Dans la dernière ligne droite vers le 11ème Congrès fédéral, Frédéric Sève répond aux questions de Profession Éducation, le mensuel du Sgen-CFDT, n° 245 (avril 2016).
Dans quel état d’esprit l’équipe fédérale aborde-t-elle ce 11ème congrès fédéral à Aix-les-Bains ?
Je crois que toute l’équipe fédérale attend le rendez-vous du congrès d’Aix-les-Bains avec beaucoup de plaisir et une certaine impatience. Même si un congrès représente d’abord un énorme travail – pour le syndicat organisateur, l’appareil fédéral et le conseil fédéral –, cela reste surtout un irremplaçable rendez-vous militant, un moment très précieux de rencontre entre les équipes syndicales, qu’elles viennent des territoires ou de l’appareil fédéral.
Bien sûr, nous avons bien d’autres occasions de nous voir et d’échanger, dans les instances fédérales en premier lieu, mais aussi quand des militantes et des militants de l’appareil fédéral se déplacent dans les territoires – des militants qui sont souvent d’ailleurs membres actifs de leur syndicat. Toutefois, un congrès, par sa durée et son ampleur, est sans aucun doute le moment qui donne à voir la réalité humaine et la diversité militante de la Fédération des Sgen-CFDT. C’est pour cela que, dans une vie militante, un congrès est souvent une étape fondatrice, et toujours un temps de ressourcement. Par ailleurs, un congrès, c’est aussi le moment où la Fédération écrit sa feuille de route pour les quatre années à venir.
C’est là également que sont élues les instances dirigeantes de la Fédération – le conseil fédéral et en son sein la commission exécutive. Même s’il y a un renouvèlement militant permanent en cours de mandat, le congrès est quand même le moyen privilégié de construction des équipes.
Que représente ce congrès dans ton parcours syndical personnel ?
À Mons-en-Bareul, je terminais mon premier mandat de conseiller fédéral et la Fédération connaissait alors un renouvèlement très important – de la commission exécutive, mais aussi du conseil fédéral. À Décines, j’étais secrétaire général du Sgen-CFDT de l’académie de Lyon. Notre équipe avait organisé le congrès, au terme duquel je suis rentré à la commission exécutive fédérale. Ce fut donc pour moi un moment très particulier, sur le plan personnel, bien sûr, parce que l’investissement dans un mandat national n’est pas une décision anodine, mais aussi parce qu’à cette occasion j’ai quitté une équipe militante pour en intégrer une autre, ce qui est toujours délicat dans une activité comme le syndicalisme où le collectif est si important.
Peu après, je suis devenu secrétaire général de la Fédération, quand Thierry Cadart a rejoint l’équipe confédérale. C’était aussi la période de lancement de la « refondation de l’École », des assises de l’enseignement supérieur, autant de grands mouvements de réforme qui suscitaient beaucoup d’espoir au Sgen-CFDT, même si on savait que des déceptions seraient sans doute au rendez-vous. Les quatre années de ce mandat, avec en son mitan les élections professionnelles, auront donc été très intenses, difficiles souvent, mais toujours stimulantes et passionnantes.
Même si la préparation d’un congrès, en plus de l’actualité syndicale « normale », ne laisse pas beaucoup de temps pour l’introspection, Aix-les-Bains est donc pour moi l’occasion de réfléchir à mon propre parcours syndical, et de ce qu’il peut signifier du fonctionnement de notre Fédération. Quelque chose de bien difficile à résumer, mais dont je retiens en premier lieu l’extraordinaire qualité du réseau militant du Sgen-CFDT. Je n’ai pas rencontré souvent une telle capacité à mobiliser autant de compétences professionnelles, syndicales et même politiques, avec une telle aptitude au débat de fond, à la production d’idées nouvelles, et sans confondre la conviction avec le dogmatisme.
Pour les dirigeants de la Fédération, cela donne à la fois un vrai plaisir dans le travail et une grande confiance dans les relations avec nos interlocuteurs, mais cela nous oblige aussi à un perpétuel effort d’organisation pour solliciter et mobiliser de telles ressources.
Un congrès syndical ne risque-t-il pas aussi d’être un peu synonyme d’« entre-soi » militant ?
Le risque existe, parce que le congrès est organisé de façon très rigoureuse pour garantir la démocratie interne, et que sa préparation commence très en amont pour permettre des débats très approfondis. De ce fait, les adhérents moins actifs et moins impliqués dans la vie de leur syndicat peuvent avoir du mal à s’y retrouver voire à s’y reconnaitre. C’est pourquoi nous avons voulu commencer le travail d’écriture de la résolution de congrès le plus tôt possible – avec les conseillers fédéraux et leurs syndicats, avec les militants de l’appareil fédéral, les réseaux et les conseils de secteur – pour qu’elle soit le fruit d’un travail militant le plus élargi et le plus partagé possible.
Le conseil fédéral a même lancé un appel à contribution un an avant le congrès, pour favoriser une expression militante plus libre dans ses termes et dans sa forme. Faute d’avoir su l’organiser à temps, cette idée n’a pas connu le succès qu’elle méritait, mais nous nous y intéresserons ultérieurement. L’appropriation par les militant·e·s et les adhérent·e·s de la réflexion et des idées qui se cristallisent lors d’un congrès est en effet un enjeu essentiel pour la qualité de notre vie interne et de notre action syndicale sur le terrain.
Par ailleurs, pour un regard extérieur, un congrès syndical est souvent une affaire interne un peu opaque, dont on ne retient que les noms des élu·e·s au conseil fédéral et à la commission exécutive. Nous allons essayer cette année de donner plus de visibilité médiatique à notre congrès, et tout particulièrement aux débats de fond qui s’y dérouleront. C’est l’équipe du secteur communication de la Fédération qui prend en charge cet effort de visibilité, notamment sur les réseaux sociaux. Il faudra, bien sûr, qu’un maximum de militant·e·s relaient cet effort de communication. Nous pouvons être fiers de notre démocratie interne et de nos débats, car faire connaitre notre congrès est aussi une façon de faire aimer notre type de syndicalisme.
Un congrès fédéral est-il d’abord un bilan ou un projet ?
C’est forcément tout cela à la fois. Les deux temps forts d’un congrès sont la présentation du rapport d’activité, qui est le bilan de l’action fédérale au cours du mandat écoulé, et le débat sur la résolution qui constituera la feuille de route du Sgen-CFDT pour les quatre années à venir. J’ai plutôt envie d’insister sur la très forte articulation entre les deux. Si le rapport d’activité fait état de ce que nous avons obtenu comme avancées depuis le précédent congrès, celles-ci ne constituent jamais un point d’arrêt de notre action revendicative, mais plutôt des points d’appui pour formuler de nouvelles exigences et de nouvelles propositions.
Par exemple, avoir réussi à réformer les rythmes scolaires dans le premier degré doit nous permettre de transformer les obligations de service des professeur·e·s des écoles. De même, l’avancement d’échelon au même rythme pour tous nous donne les moyens de faire évoluer les pratiques d’évaluation professionnelle, notamment des enseignant·e·s. Et la fédéralisation de l’enseignement supérieur et de la recherche peut nous servir de cadre pour une politique de lutte contre la précarité. Chaque avancée syndicale ouvre la voie à une nouvelle revendication. C’est en cela que le Sgen-CFDT est un syndicat progressiste, et pas un cartel corporatiste.
Mais l’articulation entre rapport d’activité et résolution exprime aussi la critique permanente à laquelle nous soumettons nos propres idées. Nous ne prétendons pas avoir « en magasin » un prêt-à-penser qui apporte une réponse à tout. La société se transforme constamment, ce qui interroge le service public et l’exercice professionnel des collègues. Nous devons donc, en permanence, renouveler notre catalogue revendicatif, l’adapter aux nouvelles réalités du travail, aux nouvelles exigences des collègues. Construire un discours ouvert sur la société et sur l’avenir, c’est aussi cela l’enjeu de notre congrès.