Déclaration liminaire du Sgen-CFDT au Conseil supérieur de l’Éducation du 5 mars 2018.
Dans les dernières annonces ministérielles, l’objectif affiché pour le lycée est bien de personnaliser et d’accompagner les parcours des élèves vers et au-delà du bac.
C’est un objectif que le Sgen-CFDT partage, avec son projet de cycle terminal polyvalent modulaire et diversifié. Il nous paraît essentiel de sortir de la logique des parcours TGV pour donner du temps aux apprentissages et permettre le droit à l’erreur.
Mais au-delà des annonces, il y a pour l’instant loin de la coupe aux lèvres.
Réforme du lycée : trop de solutions de continuité demeurent…
En effet si l’on s’en tient au projet affiché trop de cloisonnements subsistent.
- Cloisonnement entre la scolarité du socle et le lycée d’abord, avec des tests de positionnement qui doublonneront la validation des compétences du socle et le LSU. C’est une curieuse façon d’envisager la continuité 3ème-2nde. C’est une curieuse façon de reconnaître le travail des enseignants de collège. C’est une curieuse façon enfin de concevoir l’évaluation, avec cette ambigüité récurrente entre l’évaluation du système et l’évaluation des élèves. Le Sgen-CFDT regrette que le principe du semestre d’accueil en 2nde envisagé par le rapport Mathiot ait disparu.
- Cloisonnement entre les voies professionnelle, technologique et générale : trois types de parcours coexisteront et resteront compartimentés, malgré la promesse de passerelles dont on sait le peu de fonctionnement réel. Il y aura donc maintien de fait d’une segmentation sociale qui mine le système.
- Cloisonnement entre lycée et post-bac enfin. Les attendus nationaux des filières du supérieur ont pour intérêt d’expliciter, parmi les compétences et connaissances travaillées au lycée, celles jugées nécessaires à la réussite dans une filière, de permettre un diagnostic des forces et faiblesses des étudiants et de construire des outils de remédiation et d’accompagnement.
Or la Fiche avenir, présentée comme un dispositif original et formalisé des vœux du lycéen, qui va être saisie dans les prochains jours, est en réalité en rupture complète avec la philosophie de la loi. Alors que les attendus se déclinent en compétences, la fiche avenir met en avant les notes des lycéens déjà disponibles sur les bulletins scolaires, leur classement, et accorde une importance limitée à des “éléments d’appréciation” qui restent très généraux et difficilement objectivables (méthode de travail, autonomie…).
Rien n’est repris du livret scolaire lycéen que les professeurs de lycée doivent déjà remplir, qui positionne l’élève en quatre niveaux de maîtrise sur les compétences majeures de chaque discipline, compétences régulièrement travaillées en classe et que les enseignants sont donc en mesure d’évaluer. La place consacrée au projet de l’élève est réduite alors que ce devrait être le mode d’entrée et la base de cette fiche d’orientation. Rien n’est conçu pour repérer les besoins des futurs étudiants et construire les parcours personnalisés, au risque de voir apparaître par exemple des tests de positionnement comme outils uniques pour identifier les besoins. Ainsi, il est primordial de voir cette fiche évoluer fortement, en reprenant les éléments du livret scolaire lycéen.
Trop de solutions de continuité demeurent donc.
Beaucoup trop d’incertitudes demeurent également :
– Dans la mise en œuvre des parcours des élèves engagés dans la voie professionnelle, puisque les arbitrages ministériels ne sont pas rendus et qu’on ne connaît toujours pas le calendrier envisagé…
– Dans la mise en œuvre de la réforme du lycée général (puisque la voie technologique reste inchangée) :
- Sur les possibilités de choix effectivement laissées aux élèves dans la construction de leur parcours. Cette question a été laissée dans le flou lors des annonces ministérielles et elle est pourtant essentielle. S’il y a trop de contraintes et le maintien de la structure classe, alors il y aura recréation de filières.
- Sur la réalité de l’accompagnement des parcours et des choix. Un des points pourtant les plus intéressants du rapport Mathiot a été fragilisé dans les annonces ministérielles par son éclatement entre soutien et aide à l’orientation, sans aucune précision sur le nombre d’élèves par groupe, ni sur les modalités pédagogiques.
- Sur la vision et les conditions d’exercice du métier enseignant : quels changements seront induits par les nouvelles modalités d’évaluation du bac en contrôle continu (et notamment les partiels semestriels) ? Par les épreuves terminales passée au retour des vacances de printemps ? Par la préparation de l’épreuve terminale de l’oral ?
Le travail des agents publics
C’est bien la question de la reconnaissance non seulement des enseignants mais de tous les personnels qui sera au cœur de la mobilisation voulue par le Sgen-CFDT dans la semaine du 18 au 23 mars : ils et elles sont une richesse, et les mesures prises concernant le jour de carence, la simple compensation de la CSG ou le gel du point d’indice s’inscrivent dans une perspective uniquement budgétaire inacceptable.
Le travail des agents publics, quel que soit leur statut, contribue à ce que le contrat social s’incarne, à ce que la solidarité nationale existe, à la production des biens communs. C’est le sens d’une fonction publique de statut et de carrière au regard des valeurs républicaines comme garante à la fois de la neutralité, de l’impartialité et de la laïcité mais aussi de la continuité du service public.
Pour aller plus loin :
- Nouveau baccalauréat que penser des mesures Blanquer ?
- La réforme du bac et du lycée, une équation avec beaucoup trop d’inconnues
- La réforme du bac : pour qui ? Pour quoi ?
- Dossier – Réforme du lycée : l’analyse des personnels d’encadrement
- Dossier – Réforme du baccalauréat : l’analyse des personnels d’encadrement
- Dossier – Fiche avenir : un outils qui sape l’idée de parcours Bac -3 / +3
- Dossier – Place et rôle du lycée dans le continuum bac -3 / +3 : les propositions du Sgen-CFDT