Déclaration liminaire du Sgen-CFDT.
Mesdames et Messieurs les membres du Conseil Supérieur de l’Éducation,
Nous n’avons pas pour habitude de faire ici la chronique de tous les dérapages qui émaillent le débat public quand celui-ci s’empare de la question éducative. Il y a longtemps que, dans ce pays, les bateleurs d’estrade réactionnaires et les spécialistes des propos de comptoir ont leur rond de serviette dans les médias, aux dépens des professionnels et des connaisseurs véritables. On s’y est presque habitué. Cependant, l’outrance et même la violence de certains propos récents, à quelques mois d’élections nationales, nous obligent à y faire réponse ici, pour prendre la défense des personnels, de leurs métiers et de leurs missions.
Défendre les personnels
Défendre les personnels enseignants, tout d’abord, dont le travail est aussi méconnu que méprisé. Que l’on ose dire que les enseignants « travaillent six mois par an », que l’on puisse laisser croire qu’il est possible d’augmenter leur temps de service et supprimer des dizaines de milliers de postes sans remettre en cause les missions qu’ils assument, c’est une insulte directe à nos collègues que l’on traite quasi explicitement de paresseux. Le plus grave est que cela traduit une volonté de complaire à cette frange de l’opinion qui est avide de certitudes simples mais factices, et en perpétuelle recherche de boucs émissaires.
Défendre les personnels administratifs des services déconcentrés, notamment, à qui on reproche simultanément la moindre absence non remplacée d’un·e enseignant·e, et que certains médias critiquent vertement s’ils recrutent des personnels contractuels sans le même bagage de formation qu’un titulaire.
Défendre ces mêmes personnels contractuels, enfin, que dans l’indifférence générale on continue de maintenir dans la précarité malgré la loi Sauvadet, qu’on laisse assumer sans accompagnement ni formation les postes souvent parmi les plus difficiles.
Au-delà de ces collègues, il faut bien reconnaître que le travail, la réalité du travail, les situations concrètes de travail ne sont plus perçues ni traitées dans le débat public, qui préfère s’attacher à une vision fantasmée du travail et des besoins des salariés. C’est la responsabilité des organisations syndicales que de reposer la question du travail dans le débat politique, en s’appuyant sur ce que vivent et pensent les salariés d’aujourd’hui. C’est à cette fin, d’ailleurs que la CFDT a lancé une grande enquête « Parlons travail », à laquelle ont déjà répondu plus de 120 000 personnes de tous les secteurs d’activité.
reconnus dans leur travail, respectés en tant que professionnels
Mais si nous plaidons pour que nos collègues soient reconnus dans leur travail, nous exigeons aussi qu’ils soient respectés en tant que professionnels. Quand, dans les discours politiques, on dénonce l’assistanat, on fustige le social, on moque la pédagogie, on dénonce, fustige et moque de la même façon ceux dont c’est le métier : les métiers de l’assistance, les travailleurs sociaux, les enseignants et personnels d’éducation. Qu’il se trouve une frange de l’opinion qui apprécie que l’on tape sur les fonctionnaires, sur les enseignants, c’est déjà en soi inquiétant : cela montre que certains de nos concitoyens sont en recherche de certitudes commodes et de boucs émissaires. Mais que des responsables politiques utilisent ce travers à des fins démagogiques plutôt que de le contrer et le corriger, cela nous inquiète au plus haut point.
Au-delà de la défense des métiers, il y a la défense des missions de service public
Au-delà de la défense des métiers, nous voulons dire aussi qu’il y a la défense des missions de service public. Comment accepter que, alors que le pays s’émeut à juste titre quand Alstom veut supprimer 400 emplois, il se trouve des responsables politiques de premier plan qui proposent sans sourciller de supprimer 100, 200, 300 000 postes de fonctionnaires ? Avec ce que cela implique, en bout de chaîne, pour l’emploi global et l’emploi particulier des contractuels qui seront les premiers impactés ! Comment accepter qu’on parle de réserver le statut de la fonction publique à l’emploi « régalien », avec ce que cela signifie pour les personnels ainsi ravalés au rang de denrée accessoire ? Ces attaques contre le service public sont au fond justifiées par un renoncement aux missions du service public, et aux politiques d’égalité qui en sont le fondement : quand on ne veut pas la santé pour tous, on n’a pas besoin d’un service public de la santé, quand on ne veut pas l’accès de tous à l’éducation, on n’a plus besoin d’un service public de l’éducation . C’est bien ces questions qui sont aujourd’hui posées, et c’est pour cela que nous sommes très inquiets de l’état de la société française.