Le mardi 30 avril 2024, la fédération des Sgen-CFDT a adressé une lettre ouverte à la ministre de l’Éducation nationale sur les conséquences immédiates de la trajectoire budgétaire pour le service public d’éducation et les conditions de travail des personnels.
A Paris, le 30 avril 2024
Objet : Lettre ouverte sur les conséquences immédiates de la trajectoire budgétaire pour le service public d’éducation et les conditions de travail des personnels
Madame la Ministre,
Déjà le 10 avril dernier, j’attirais votre attention sur les effets délétères des communications reçues par les personnels de direction concernant l’utilisation des parts fonctionnelles d’indemnités correspondant au « pacte » sur la fin de l’année scolaire 2023-2024. La modification, sans dialogue social préalable, du volume et des modalités d’utilisation des enveloppes allouées aux EPLE constitue de fait une entrave à leur autonomie. Cela met en difficulté les personnels de direction dans leur rôle de pilote pédagogique, et la relation de confiance qu’ils et elles tissent avec les équipes.
Désormais, les rectorats provoquent les uns après les autres, en urgence, des réunions avec les représentants syndicaux des personnels de direction pour leur annoncer la diminution importante des volumes d’heures supplémentaires effectives et d’indemnités pour missions particulières dans les mois qui viennent. Dans nombre d’académies, il s’agit de ne plus attribuer d’HSE et d’IMP sur la fin de l’année scolaire 2023-2024, et de préparer l’année 2024-2025 avec une enveloppe drastiquement réduite. Ces nouvelles décisions ne font qu’accroître les difficultés des personnels de direction dans la réalisation de leurs missions et viennent fragiliser encore davantage la préparation de rentrée.
Manifestement vous choisissez de faire porter les coupes budgétaires sur les enveloppes permettant de payer les primes, indemnités et HSE. Nous comprenons que votre objectif est de préserver le nombre d’équivalents temps plein enseignants que le ministère peut déployer sur l’ensemble du territoire national. Cependant ce choix va remettre en cause brutalement et arbitrairement des choix pédagogiques décidées par les équipes sur le terrain. C’est une source supplémentaire de démotivation de l’ensemble des agents à commencer par les cadres.
Les décisions qui en découlent et se succèdent ont un impact immédiat sur les établissements et donc le travail des personnels. Elles désorganisent le système éducatif. Des actions pédagogiques et éducatives prévues pour la fin de l’année scolaire vont être annulées. Des remplacements de courte durée prévus par les équipes hors pacte mais dans le but d’assurer un enseignement dans la même discipline et par des collègues assurant par ailleurs le même enseignement vont être empêchés. Dans certains établissements, c’est même l’organisation des examens qui pourrait être fragilisée. Cette nouvelle attaque sur l’autonomie des établissements n’est pas acceptable car elle vient remettre en cause des décisions validées dans les conseils d’administration.
HSE, IMP qui ne donnent plus jamais lieu à décharge de service d’enseignement, et parts fonctionnelles attribuées dans le cadre du « pacte » sont autant d’éléments qui accroissent la charge et le temps de travail des personnels. Jamais le ministère n’a accepté de conduire une étude sérieuse en termes de conditions de travail de cette organisation du service public d’éducation. Nous n’avons eu de cesse de dénoncer cet aveuglement sur l’intensification du travail et ses effets sur les personnels.
Depuis les annonces en février de coupes budgétaires, nous demandons un dialogue social sur leur impact sur le service public d’éducation. En lieu et place de ce dialogue qui permettrait de donner, peut-être, du sens aux décisions budgétaires, à tout le moins de la visibilité aux personnels sur leur impact pour le travail et pour le service à la population, les personnels de direction et leurs représentants découvrent au compte-goutte les décisions budgétaires et se retrouvent en première ligne pour les expliquer aux personnels d’abord, aux élèves et à leurs parents ensuite. Car en réalité, dans cette opération, le gouvernement n’assume pas sa responsabilité politique d’expliquer à la population quels services ne pourront plus être rendus.
Il est pour nous inenvisageable que le gouvernement attende des personnels, quel que soit leur métier, de réaliser toutes les missions que ces enveloppes budgétaires maintenant disparues permettaient de rémunérer. Une trop grande partie du travail des personnels est déjà insuffisamment reconnue. Un trop grand nombre de nos collègues est déjà en situation d’épuisement professionnel. Nombreux sont celles et ceux, quel que soit leur métier, leur niveau de responsabilité qui témoignent de cette situation dégradée, de leurs interrogations sur les conditions dans lesquelles exercer les missions à l’avenir. Perte de sens sur le plan des politiques éducatives avec le « choc des savoirs », perte de sens sur le plan de l’organisation du travail avec des décisions ces derniers mois qui conduisent nos collègues à considérer qu’ils et elles sont contraints de mal travailler alors qu’ils et elles aspirent à bien travailler.
Nous vous demandons d’organiser enfin un dialogue social de qualité sur les conséquences des coupes budgétaires sur le service public d’éducation, et sur le travail des personnels. Nous vous demandons aussi de prendre en compte les alertes nombreuses dont vos services disposent sur l’épuisement professionnel, sur les risques psychosociaux dont témoignent de nombreux agents.
Je vous prie de croire, Madame la ministre, à notre attachement au service public de l’Éducation nationale.
Catherine Nave-Bekhti
Secrétaire générale du Sgen-CFDT