Conseil supérieur de l'éducation du 11 mars 2019 - Déclaration liminaire des représentants du Sgen-CFDT.
Conseil supérieur de l’éducation du 11 mars 2019 – Déclaration liminaire du Sgen-CFDT
Ne pas déposséder l’École de sa mission première, même lorsqu’il est nécessaire de sanctionner des élèves.
Le projet de modification du décret discipline examiné aujourd’hui fait suite à l’agression inacceptable dont a été victime une enseignante d’un lycée de Créteil et aux témoignages de collègues rassemblés sous le hashtag #PasDeVague. Le premier temps d’emballement sécuritaire et répressif qui avait suivi montre une nouvelle fois, si c’était nécessaire, que la communication politique est mauvaise conseillère en matière de politique publique. Les organisations CFDT concernées par le dossier, à savoir les fédérations Sgen, FEP, Interco et les syndicats SCSI et Alternative Police s’en étaient d’ailleurs alarmées et avaient réaffirmé dans un communiqué commun que la priorité devait aller à l’amélioration des services publics impliqués dans la lutte contre les violences en milieu scolaire.
Le ministère avait su entendre cette mise en garde et réorienter son discours en insistant sur la dimension éducative des sanctions et l’attention à la poursuite de la scolarité des élèves pour que l’École ne soit pas dépossédée de sa mission première, même lorsqu’il est nécessaire de sanctionner des élèves.
Le projet de texte présenté aujourd’hui s’inscrit selon notre organisation dans cette logique. Il maintient en l’état la composition actuelle du conseil de discipline, garantissant ainsi que le disciplinaire reste une préoccupation de l’ensemble de la communauté éducative. La présentation d’un bilan annuel en conseil d’administration peut être un levier supplémentaire pour que l’ensemble de la communauté éducative prenne la mesure des problèmes rencontrés et construise collectivement, à partir d’indicateurs objectivés, les solutions les plus appropriées. Cela fera aussi obligation aux autorités académiques de prendre la mesure de la réalité vécue dans les établissements. Le projet met aussi l’accent sur les mesures d’accompagnement pour éviter les phénomènes de décrochage après exclusion temporaire.
Le choix de réduire les délais de convocation des conseils de discipline et d’allonger ceux de conservation des sanctions dans les dossiers ne fait pas sens.
Dans cet ensemble le choix de réduire les délais de convocation des conseils de discipline et d’allonger ceux de conservation des sanctions dans les dossiers ne fait pas sens.
L’accélération de la procédure de conseil de discipline, si elle reste dans des limites raisonnables, ne va pas résoudre les situations liées aux agressions que seules des mesures conservatoires d’exclusion décidées localement pourront traiter. Elle va compliquer la collecte des témoignages et la réunion des éléments dans un contexte où la vie des établissements est déjà rythmée par une urgence permanente. Elle pourrait en définitive, face aux risques de recours, avoir un effet désincitatif sur les décisions de convocation de conseil de discipline.
L’allongement de la durée de conservation des sanctions risque enfin de générer plus de problèmes que de solutions en termes d’apaisement. La réalité des établissements est que l’année scolaire représente la « mesure étalon » de la vie des élèves et des personnels dans l’établissement. Cette mesure, en sortant de ce cadre temporel, remet en question le rôle fondamental de l’École en termes d’éducation dans l’apprentissage des règles et des conséquences de leurs transgressions : une fois la dette réglée, on repart à zéro.
Le Sgen-CFDT a donc déposé des amendements sur ces deux points pour revenir aux délais actuels. Il attend du débat des éclaircissements sur les objectifs poursuivis par ces modifications. Elles laissent en effet d’autant plus perplexes qu’elles sont présentées hors du cadre plus général censé être fixé par le Plan sur les violences scolaires une nouvelle fois reporté.
Suspension des allocations familiales et populisme éducatif…
Le point d’achoppement porte, on le sait, sur la suspension des allocations familiales aux familles d’élèves violents, qui fait l’objet de vives et légitimes critiques de la part de députés et de certains ministres. Le Sgen-CFDT partage évidemment cette analyse d’une mesure qui s’inscrirait pleinement dans ce que le sociologue Xavier Pons qualifie de populisme éducatif, c’est-à-dire un programme d’action publique flattant les attentes perçues de la population sans tenir compte des propositions, des arguments et des connaissances produits dans le cours de l’action publique par les corps intermédiaires ou les spécialistes du sujet.
Pour le Sgen-CFDT, articuler un plan autour de quatre axes
Pour le Sgen-CFDT un plan efficace de lutte contre les violences scolaires doit s’articuler autour de quatre axes :
- accompagner les personnels, et tous les personnels, lorsqu’ils sont victimes de violences verbales ou physiques. Il est plus que temps que l’État employeur s’exprime plus clairement sur le soutien qu’il entend apporter à ses agents et sur les moyens dont il compte se doter. Faut-il le rappeler, en deux ans ce gouvernement supprime 600 postes administratifs, essentiellement dans les services déconcentrés… Or ce sont ces personnels qui doivent participer aux services ressources humaines de proximité, ce sont encore eux qui traitent les dossiers de protection fonctionnelle, les dossiers des élèves exclus d’un établissement pour leur trouver un nouvel établissement, qui exploitent et analysent les documents des conseils d’administration.
- réaliser les créations de postes et les recrutements permettant d’avoir des équipes pluri-professionnelles complètes dans les établissements, avec un turn-over le plus faible possible : les suppressions de postes d’enseignant·es, la non création de postes de CPE, d’assistant·es de service social, d’infirmier·es, de médecins scolaires montrent que le gouvernement n’est pas prêt à investir dans cette direction, nous continuerons de le dénoncer ;
- structurer une politique de la ville et des politiques jeunesse ambitieuses : pas un mot sur ces axes, et un gouvernement qui envisage toujours des dépenses élevées pour un service national universel, plutôt que de financer davantage la lutte contre la pauvreté ou la mise en œuvre d’un plan banlieue ;
- développer enfin la mixité sociale et scolaire dans les établissements, et il faut malheureusement souligner que le ministère semble peu préoccupé par ce sujet depuis deux ans.