La "commission Mathiot" en charge de la réforme du baccalauréat a auditionné le Sgen-CFDT.
Avertissement : Ce document constitue un complément aux éléments fournis lors de l’audition de la délégation Sgen-CFDT par la mission sur la réforme du baccalauréat. Il n’a pas vocation à rassembler l’ensemble des positions et propositions du Sgen-CFDT pour l’enseignement secondaire et le lycée. Le propos est centré sur les enjeux d’une réforme du baccalauréat , aspects qui méritaient plus de développement et de précision que ce que nous avons pu exprimer lors de l’audition.
Introduction
Le Sgen-CFDT défend de longue date, et il l’a exprimé en diverses occasions, une réforme du lycée et du baccalauréat qui permette une modularisation des parcours des lycéens dans le cadre d’un établissement polyvalent modulaire et diversifié.
Cette évolution est devenue urgente au regard des transformations récentes des autres segments de la formation des jeunes.
La Loi de Refondation de 2013 a ainsi fixé pour objectif à la scolarité obligatoire de « garantir à chaque élève les moyens nécessaires à l’acquisition d’un socle commun de connaissances, de compétences et de culture, auquel contribue l’ensemble des enseignements dispensés au cours de la scolarité. » Ce socle « doit permettre la poursuite d’études, la construction d’un avenir personnel et professionnel et préparer à l’exercice de la citoyenneté. » Un premier continuum, celui du temps du socle, se dessine ainsi avec une organisation en cycles pour permettre des parcours de réussite pour tous les élèves. Si cette logique a été fragilisée par une série d’annonces et de mesures elle n’en reste pas moins inscrite dans la Loi.
La concertation qui vient de s’achever sur l’accueil en premier cycle a montré l’attachement des communautés éducative et universitaire à l’objectif de l’élévation du niveau de qualification de notre jeunesse (60 % d’une génération diplômée du supérieur). Le Projet de loi, qui doit être suivi de modifications des arrêtés licence et cadre national des diplômes, s’inscrit dans la nécessité, apparue lors des concertations, de repenser la formation des étudiants en terme de personnalisation des parcours. L’accompagnement à l’entrée en premier cycle ouvrant droit à des crédits ECTS a ainsi été inscrit dans la Loi alors qu’une modularisation des cursus de licence reste à construire. Le 2ème groupe de travail, consacré à l’information des lycéens, avait souligné la nécessité de fixer au lycée l’objectif de construire un parcours d’orientation pour chaque lycéen lui permettant de se projeter vers l’enseignement supérieur. Si le Sgen-CFDT considère que cette préconisation n’a été reprise qu’a minima par le ministère de l’éducation Nationale avec des mesures insuffisantes (2ème PP, semaines de l’orientation) il n’en reste pas moins qu’elle existe et que sa mise en œuvre conditionne la réussite du « Plan Étudiants » car ce sont bien les contours d’un second continuum, celui allant du bac -3 au bac +3 qui sont ainsi tracés.
Pour le Sgen-CFDT le chantier entamé est interministériel et il doit se poursuivre par une réforme qui change la nature du baccalauréat pour en faire non plus un examen barrière mais un diplôme passeport vers la poursuite d’études dans l’enseignement supérieur.
La concertation qui doit suivre la mission sur le bac doit impérativement intégrer les effets de ce changement de modèle sur les pratiques professionnelles des personnels et ses conséquences en terme réglementaires et de besoins de formation.
Les constats et enjeux :
Notre système de formation initiale vise un double objectif :
– suivre dans de bonnes conditions les études supérieures pour atteindre 80 % de bacheliers dans une génération;
– atteindre 50 % de cette génération diplômés au niveau II.
L’augmentation constante de la proportion de bacheliers dans une génération depuis un trentaine d’année suit une évolution par paliers mais l’objectif n’est toujours pas atteint.
Nous sommes aujourd’hui seulement à 77 %.
L’analyse de la répartition des bacheliers entre les trois voies de formation, générale, technologique et professionnelle, montre clairement que la progression des bacheliers dans une génération est essentiellement due à l’augmentation des bacheliers professionnels, notamment au détriment des bacheliers généraux et technologiques. De plus ces progrès se sont faits au prix d’une discrimination sociale des élèves entre voies de formation.
Quant à l’objectif d’avoir 50 % de diplômés de niveau II dans une génération il pose lui la question de la réussite des étudiants.
Selon les filières d’études post-bac et les filières de bacs d’origines, les situations sont très différentes et ne permettent pas de tenir un discours généralisateur. Le système français d’enseignement supérieur et sa diversité de filières est un des plus performants de l’OCDE (seuls 19% des entrants sortent sans diplôme, cf NI du MESR n°13-10).Cette proportion de sortants sans diplôme varie entre 9% pour les bacheliers généraux et 55% pour les bacheliers professionnels. Pourtant, seulement un peu moins de la moitié poursuit des études. Toutefois, s’il est extrêmement important chez les bacheliers professionnels, l’échec dans le post-bac ne concerne pas cette seule catégorie d’étudiants.
Ce taux massif d’échec des bacheliers professionnels ne peut laisser indifférent, et les seules mesures de quotas ne résoudront ni la question de la réussite, ni l’injustice sociale qu’il constitue, ni le recul d’une réelle démocratisation que traduisent ces constats et les analyses plus fines qu’il faut poursuivre.
Pour augmenter la proportion de diplômés de l’enseignement supérieur, il est impératif de donner des objectifs au niveau pré-bac.
L’organisation du lycée en filières hiérarchisées est en effet très rigide. Elle enferme les élèves dans une structure tubulaire menant de la seconde à la terminale, faute de passerelles existantes ou suffisantes.
L’« effet filière » renforce ainsi le rôle du diplôme acquis dans la formation initiale comme identifiant social alors que la formation tout au long de la vie est un impératif pour l’élévation du niveau de qualification et pour tendre à l’égalité des places dans la société.
Ainsi non content de favoriser la reproduction sociale la structuration actuelle du lycée ne favorise pas significativement l’élévation du niveau de formation et de qualification de la population.
Il convient aussi de s’interroger sur la nature du bac.
Même s’il est toujours en théorie le premier grade universitaire, le baccalauréat n’est de fait plus considéré comme un diplôme du supérieur, ni par les établissements sélectifs qui recrutent essentiellement sur la base du livret scolaire, ni par les universités qui le considèrent souvent comme une obligation pesante – celle d’accueillir tous les bacheliers, sans considération des capacités de réussite ni du projet d’orientation. Mais par ailleurs, le baccalauréat garde une fonction essentielle de pilotage par l’aval de la scolarité et du travail en lycée, pour les professeurs comme pour les élèves. Malheureusement, cet examen est aujourd’hui trop « scolaro-centré » et organisé comme une validation des études secondaires. Il ne dit pas grand-chose sur les capacités à poursuivre des études, ni sur l’adéquation entre les études secondaires suivies et les études supérieures envisagées.
Mis à part au lycée professionnel où le contrôle en cours de formation domine, les baccalauréats technologiques et généraux restent organisés par une batterie d’épreuves terminales « coefficientées » selon la série, et in fine, la moyenne même pondérée permet la compensation. Ce qui induit, d’une part une faible lisibilité du diplôme sur le « niveau » de connaissances et de compétences acquises dans la coloration, et d’autre part impose comme objectif premier à chaque enseignant de terminale de s’engager dans la course au programme, considérant que sa mission sera accomplie s’il y parvient ou s’en rapproche le plus possible.
Les règles du jeu sont en général connues, les épreuves codifiées, mais la densité des programmes n’aura pas permis d’accompagner les rythmes d’acquisition des élèves ni d’approfondir telle partie du programme, encore moins de favoriser l’autonomie ou le travail collaboratif. La logique est celle de la compétition où tout se joue en une seule fois, avec la part d’aléatoire liée (en particulier mais pas seulement) à la correction.
Il apparait donc comme un examen « barrière », qui régule les flux par l’échec, mais sans réelle efficacité.
Nos pistes et propositions pour y remédier
1. Transformer le bac pour lui redonner son statut de premier grade universitaire et en faire un passeport vers l’enseignement supérieur
Le baccalauréat reste conçu comme un examen terminal de la scolarité secondaire. Il faut donc le transformer pour que d’un examen de récapitulation des connaissances il devienne une évaluation des connaissances et compétences nécessaires pour le projet de poursuite d’étude de l’élève. Le bac est d’abord un diplôme universitaire et il doit à ce titre retrouver du sens pour l’enseignement supérieur.
Pour le Sgen-CFDT il faut que le baccalauréat devienne un passeport pour le supérieur. Il doit donner la coloration d’un parcours, rendre compte des aptitudes et des goûts des élèves. Le but est bien de leur permettre de poursuivre leur cursus dans la continuité du lycée. Ce baccalauréat « passeport » possèderait ainsi des « visas » obtenus par la validation de divers modules. Il redeviendrait alors le premier grade universitaire et permettrait de passer du parcours Licence-Master-Doctorat (LMD) au parcours Bac-Licence-Master-Doctorat (BLMD).
Le principe de base du bac modulaire voulu par le Sgen-CFDT repose aussi sur la mise en place de modules semestriels disciplinaires ou interdisciplinaires : les objectifs de chaque programme doivent être découpés (en toute logique par le Conseil supérieur des programmes) en blocs de compétences et de connaissances.
Une évaluation de validation, non-compensatoire doit être définie à l’avance pour chaque module, avec des modalités variables (contrôle continu, CCF, examen terminal, épreuve de TPE).
En fin de terminale, une évaluation certificative, constituée par un module de synthèse, récapitulerait le parcours de formation (préservant ainsi la fonction «rite de passage» du bac). Les modules obtenus donneraient des indications pour l’inscription en post-bac.
2. Transformer le bac pour l’inscrire dans une logique de parcours de l’élève et revaloriser l’expertise disciplinaire et pédagogique des enseignants
Il s’agit bien, aussi, de déverrouiller l’organisation pédagogique du lycée avec un diplôme modulaire qui se construirait au fil du parcours, et pas uniquement en examen final dans le cadre de séries clés en main. L’organisation du baccalauréat en modules oblige à renoncer à la logique de la moyenne générale qui compense les notes entre domaines très différents : en effet, le bac est obtenu uniquement si un certain nombre de modules sont validés, ce qui certifie un niveau d’acquisition et de maitrise des connaissances et des méthodes (compétences). Cela permettra de redonner du sens au métier d’enseignant miné par le bachotage actuel, d’accompagner les apprentissages des élèves, de les préparer progressivement de façon adaptée et individualisée aux compétences réellement nécessaires pour leurs études post-bac, par exemple l’autonomie ou le travail collaboratif.
Pour le Sgen-CFDT le bac étant modulaire, c’est l’organisation de la seconde et du cycle terminal qui doit être revu.
La classe de 2nde, décloisonnée, commune aux LP et aux LGT serait un palier de préparation, une année de transition à la fois socle +1 et bac -3. Elle comporterait des modules communs d’enseignements généraux pour consolider le socle commun ou l’approfondir, et des modules obligatoires de découvertes des différents domaines possibles ( industriel, tertiaire, scientifiques, sciences humaines, littérature, stages en entreprise, arts…).
Passée cette année de transition la diplomation du bac sur les quatre semestres du cycle terminal revient à la mettre en cohérence avec la préparation à l’orientation. La logique de construction du parcours, dès lors, devient essentielle. Pour le Sgen-CFDT, passer d’un lycée structuré en voies parallèles à une construction progressive des parcours nécessite d’accompagner le jeune, avec notamment des moments de réflexion sur son travail de lycéen ou d’étudiant.
Le Sgen-CFDT propose que chaque lycéen dispose d’un compte personnel d’accompagnement ouvert avec un nombre d’heures donné au départ et abondé selon les besoins de l’élève, tant en termes d’apprentissage qu’en termes de construction du parcours. Cet accompagnement personnalisé repensé doit s’appuyer sur un dispositif de tutorat de groupe (élèves des trois niveaux –seconde, première, terminale—, avec un professeur référent pour les trois années du lycée). Ce suivi planifié dans le temps permettra de faire régulièrement le point sur les apprentissages, d’organiser l’utilisation des dispositifs d’aide proposés par l’établissement, d’accompagner la construction du parcours dans une double perspective : bac-3/bac+3, mais aussi de formation tout au long de la vie.
Cette fonction de tuteur, qui a vocation à remplacer celle de professeur principal, doit s’inscrire dans le service des enseignants.