanitaire (de par mon expérience en sciences biomédicales et en service hospitalier de pneumologie/pathologies respiratoires).
Suivi des étudiants, points réguliers, suivi des travaux, transformation des contenus pédagogiques, poursuite de la préparation de la rentrée. S’organiser et éviter de prendre du retard et de faire baisser le niveau d’exigence malgré la nécessité d’être bienveillant.
Quasi aucune n’ayant pas une charge pédagogique forte sur ce trimestre… J’ai un peu de temps pour prendre en main certains outils. Seule contrainte : être rivé à sa boite mail pour réagir vite en cas de besoin des étudiants ou de collègues.
Il n’y en a pas vraiment, heureusement. Les plus limités ont un téléphone et peuvent écrire des mails. En cas de gros problème on a le téléphone. Mais on a fait remonter le problème et l’école travaille pour trouver des solutions (envoi de box, de prolongation de forfaits etc…).
Un plus : meilleur respect, convivialité qui je l’espère perdureront, des nouveaux outils que l’on aura moins peur d’utiliser.
Un moins à craindre (je suis pessimiste mais cela permet d’anticiper en cas de réalisation des prédictions !) : si cela marche bien, et vu qu’il faudra bien payer la facture des dépenses engagées pour sauver emploi et activités, j’ai peur que la fonction publique ne se saisisse de la relative efficacité de notre continuité de service pour accélérer la réduction des moyens pédagogiques (nombre de profs et moyens des établissements), pour généraliser le cours en ligne en faisant sauter les barrières physiques et en particulier pour nous, dans le nouvel Institut Agro, ou la question des doublons thématiques se posera obligatoirement…
Les outils numériques ont des vrais atouts mais ne peuvent remplacer le contact direct, la réactivité, la spontanéité d’un présentiel.
Les outils numériques ont des vrais atouts mais pour moi, ils ne peuvent pas remplacer le contact direct, la réactivité, la spontanéité d’un présentiel. Détecter la chaleur et humidité d’un paillis, une odeur de piétin ou d’acétone, un courant d’air, le poids relatifs d’un équipement de traite, la souplesse d’une tubulure… cela ne se voit pas mais se sent… et je ne sais pas encore l’illustrer en vidéo !
Continuez à prendre soin des vôtres et de votre entourage amical ou pro et mobilisez-vous pour faire un monde meilleur une fois revenu au travail ! Sauvons collectivement notre agriculture et la pêche locale en aidant nos agriculteurs, éleveurs et pécheurs avant de les assommer de critiques et de normes qui les mettent à genoux si on ne veut pas manquer un jour…
Soyons solidaire et sachons faire la part de l’essentiel et du reste !
Pour lire les témoignages d’autres agents de l’Enseignement agricole public :
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